Centre de rétention du Mésnil-Amelot, le 7 février 2006
Monsieur A., un jeune Turc de 26 ans, d’origine kurde, vient d’échapper de justesse à un renvoi vers la Turquie, alors même qu’un tribunal avait reconnu qu’il y était en danger.
Chronique d’un acharnement administratif… ou les dérives de la politique du chiffre.
Monsieur A. a été amené le 11 janvier dernier par la préfecture de Seine et Marne au centre de rétention
administrative du Mesnil-Amelot pour être reconduit en Turquie.
Il a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler cette reconduite, ou pour le moins, la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi. En effet, il a un certain nombre de preuves établissant qu’il encourrait de graves dangers dans son pays d’origine.
Ces documents ont été pris en compte par le tribunal, qui a annulé le choix de la Turquie comme pays de destination, tout en maintenant la décision de l’éloigner de France.
De retour au centre de rétention, Monsieur A. reçoit quelques jours plus tard un dossier de réexamen d’une demande d’asile, dossier dont il n’a jamais fait la demande. Sachant qu’il lui sera impossible de rassembler en quelques jours des preuves attestant de craintes de persécutions et sans interprète, Monsieur A. refuse de remplir ce dossier dont il sait qu’il ne mènera qu’à un échec.
La Préfecture de Seine et Marne, plutôt que de libérer quelqu’un qu’elle ne pourra reconduire, prend alors une nouvelle décision de reconduite vers la Turquie, arguant du fait qu’après son refus de remplir ce dossier d’asile, « rien ne fait obstacle à l’exécution de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière » et donc au renvoi vers la Turquie…
La Préfecture mélange à dessein des notions tout à fait distinctes : les raisons pour lesquelles un étranger peut obtenir le statut de réfugié sont bien plus restrictives que les raisons pour lesquelles il peut se voir annuler le pays de renvoi.
Monsieur A. décide de contester ce nouveau renvoi vers la Turquie, à nouveau devant le tribunal administratif. Mais lorsqu’il y est convoqué, le tribunal remet le jugement à une date ultérieure, après la date prévue pour son expulsion, le 26 janvier !
L’avocate de Monsieur A. fait une référé suspension. C’est une demande de jugement en urgence par lequel le tribunal administratif peut ordonner à une préfecture de suspendre une reconduite tant que l’affaire n’est pas jugée. Normalement audiencé en quelques jours, le tribunal, devant l'urgence, décide de statuer le matin même, quelques heures avant le vol. Il répond favorablement et suspend la procédure d'éloignement.
Monsieur A. a failli être renvoyé vers la Turquie, alors même que le tribunal administratif avait estimé qu’il y risquait sa vie… La Préfecture montrerait-elle un zèle si dévot à suivre les consignes du Ministre de l’Intérieur visant à augmenter le nombre de reconduites à la frontière, qu’elle en oublierait les principes les plus élémentaires du droit international, tel que le principe de non refoulement vers un pays où une personne risque la torture?…
Source : CIMADE
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