vendredi, décembre 03, 2010

Immigration : Perspective d'un "permis unique" européen de travail et de séjour

Immigration: un "permis unique" européen de travail et de séjour

Une procédure administrative simplifiée et l'égalité de traitement avec les travailleurs nationaux pour les salaires, les conditions de travail ou encore la sécurité sociale: un projet de directive, soutenu en commission des libertés civiles, vise à lutter contre l'exploitation de la main d'œuvre étrangère en renforçant les droits des ressortissants de pays tiers travaillant dans l'UE. 

La directive "permis unique" doit compléter le dispositif de la carte bleue européenne visant à faciliter l'immigration légale en fonction des besoins du marché du travail européen. Elle vise à permettre aux ressortissants des pays tiers d'obtenir un permis de travail et un permis de séjour en une seule procédure et à un seul guichet.

Le titulaire du permis unique se verrait en outre accorder le droit de transiter par d'autres Etats membres. Toute décision de rejet d'un permis devra être  motivée, et le candidat pourra bénéficier d'un droit de recours, en accord avec la législation nationale en vigueur.

La proposition de directive ne touche pas aux conditions d'admission de ressortissants de pays tiers, qui relèvent de la compétence des Etats-membres. En revanche, elle leur garantit un socle de droits et leur offre un statut juridique sûr, afin de constituer un garde-fou contre l'exploitation de la main d'œuvre étrangère.

Le texte ne couvre pas les travailleurs saisonniers (qui font l'objet d'une autre proposition législative) ou les demandeurs d'une protection internationale.

Egalité de traitement avec les travailleurs nationaux

La directive doit permettre de conférer l'égalité de traitement entre les travailleurs des pays tiers et les travailleurs nationaux dans un certain nombre de domaines comme les salaires, les conditions et le temps de travail, la formation, ou encore la sécurité sociale - les Etats membres peuvent toutefois restreindre cette égalité de traitement dans certaines conditions, par exemple en exigeant la preuve d'une connaissance appropriée de la langue pour donner accès à l'éducation ou à la formation.

Les députés de la commission des libertés civiles, ont estimé qu'il revient  aux Etats membres de décider si la demande de permis unique doit être déposée dans le pays tiers ou dans l'Etat membre de destination. Si la demande n'est pas déposée dans un pays tiers, elle devra être formulée par l'employeur de la personne, stipule le rapport de Véronique Mathieu (PPE, FR) adopté par 41 voix pour, 8 contre et 2 abstentions.

La proposition législative avait été publiée en 2007, avant de changer de base juridique avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Le Parlement examine le texte en codécision avec le Conseil des ministres.

dimanche, novembre 14, 2010

Le tribunal administratif de Nice rappelle l’obligation de l’Etat en matière d’hébergement des demandeurs d’asile et condamne l’Etat même pour les Eurodacés

Le tribunal administratif de Nice rappelle l’obligation de l’Etat en matière d’hébergement des demandeurs d’asile
et condamne l’Etat pour n’avoir pas respecté des décisions de justice du mois de juillet dernier.

Par une série 10 ordonnances du 12 novembre 2010 (*), le Président du Tribunal administratif statuant en référé, a enjoint au Préfet du département des Alpes-Maritimes d’assurer l’hébergement de plusieurs familles de demandeurs d’asile dans un délai de 24 heures à compter de la notification des ordonnances (dès vendredi 12 novembre au soir) sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Le tribunal enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de communiquer, avant le 20 novembre 2010, la copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter ses ordonnances.

Par ailleurs, des décisions de juillet dernier du même tribunal (23 décisions rendues les 13, 15, 19 et 23 juillet) avaient déjà condamnées l’Etat à prendre en charge l’hébergement des demandeurs d’asile. L’Etat n’ayant pas exécuté ces décisions ou ayant mis fin prématurément à la prise en charge des intéressés, le tribunal a également prononcé la liquidation des astreintes qui avaient été ordonnées en juillet. Le taux d’astreinte prononcée à l’encontre de l’Etat par les précédentes ordonnances (100 euros par jour de retard) a été porté à 500 euros par jour en cas de non exécution des ordonnances de juillet 2010. 

Certaines familles font parties de celles qui ont été contraintes d’occuper l’immeuble situé au 1 rue George Clémenceau. Cet immeuble est occupé en désespoir de cause (**) par des demandeurs d’asile depuis le 4 novembre 2010. L’immeuble est géré par le Collectif Niçois de soutien aux Demandeurs d’asile (CNDA).

Le raisonnement juridique est simple :
L’Etat a une obligation d’assurer des conditions minimales d’accueil (dont le logement) à tout demandeur d’asile qui se trouve en France et dont la demande est instruite par les autorités française ou par un autre Etat, en tous cas tant qu’il est admis à séjourner en France ou que son transfert vers un autre Etat européen responsable de sa demande n’a pas eu lieu.
Le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de rappeler que la privation de mesures prévues par la loi aux fins de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté protégée (CE réf., 23 mars 2009, req. n° 325884, Ministre chargé de l'immigration c/ Gaghiev).
Selon le Conseil d’Etat, le droit fondamental d’asile (un droit constitutionnel) a pour corolaire le droit à des conditions minimales d’accueil qui comprennent le logement. Ce n’est donc pas sur le fondement du droit au logement opposable (DALO) que l’Etat doit garantir un logement aux demandeurs d’asile, mais bien sur le fondement du droit constitutionnel d’asile. En cela, la condition des étrangers demandeurs d’asile est différente de celles des autres étrangers sur le territoire ou même des nationaux.

En effet, l’article 13 de la Directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile oblige les Etats membres à prendre « des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs ».
La notion de « conditions matérielles d’accueil » est définie par l’article 2 de la même Directive comme comprenant « le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière ».
Par ailleurs et en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, les demandeurs d’asile peuvent être admis à l’aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d’asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d’un niveau de ressources suffisant bénéficient d’une allocation mensuelle de subsistance [il s’agit de l’ATA, l’allocation temporaire d’attente, de 10,67 euros par jours : http://vosdroits.service-public.fr/F16118.xhtml]. Ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d’accueil d’urgence spécialisé pour demandeurs d’asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d’un accueil en centre pour demandeurs d’asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l’article L. 345-2 du Code de l’action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d’hébergement d’urgence ou un centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
Enfin, l’article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 s’applique « à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un Etat membre tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile, ainsi qu’aux membres de leur famille, s’ils sont couverts par cette demande d’asile conformément au droit national ». Or aucune disposition de cette directive ne prévoit d’exception pour les personnes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du règlement CE 343/2003 du 18 février 2003 et de faire à ce titre l’objet d’une demande de réadmission vers l’Etat devant être regardé, en vertu de ce règlement, comme l’Etat responsable de la demande d’asile.
Dès lors, l’engagement d’une procédure de prise en charge par un autre Etat d’un demandeur d’asile postérieurement à son entrée sur le territoire est sans influence sur le droit de l’intéressé de bénéficier de conditions matérielles d’accueil décentes tant que cette prise en charge n’est pas devenue définitive.

 

(*) Avocat du Collectif et des familles : Maître Zia OLOUMI – Juge des référés du Tribunal administratif : Monsieur Norbert CALDERARO, Vice-président du Tribunal administratif de Nice.

(**) Chronique d’une occupation annoncée :

-          NICE Demandeurs d’asile : misère dans la ville du luxe et de la douceur de vivre (15 janvier 2010) : http://salades-nicoises.net/spip.php?breve635

-          A Nice, les demandeurs d’asile sans hébergement demandent un toit à la préfecture,  2 février 2010, http://www.millebabords.org/spip.php?article13278

-          Les demandeurs d’asile de Nice embarrassent les autorités, 30 août 2010, http://www.secours-catholique.org/actualite/les-demandeurs-d-asile-de-nice,7724.html

-          Immigration : demandeurs d’asile, le collectif ne lâche rien, Nice Matin du 21 octobre 2010 : http://www.nicematin.com/article/faits-divers/immigration-demandeurs-d%E2%80%99asile-le-collectif-ne-lache-rien

-          Nice centre : Un immeuble occupé par des demandeurs d'asile, 7 novembre 2010, http://www.hyperlocalnews.fr/articles/nice-centre-un-immeuble-occupe-par-des-demandeurs-d-asile/read/770

samedi, novembre 06, 2010

France : Les fichiers spécifiques à l'asile

Les fichiers spécifiques à l'asile en France


Ces fichiers sont particulièrement nombreux et peu protégés dans les faits.

Plusieurs fichiers ont été mis en place auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et de la CNDA (Cour nationale du droit d'asile). Ces fichiers ne peuvent en aucun cas être connectés au fichier AGDREF (système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France mis en œuvre par le ministère chargé de l'immigration et prévu par les articles D 611-1 et suivants du Code des étrangers).


1) Dispositif français Eurodac


C'est une circulaire du 31 décembre 2002 qui a mis en place le dispositif français de collecte et transmission des empreintes digitales des demandeurs d'asile dans le cadre d'Eurodac. Dans la mesure où Eurodac est créé par un règlement, le nouveau dispositif est appliqué nationalement, à l'image du SIS (système d'information Schengen). Mais le dispositif Eurodac permet aussi la prise d'empreintes, il s'agit d'un relevé décadactylaire : ce sont les empreintes roulées de chaque doigt qui sont prises, plus les empreintes de contrôle (quatre doigts de chaque main simultanément + chaque pouce).

Le relevé est effectué par les préfectures, selon deux systèmes :
  • pour la majorité des préfectures, le relevé est réalisé au moyen d'une fiche dactyloscopique spéciale transmise par voie postale à la DLPAJ (Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du Ministère de l'intérieur), qui la transmet à son tour à l'unité centrale Eurodac ;
  • un système de bornes électroniques est mis en place dans certaines préfectures ; elles permettent de transmettre directement les empreintes à l'unité centrale (Circ. 31 déc. 2002, NOR : INTD8900371C).
2) Fichier d'automatisation des formalités administratives
Ce fichier a été créé par deux arrêtés du 5 novembre 1990, modifiés par arrêté du 26 septembre 1991 (Arr. 5 nov. 1990, NOR : MAEA9020411A mod. par Arr. 26 sept. 1991, NOR : MAEF9110026A : JO, 19 oct.Arr. 5 nov. 1990, NOR : MAEA9020412A mod. par Arr. 26 sept. 1991, NOR : MAEF9110026A : JO, 19 oct.).

Le fichier a été créé auprès de l'Ofpra et de la CRR (Commission de recours des réfugiés, devenue CNDA, Cour Nationale du droit d'asile)  un fichier destiné à l'automatisation des formalités administratives et à l'information des préfectures et du ministre de l'intérieur sur la situation des dossiers des demandeurs d'asile.

Ces fichiers, qui peuvent s'échanger leurs données, contiennent des informations portant sur :
  • l'identité du requérant (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, situation de famille, nationalité, adresse) ;
  • sa situation administrative (nature des documents d'identité versés au dossier, date de dépôt de la demande) ;
  • la classification du dossier (identifiant, vitesse d'examen) ;
  • la décision sur la demande (nature et date).
Les destinataires des informations, en dehors de l'Ofpra et de la Cour nationale du droit d'asile sont, pour les décisions de rejet :
  • la préfecture du lieu de résidence ;
  • le ministre de l'intérieur ;
  • le service social d'aide aux migrants ;
  • les Assedic ;
  • la délégation française du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Le service télématique mis en place est destiné aux agents habilités par le préfet pour la délivrance des autorisations provisoires de séjour et le ministre de l'intérieur ou les fonctionnaires habilités de la DLPAJ ; il contient des informations sur les décisions de l'Ofpra et de la CNDA.


3) Fichier jurisprudentiel relatif au droit des réfugiés

Par arrêté du 22 novembre 1994 le ministère des affaires étrangères a mis en place un fichier dont l'objet est « d'améliorer le classement de la jurisprudence relative au droit des réfugiés, et de faciliter les travaux des membres de la commission » (Arr. 22 nov. 1994, NOR : MAEF9410044A : JO, 15 déc.).

Ce fichier, destiné à sélectionner des décisions de la Commission des recours des réfugiés (devenue Cour nationale du droit d'asile - CNDA) et du Conseil d'État, en qualité de juge de cassation en matière d'asile, est créé auprès du secrétariat de la CNDA.

Les catégories d'informations prévues à l'article 2 de l'arrêté recouvrent très exactement les données sensibles, puisqu'elles sont : l'identité, la situation familiale, la nationalité, l'origine ethnique, les opinions politiques, religieuses et philosophiques et l'appartenance syndicale. Ces données, particulièrement sensibles en temps normal, le sont d'autant plus s'agissant de demandeurs d'asile et de réfugiés qui courent des risques du fait de leurs activités politiques, de leur race ou de leur religion. La CNIL (Commission nationale informatique et libertés) avait pourtant insisté sur les risques liés à ces fichiers hautement sensibles, et demandé que des mesures de protection renforcées soient prises.

Les destinataires de ces informations particulièrement sensibles sont énumérés à l'article 3 de l'arrêté du 22 novembre 1994 : outre, le président et le secrétaire général de la CNDA, le directeur de l'Ofpra, sont également destinataires : les membres du centre d'information contentieuse de la CNDA et, sur demande écrite adressée au président de la CNDA, les praticiens du droit des réfugiés extérieurs à la juridiction (sans doute : les avocats et les juristes du droit des étrangers).


Malgré la présence d'informations sensibles, l'accès aux informations est direct et s'exerce auprès du président de la CNDA.


4) Fichier sociologique des personnes sollicitant le statut de réfugié


Ce fichier est destiné à « identifier les circonstances qui conduisent un étranger à demander à bénéficier de la Convention de Genève et les raisons pour lesquelles il est ou n'est pas reconnu réfugié » (Arr. 22 nov. 1994, NOR : MAEF9410044A : JO, 1er déc.).

Ce deuxième arrêté applique en fait (sans l'indiquer) les règles prévues dans le cadre de l'échange d'informations prévu par les accords de Schengen en matière d'asile, et de demandeurs d'asile. On rappellera que l'ensemble de ces règles a été mis en place avec un objectif de contrôle et de surveillance dans le cadre d'une coopération de nature policière.

Les catégories d'informations sont classiques : identité, situation familiale, niveau d'études, profession, motif principal de la décision, moyen principal du recours (ce qui laisserait supposer que ces moyens, généralement écartés par l'Ofpra et la CRR, donnent des indications intéressantes sur le parcours de l'étranger demandeur d'asile, même si elles sont généralement écartées comme inopérantes et douteuses).

Destinataires et droit d'accès Les destinataires des informations sont : le président de la CNDA, le directeur de l'Ofpra, le secrétaire général de la CNDA, le responsable du service des études.
Le droit d'accès est direct et s'exerce auprès du président de la CNDA.



5) Liste des demandeurs d'asile hébergés en Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA)


En application de l'article R. 351-6 du code du travail, l'OFII (office français de l'immigration et de l'intégration) communique, chaque mois, aux institutions gestionnaires chargées du service de l'allocation, la liste nominative des demandeurs d'asile pris en charge dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Un arrêté précise quelles sont les données transmises : nom, date et lieu de naissance, numéro Ofpra, adresse, nationalité, département du Cada, numéro AGDREF (fichier des étrangers). Les mêmes données (sauf nationalité et numéro Ofpra) sont appliquées à la liste mensuelle des demandeurs d'asile ayant refusé une offre de prise en charge en Cada. Enfin, ce sont les mêmes données qui figurent dans le fichier des décisions devenues définitives pendant le mois relatives aux demandes d'asile et à la protection subsidiaire, fichier transmis mensuellement par l'Ofpra aux gestionnaires chargés du service de l'allocation (Arr. 23 mars 2007, NOR : SOCN0710862A : JO, 6 avr.).

dimanche, octobre 10, 2010

Un fichier illégal surles Roms

La gendarmerie détient un fichier Roms illégal
LEMONDE | 07.10.10 par Franck Johannès

La gendarmerie a constitué un fichier sur les Roms et les gens du voyage, illégal et clandestin. Ce fichier ethnique, dont Le Monde révèle l'existence, est d'ailleurs baptisé MENS – minorités ethniques non sédentarisées. Il est détenu par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), au fort de Montrouge, à Arcueil (Val-de-Marne). "Il n'y a pas de statistiques sur des communautés, assurait pourtant Brice Hortefeux, le ministre de l'intérieur, le 25 août sur RTL, mais des statistiques naturellement sur des nationalités. Il n'est pas question d'expulser des Roms parce qu'ils sont Roms."

Michel Bart, son directeur de cabinet, est cité à comparaître devant le tribunal le 23 novembre pour "incitation à la haine raciale", après avoir signé le 5 août une circulaire qui demandait, dans sa première version, l'évacuation de campements illicites, "en priorité ceux des Roms".

L'existence du fichier MENS est autrement plus grave pour Françoise Cotta et William Bourdon, avocats des quatre principales associations de Roms et de gens du voyage. Ils ont porté plainte, mercredi 6 octobre, auprès du procureur de Paris pour constitution de fichier non déclaré, et conservation "de données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales et ethniques". Ces infractions sont punies de cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

L'embarras des autorités est manifeste. Le ministère de l'intérieur indique ne pas avoir connaissance de ce fichier, la gendarmerie affirme qu'il n'existe pas.

MENTIONS IMPRUDENTES

Les associations de gens du voyage sont tombées sur le fameux fichier sur Internet. Notamment sur un document de présentation des missions de l'OCLDI, qui a été commenté par un chef d'escadron de l'office, lors d'un colloque, en novembre 2004 à Lille, avec quelques mentions imprudentes. Une page faisait état d'une "généalogie des familles tziganes" difficile à établir sans fichier.

En cliquant sur une carte de France, le commandant a fait apparaître, région par région, les noms de familles de gens du voyage avec leurs "spécialités" : trafic de véhicules, vol de bijoux, fraude intracommunautaire, blanchiment… Une autre page du document recense "les groupes à risques : gens du voyage (Manouches, Gitans) ; les équipes des cités ; les délinquants itinérants en provenance des pays de l'Est (Roms…)".

Suit un "état numérique des interpellations de Roms (étrangers) par la gendarmerie, de 2000 à 2004", classé par nationalité : Roumanie, Hongrie, Moldavie, Albanie… Il ne s'agit pas de Hongrois ou de Géorgiens – qui pourraient être des Roms –, mais bien de Roms, qui sont hongrois ou géorgiens. Le document, qui n'est plus disponible sur Internet depuis fin septembre, atteste, selon la plainte, "de l'existence d'un fichier des interpellations des Roms (ethnie), nationalité par nationalité".

"Ces fichiers ont des relents qui ne peuvent que rappeler de très mauvais souvenirs, souligne Me Bourdon. Ils apparaissent comme le paroxysme des dérives d'une logique sécuritaire qui ne fait que s'aggraver." Pour Me Cotta, "nous ne sommes pas en 1940, nous attendons une réaction publique pour que ça s'arrête très vite. C'est au sein de ce gouvernement que se trouve le principal danger pour la paix sociale."

Le ministère de l'intérieur admet que l'expression MENS "a été utilisée par la gendarmerie dans les années 1990", mais "n'a pas connaissance" d'un fichier de ce nom. "S'il apparaissait des éléments nouveaux, nous demanderions naturellement au groupe de contrôle des fichiers de se saisir de cette question", indique la Place Beauvau.

Alain Bauer, le président du groupe de contrôle, ne connaît pas non plus le fichier MENS, mais entend bien s'autosaisir : "Beaucoup de ces institutions mentent avec aplomb, ce n'est pas le premier fichier non déclaré qu'on découvrirait." Le fichier MENS est inconnu de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). "La loi de 1978 pose le principe de l'interdiction de faire mention des données ethniques et raciales", explique Yann Padova, secrétaire général de la CNIL.

"CRITÈRE ETHNIQUE"

La direction de la gendarmerie admet qu'avant 2004, le terme Rom a été utilisé, et qu'on y a mis bon ordre depuis. "Mais à aucun moment ne figure de critère ethnique à l'OCLDI, et le fichier MENS n'existe pas." L'OCLDI a été créé par décret en juin 2004, et a pris la suite d'une cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (Cildi), créée en 1998. Il est composé d'une quarantaine de gendarmes et de 8 policiers, et est dirigé par un colonel. L'office a officiellement pour mission de lutter contre la criminalité et la délinquance commises par des "équipes structurées et itinérantes".

L'existence du fichier MENS est prouvée par nombre de documents internes à la gendarmerie. Ainsi l'OCLDI, dans une "fiche de travail" sur le vol avec violences, annexe, en pièce jointe, un tableau Excel "recensement des dossiers en cours, consultation fichier MENS, schéma relationnel".

Dans une autre fiche, à "diffusion restreinte", les gendarmes écrivent sans sourciller : "L'environnement généalogique effectué par l'OCLDI à partir des procédures et des renseignements recueillis, ainsi que la consultation de notre base documentaire de données (fichier MENS), permet d'indiquer que certains individus suspectés appartiennent à la communauté française des gens du voyage, se connaissent soit par des liens familiaux, soit par relations criminelles d'habitude."

Dans un troisième document, rédigé à l'intention d'un procureur de la région parisienne, l'OCLDI fait état "d'informations obtenues dans le cadre de procédures" [judiciaires], puis "d'informations officieuses : consultations des fichiers SDRF (STRJD) sur les titres de circulation et fichier MENS (OCLDI) sur les liens de famille (généalogie), environnement patrimoniaux des personnes précitées".

Le SDRF est un fichier, légal mais purement administratif, sur les titres de circulation des nomades, installé au service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). "Il ne peut contenir aucune information relative à des condamnations judiciaires", indique la CNIL. C'est bien cependant à partir du SDRF, qui comptait en 2008 plus de 170 000 fiches et était consulté 400 fois par jour, que l'OCLDI a créé, avec une recension systématique des campements, son fichier MENS – de facto un fichier ethnique.

samedi, octobre 09, 2010

Cinq lois sur l'immigration en sept ans

lexpress.fr
Publié le 28/09/2010 à 23:30

Le projet de loi Besson sur l'immigration examiné par l'Assemblée nationale est le cinquième texte sur l'entrée et le séjour des étrangers depuis 2003. 

Rappel des précédents.


Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur en 2002, les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ont fait voter quatre lois sur la maîtrise des flux migratoires et le droit d'asile. Presque toutes dans le sens d'un durcissement des conditions d'entrée et de séjour des étrangers. 


Loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

Les dispositions de cette loi concernent principalement l'immigration familiale.
- Pour toute personne demandant un visa de long séjour pour regroupement familial, il est procédé, dans le pays où le visa est sollicité, à une évaluation de son "degré de connaissance de la langue française". Si besoin est, le demandeur doit suivre une formation linguistique organisée sur place.

- Un "contrat d'accueil et d'intégration pour la famille" oblige notamment les parents à veiller à la bonne intégration de leurs enfants. En cas de non respect, le juge des enfants peut être saisi et le paiement des allocations familiales suspendu.

- Des seuils de ressources nécessaires pour pouvoir prétendre au regroupement familial doivent être fixés en fonction de la taille de la famille.

- La tutelle de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est transférée du ministère des Affaires étrangères au ministère de l'Immigration.

Loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration

- L'étranger installé en France ne peut faire venir sa famille que dix-huit mois, et non plus un an, après son arrivée. La superficie du logement tient compte de la taille de la famille. Quant aux ressources minimales, seuls les revenus liés au travail sont pris en compte.

- Les régularisations automatiques après dix ans de vie en France sont supprimées. Elles concernaient environ 3000 personnes par an.

- L'octroi d'une carte de résident de dix ans est conditionnée à l'obtention d'un diplôme sanctionnant la connaissance de la langue française.

- Concernant les mariages mixtes, la carte de résident est attribuée au conjoint de Français après trois ans de mariage (et non plus deux). En cas de rupture dans les quatre ans qui suivent, la carte peut être retirée (sauf en cas de violences conjugales).

Loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile

S'inspirant de dispositions de l'Union européenne, la loi fait de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) le guichet unique de traitement des demandes d'asile. Le délai de traitement des demandes est censé être réduit.

La loi crée la notion d'"asile interne", qui permet à l'OFPRA de rejeter la demande d'une personne ayant pu avoir "accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine" et qui pourrait y être renvoyée.

Une liste de pays dits "pays d'origine sûrs", des pays "veillant" au respect de la liberté et des droits de l'Homme, est publiée. Les préfectures peuvent invoquer cette liste pour refuser l'admission sur le territoire.

Loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

Destinée à lutter contre l'immigration irrégulière, cette loi allonge la durée de rétention administrative de 12 à 32 jours.

Un fichier d'empreintes digitales et de photos établi à partir des demandes de visa est instauré. Il permet l'identification des étrangers entrés légalement sur le territoire français qui y seraient restés de façon irrégulière.

La carte de résident n'est accordée au conjoint étranger d'un français qu'au bout de 2 ans (contre 1 an auparavant).

Les peines contre les responsables de filières d'immigration clandestine sont alourdies.

La loi créé un délit de "mariage de complaisance".

Les maires voient leur pouvoir de contrôle élargi: conditions d'hébergement et sincérité des demandes.

En revanche, le texte abroge en partie la double peine, qui punissait des condamnés de droit commun en situation régulière ayant purgé leur peine à être expulsés du territoire.

jeudi, août 05, 2010

Comment peut-on perdre la nationalité française ?

Par Laurence De Charette
Source : Le Figaro, 26/04/2010


Éric Besson a expliqué dimanche qu'il souh­aitait procéder à des vérifications juridiques avant de se prononcer sur l'opportunité de déchoir de sa nationalité un homme supposé polygame. À ses yeux, il sera «probablement» difficile de prouver la polygamie de cet homme.

Le ministre de l'Immigration a commencé à étudier, ce week-end, à la demande de Brice Hortefeux, les conditions dans lesquelles Liès Hebbadj, soupçonné de polygamie et de fraudes aux prestations sociales, appartenant à la mouvance radicale du Tabligh, selon le ministre de l'Intérieur, pourrait être déchu de sa nationalité française. Le parquet de Nantes a ouvert une enquête sur cet homme né à Alger et qui a acquis la nationalité française par son mariage, en 1999, avec une Française.


« Retrait » du décret de naturalisation

Toutefois, la procédure de déchéance de la nationalité française - qui ne peut toucher que les personnes l'ayant acquise en cours de vie -reste très rare. Même condamnable, une éventuelle fraude aux aides sociales - fraude considérée elle par la plupart des spécialistes comme relativement fréquente - ne fait pas partie des motifs prévus par les textes. Risquent d'être déchues - par décret - les personnes condamnées à certains crimes ou délits précis comme l'«atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», le terrorisme, ou encore celles qui se livreraient «au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France». Pour l'essentiel, les textes visent donc les espions ou les personnes mêlées au terrorisme. Bien qu'illégale, la polygamie ne rentre pas non plus dans les critères de la procédure de déchéance.

Toutefois, on peut également perdre la nationalité française par «retrait» du décret de naturalisation - une procédure plus usuelle, utilisée notamment lorsqu'il y a eu mensonge ou fraude sur les conditions d'obtention et dont le délai de prescription (deux ans) peut ne commencer à courir qu'à partir de la découverte des faits. En l'occurrence, Liès Hebbadj a obtenu la nationalité française par son mariage en 1999. S'il s'avérait par exemple aujourd'hui qu'il était déjà marié - en France ou à l'étranger - à ce moment, l'acquisition de sa nationalité pourrait être remise en cause. Sa condition exacte au moment de la célébration de ses noces, mais aussi son rôle dans le mouvement du Tabligh sont donc pour lui les deux points les plus sensibles de l'enquête qui le vise.

La déchéance de la nationalité à travers l'Europe

Source: Le Figaro, 04/08/2010
Par Jim Jarrassé, Damien HYPOLITE

La plupart des pays de l'Union sont dotés de lois autorisant la déchéance de la nationalité pour des crimes et délits précis. Mais seule l'île de Malte est allée aussi loin que ce que ce que l'Elysée propose en France.


En France, la procédure de déchéance de nationalité reste pour le moment très rare car elle est strictement encadrée. Conformément à l'article 25 du code civil, seuls risquent d'être déchus les citoyens naturalisés condamnés à certains crimes ou délits précis comme l'«atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», le terrorisme, ou ceux qui se livreraient «au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France». Des conditions très restrictives que l'on retrouve dans les autres pays d'Europe.







Seule Malte punit certains de ses criminels de droits communs issus de l'immigration par une déchéance de nationalité : si un citoyen est condamné à une peine supérieure à un an de prison dans les sept années qui suivent sa naturalisation, il perd automatiquement la nationalité maltaise. Dans les autres pays européens, il faut en revanche porter gravement atteinte à la sûreté de l'Etat ou représenter une réelle menace pour ses intérêts pour risquer une déchéance : être coupable de crimes de guerres, d'actes terroristes, servir dans une armée ennemie…



Ces motifs sont restreints car les lois qui autorisent la procédure doivent être conformes à un certain nombre de textes. Il peut par exemple s'agir de la Constitution nationale : en Allemagne, l'article 16 de la loi fondamentale indique ainsi que «la nationalité ne peut pas être retirée» et que «la perte de la nationalité ne peut intervenir qu'en vertu d'une loi et seulement si celui-ci ne devient pas de ce fait apatride». De même, un bon nombre de pays européens - à l'exception notable de la France - ont ratifié la Convention européenne sur la nationalité du Conseil de l'Europe qui stipule que «nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité» et que «chaque Etat partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants, qu'ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis leur nationalité ultérieurement.»

vendredi, juillet 16, 2010

La Grèce porte atteinte au droit d'asile

Les conditions de traitement des demandes d'asile en Grèce peuvent être de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit d'asile.

Le Conseil d'État vient de reconnaître que, dans les circonstances propres aux cas d'espèce, il a été suffisamment établi que les conditions de traitement des demandes d'asile en Grèce étaient de nature à faire regarder une décision de remise aux autorités de cet État comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit d'asile.

En l'espèce, les intéressés avaient présenté des certificats médicaux et des témoignages circonstanciés relatifs aux conditions, contraires aux garanties exigées par le respect du droit d'asile, dans lesquelles ils avaient été traités lors de leur transit sur le territoire de la Grèce.

Si le Conseil d'État semble enfin reconnaître que les autorités grecques ne respectent pas leurs obligations en matière de protection des réfugiés, il paraît toutefois persister à exiger la production de preuves se rapportant à la situation personnelle du demandeur d'asile, alors même que le Conseil de l'Europe et le Haut-commissariat aux réfugiés ont stigmatisé dans des termes identiques la violation persistante des droits des demandeurs d'asile.

CE, réf., 20 mai 2010, no 339478, Min. de l'Immigration c/ Othman

Une solution identique est retenue par le tribunal administratif de Paris dans le cas d'un Afghan qui établissait, par des attestations circonstanciées émanant notamment de journalistes grecs et italiens, qu'il avait, après avoir été réadmis à la demande des autorités italiennes, été détenu à plusieurs reprises par les autorités grecques et refoulé vers la Turquie sans jamais pouvoir faire examiner sa demande d'asile.

TA Paris, ord., 15 avr. 2010, no 1006265/9, Nazari


cette position confirme celle du 1er mars 2010 du Conseil d'Etat. Le juge des référés avait estimé qu'il appartient à l'administration « d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités grecques répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ».

Ces décisions constituent une avancée dans le contrôle juridictionnel des décisions de remise aux autorités d'un État responsable de l'examen d'une demande d'asile, notamment lorsque le requérant soutient que les conditions d'examen de sa demande ne seront pas conformes aux exigences du droit communautaire et du droit international.

En effet, jusqu'à présent, le juge des référés du Conseil d'État considérait que, dès lors que la Grèce était membre de l'Union européenne et signataire de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et de la Convention européenne des droits de l'homme, un demandeur d'asile ne pouvait utilement soutenir qu'une décision de remise aux autorités de cet État portait une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de demander l'asile.

Alors que la Cour européenne des droits de l'homme a demandé la suspension de la mesure au titre de l'article 39 de son règlement intérieur, le Conseil d'État semble donc avoir entendu les griefs opposés par les requérants. Mais il exige des preuves concrètes de leurs allégations quant aux mauvais traitements qu'ils auraient subis en Grèce ainsi qu'aux obstacles rencontrés pour solliciter le statut de réfugié, alors que le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, aux termes d'un rapport publié en décembre 2009, a recommandé aux États de l'Union européenne de ne pas renvoyer les demandeurs d'asile en Grèce compte tenu des graves lacunes de la procédure d'asile et de la violation des droits des demandeurs qui en résulte.

CE, réf., 1er mars 2010, no 336857, Min. de l'immigration c/ Tahir


Source : Editions Législatives, Dictionnaire permanent droit des étrangers

dimanche, mai 23, 2010

Acquisition de droits sociaux (parts sociales) par les étrangers en France

Comme tout Français, le ressortissant étranger qui veut acquérir ou céder des titres, quels qu'ils soient, d'une société commerciale française doit en avoir la capacité juridique. La capacité d'un étranger d'acquérir ou de céder des droits sociaux dépend de sa loi nationale et non pas de la loi française.

En revanche, les conditions dans lesquelles s'acquiert, se conserve ou se perd la qualité d'associé sont déterminées, quel que soit le pays où les titres sont détenus, par la loi nationale de la société, donc la loi française pour les sociétés françaises (Cass. 1e civ. 17 octobre 1972). Il en résulte que si un étranger veut acquérir des parts ou actions d'une société française le rendant associé ayant la qualité de commerçant (associé en nom d'une SNC ou associé commandité d'une SCS ou d'une SCA), il lui faut, outre l'aptitude reconnue par sa loi nationale, satisfaire aux conditions requises par la loi française pour l'exercice du commerce en France.

Selon l'article L 311-1 s. du Code des étrangers, les ressortissants étrangers, autres que les ressortissants européens qui veulent devenir associés tenus indéfiniment et solidairement des dettes d'une société française exerçant en France 'notamment dans le cas des Sociétés en nom collectifs) doivent être titulaires d'un titre de séjour (carte de séjour temporaire ou carte de résident) dans le cas où ils établissent leur résidence en France.

Sekib l'article L 122-1 du même Code, s'ils demeurent à l'étranger, ils doivent procéder à une déclaration au préfet du département du lieu d'immatriculation de la société. Ils ne peuvent donc, en principe, acquérir de droits sociaux les rendant associés d'une société en nom collectif ou associés commandités d'une société en commandite simple ou par actions qu'après avoir obtenu ce titre.


La carte de séjour temporaire remplace depuis 2007 la carte de commerçant étranger.


En principe, les étrangers non ressortissants de l'un des Etats membres de l'Union européenne doivent être titulaires d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle (l'ancienne carte de commerçant étranger) s'ils souhaitent devenir associés en nom d'une société française exerçant, en France, une activité commerciale, industrielle ou artisanale (et donc acquérir des droits sociaux leur donnant cette qualité) tout en établissant en France leur résidence (art. L 313-10, 2° , art. R 313-16 et art. D 122-1, II du Code des étrangers).

S'ils conservent leur résidence à l'étranger, ils doivent alors seulement effectuer une déclaration au préfet du département dans lequel ils envisagent d'exercer leur activité (art. L 122-1, al. 1, Code des étrangers).


 
Carte de séjour temporaire

 
Sont dispensés de produire une carte de séjour temporaire (art. L 311-1 et L 314-4, Code des étrangers) :

 
  • d'une part, les étrangers qui peuvent se prévaloir d'une convention dérogatoire, ce qui est le cas des ressortissants des vallées d'Andorre, de la principauté de Monaco et de la République populaire d'Algérie ;
  • d'autre part, les étrangers titulaires de la carte de résident.

La carte de résident confère à son titulaire le droit d'exercer, sur le territoire de la France métropolitaine, la profession de son choix sauf à respecter les règles particulières applicables à certaines professions réglementées (art. L 314-4, Code des étrangers).

 

La carte de séjour temporaire est valable pour une durée maximale d'un an (art. L 311-2, 1° du Code des étrangers). A l'expiration de la durée de validité de sa carte, l'étranger doit quitter la France, à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident (art. L 313-1, al. 2 du Code des étrangers).

 
Le défaut de carte de séjour temporaire peut être sanctionné par un emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an et une amende de 3 750 € ; le tribunal peut en outre interdire à l'étranger condamné de pénétrer ou de séjourner en France pour une durée allant jusqu'à trois ans au plus (art. L 621-1, Code des étrangers).

 
Si l'étranger se dissimule derrière un prête-nom, l'un et l'autre s'exposent aux sanctions pénales (CA Paris 22 mai 1963, Sciama c/ Soussan ; CA Paris 7 octobre 1967, 13e ch. corr., Uzan) et encourt à ce titre les mêmes sanctions que l'auteur du délit (art. 121-6 du Code pénal). En outre, l'acte d'acquisition est frappé de nullité absolue (Cass. soc. 19 juillet 1957, Bruni c/ Commune du Mont-Dore : Bull. civ. IV n° 878, rendu à propos d'une acquisition d'un droit au bail et d'un fonds de commerce par un étranger, mais à notre avis transposable à l'acquisition de droits sociaux).

 

Carte de résident

 
Les étrangers qui justifient d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq ans en France peuvent obtenir une carte de résident valable dix ans et renouvelable de plein droit à l'expiration de cette période (art. L 311-1 s. et L 314-1 s., Code des étrangers). Cette carte dispense de la carte de séjour temporaire (C. étrangers art. L 314-4).

 

 
Déclaration au préfet

 
L'étranger résidant hors de France et non ressortissant d'un des Etats membres de l'Union européenne qui souhaite devenir associé en nom d'une société française doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel est situé le siège social de la société ; à défaut, il ne peut pas requérir sa mention ou son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (art. L 122-1 et R 122-1, I du Code des étrangers). Cette déclaration, déposée auprès de l'autorité compétente ou envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, doit être accompagnée des indications relatives à l'état civil du déclarant, de la copie de l'extrait du casier judiciaire ou de toute autre pièce similaire du pays dont il est ressortissant et d'une copie des statuts de la société (art. D 122-2 du Code des étrangers).

 
Tout manquement à cette obligation de déclaration est passible d'une sanction pouvant aller jusqu'à un emprisonnement de six mois et une amende de 3 750 € (art. L 122-2 du code des étrangers).

lundi, avril 05, 2010

Le projet de loi immigration de Besson présenté au Conseil des ministres

Par Catherine Coroller, journaliste à Libération.


Moins de droits pour les étrangers en situation irrégulière sous le coup d'une mesure d'expulsion. Telle est la philosophie globale du projet de loi qu'Eric Besson présente en ce moment même au conseil des  ministres.

Une première version de ce texte avait circulé. La présente comporte quelques améliorations. L'article 73 qui prévoyait qu'un étranger expulsé qui tenterait de rentrer clandestinement en France pourrait être puni d'une peine d'emprisonnement de trois ans, semle avoir disparu.

Autre différence: ce texte prévoit de "rendre plus explicite l’immunité pénale de ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux étrangers en situation irrégulière. "L’article L.622-4 sera précisé afin de protéger de toute poursuite ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux étrangers en situation irrégulière" dit encore le projet de loi. Il s'agit en clair de ce que les associations appellent le "délit de solidarité". Est-ce la fin des ennuis pour les associations et particuliers qui aident les étrangers en situation irrégulière? Telle n'était pas l'intention de Besson. Le texte tel qu'il est rédigé aujourd'hui n'est pas suffisamment explicite pour en tirer des conclusions.


D'autres dispositions contenues dans l'avant-projet de loi sont inchangées. Ainsi:

  • La création de zones d'attente ad hoc. A la suite de l'arrivée de 123 kurdes, le 22 janvier, sur une plage du sud de la Corse, le ministre de l'immigration, Besson avait annoncé des mesures pour faire face à des "afflux massifs et inopinés" d'étrangers en situation irrégulière. Le projet de loi "crée un nouveau dispositif permettant de faire face à l’arrivée à la frontière de nombreux ressortissants étrangers, en dehors de tout point de passage frontalier. Il prévoit la possibilité pour le préfet de créer une zone d’attente temporaire, qui relie les lieux de découverte d’un groupe de migrants au point de passage frontalier, où sont normalement effectués les contrôles des personnes". Cette argutie matérialisée dans l'espace permet de priver immédiatement ces personnes de liberté.
  • L'interdiction de retour pour les expulsés. Cette mesure est la traduction en droit français de la directive européenne dite "retour". L'administration pourra désormais assortir une OQTF (obligation de quitter le territoire français) d'une «interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen» d’une durée maximale de 5 ans.

  • L'affaiblissement du rôle du juge de la liberté et de la détention. Il sera saisi 5 jours après le placement en rétention, contre 48 heures actuellement. Il pourra prolonger la rétention de 20 jours, au lieu de 15 aujourd'hui. Au terme de ce nouveau délai, la rétention pourra encore être prolongée de 20 autres jours. La durée maximale de rétention passe ainsi de 32 à 45 jours.

  • La pénalisation des employeurs de sans-papiers. Le texte prévoit ainsi "la mise en place d'un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes physiques ou morales qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour".
Parmi les autres dispositions, la création d'une "carte bleue européenne" pour les travailleurs hautement qualifiés (au minimum, diplôme BAC+3, ou justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins 5 ans), et l'obligation pour les étrangers accédant à la nationalité française de signer "une charte des droits et des devoirs du citoyen".

Source : http://immigration.blogs.liberation.fr/coroller/2010/03/besson-pr%C3%A9sente-son-projet-de-loi-sur-limmigration-au-conseil-des-ministres.html

Des élus lancent un "audit de la politique d'immigration"

PARIS — Des élus ont annoncé le 2 avril qu'ils allaient lancer "un audit de la politique d?immigration", principalement avec des représentants de gauche mais aussi au moins un député UMP, Etienne Pinte, et Jean-Luc Bennhamias (MoDem).

"Le 6 avril 2010 à 10H00, une conférence de presse à l'Assemblée nationale annoncera un audit de la politique d?immigration à l'initiative de députés de gauche (Martine Billard du Parti de Gauche, Noël Mamère des Verts et Sandrine Mazetier, du PS)", selon un communiqué.

"Parmi les premiers membres de cette commission figurent les députés Serge Blisko, David Goldberg et George Pau-Langevin (PS), Étienne Pinte (UMP), le sénateur Richard Yung (PS), les députés européens Jean-Luc Bennahmias (Modem), Hélène Flautre et Eva Joly (Europe écologie)", ajoute-t-on.

Les signataires estiment que "la politique d'immigration menée sous l'égide du président de la République continue de se durcir avec un nouveau projet de loi visant à réformer le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda)".

"Cette cinquième loi en sept ans appelle à s'interroger: s'il faut au gouvernement vingt fois sur le métier remettre son ouvrage, ne convient-il pas désormais de demander des comptes à la politique d'immigration?", s'interrogent-ils.

"Nicolas Sarkozy se veut le champion de la "culture du résultat": le moment est donc venu d'évaluer cette culture à l?aune de ses résultats", ironisent-ils.

Source : AFP, 3 avril 2010

"Les Yeux grands fermés. L'Immigration en France", de Michèle Tribalat : sociologie souverainiste

Source : Le Monde, 29 mars 2010

La démographe Michèle Tribalat part une nouvelle fois en croisade contre ce qu'elle perçoit comme une autocensure teintée d'"antiracisme idéologique" et s'appuyant sur la "valorisation de la minorité en tant que telle".

Quelle est l'ampleur précise des flux migratoires ? L'immigration empêche-t-elle, freine-t-elle réellement le vieillissement des pays européens ? L'afflux de migrants entraîne-t-il une baisse des salaires ? Quel est l'impact démographique de l'immigration sur le peuplement des territoires ? Quels sont ses effets sur les comptes sociaux ? Autant de questions auxquelles, en France, on se refuse de répondre, déplore Michèle Tribalat dans son nouvel essai.

"L'immigration est sacralisée au point que le désaccord ne peut exister et être raisonnablement débattu", affirme-t-elle, se donnant pour objectif de démonter un certain nombre d'idées reçues. Elle s'appuie notamment sur des analyses et travaux produits et débattus à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, mais qui n'ont que peu - voire aucun - écho dans l'Hexagone.

Nul ne contestera la quasi-inexistence, en France, des études d'impact, notamment économique, de l'immigration. Pour autant, la réflexion ne se réduit pas à des chiffres. L'usage de la statistique n'est lui-même jamais neutre, même si la directrice de recherche à l'Institut national d'études démographiques (INED) affirme en rester aux faits. Derrière sa dénonciation de l'aveuglement, de la "falsification ou présentation incorrecte" de la réalité, elle-même s'inquiète d'une supposée perte de souveraineté de l'Etat-nation, prenant ainsi une posture idéologique.

Ainsi Michèle Tribalat insiste-t-elle sur le changement fondamental de notre régime migratoire, qu'elle qualifie d'"auto-engendrement des flux familiaux" : si hier l'immigration familiale suivait l'entrée de travailleurs, désormais une bonne partie de l'immigration étrangère passe par la création ou l'activation de liens familiaux. Un phénomène que l'on aurait sous-estimé en "rusant avec les chiffres pour relativiser l'immigration étrangère aux yeux de l'opinion publique".

Mais derrière ce constat, c'est "l'intrusion croissante du contrôle judiciaire" et le déclin des autorités nationales en faveur d'une gouvernance européenne que pointe Michèle Tribalat. Les entrées sur le territoire pour motif familial étant attachées à des droits supranationaux, l'Etat ne pourrait plus, selon elle, avoir prise sur ces flux.

Michèle Tribalat pourfend, avec des accents souverainistes, "l'idéologie progressiste transnationale" que véhiculerait l'idée de gouvernance mondiale, associant pays de départ, pays d'accueil et migrants. Mais la gestion des migrations peut-elle relever exclusivement des seuls Etats nationaux, et a fortiori des seuls pays d'accueil ? La réponse de Michèle Tribalat est, de ce point de vue, un peu courte. Regarder lucidement l'immigration n'interdit pas d'adopter à l'égard de cette réalité sociale une approche plus constructive.


LES YEUX GRANDS FERMÉS. L'IMMIGRATION EN FRANCE de Michèle Tribalat. éd. Denoël, 240 p., 19 €.

samedi, février 20, 2010

La Halde prend la défense des étrangers privés du Dalo

Le secrétariat au logement est prié de revoir un décret de 2008 imposant des conditions de résidence pour les étrangers non communautaires pour invoquer le droit au logement.


La loi sur le droit au logement opposable est «discriminatoire», juge ce mercredi la Halde. En cause : un décret de septembre 2008, complétant la loi Dalo du 5 mars 2007, et imposant des conditions de résidence pour les étrangers non communautaires pour invoquer le droit au logement.

La loi Dalo impose en effet à l'Etat l'obligation de loger «toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière» qui n'est pas en mesure d'accéder à «un logement décent et indépendant» par ses propres moyens ou de s'y maintenir.

Pour les ressortissants de l'Union européenne, la loi Dalo s'applique dans les mêmes conditions que pour les nationaux. En revanche, pour les étrangers non communautaires, le décret ajoute des conditions: soit être titulaire d'une carte de résident ou équivalent (réfugiés, personnes justifiant d'une résidence continue et régulière d'au moins 5 ans en France, etc.). Soit justifier d'au moins deux années de résidence ininterrompue en France sous couvert de certains titres de séjour, renouvelés au moins deux fois.

En pratique donc, les étrangers relevant de cette seconde catégorie ne peuvent pas se prévaloir du droit au logement pendant deux ans, et ce quels que soient l'urgence de leur situation ou le délai anormalement long fixé dans le département concerné.

Encore faut-il qu'il y ait des logements disponibles...


Dans ses attendus, la Halde estime que «la condition de résidence préalable de 2 ans (...) apparaît comme un traitement défavorable fondé sur la nationalité qui n'apparaît pas justifié et proportionné à l'objectif poursuivi par la loi Dalo qui est de garantir le droit à un logement décent pour les personnes les plus démunies».

La Halde demande au secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, «d'abroger cette restriction contraire à la Constitution et aux engagements internationaux de la France».

Jean-Baptiste Ayrault, président de l'association Droit au logement (Dal) voit là «une avancée», même si «tout être humain qu'il ait ou pas des papiers, devrait avoir droit à un toit et pas dormir dans la rue.»

Quand bien même le gouvernement se plierait à la délibération de la Halde, ce droit au logement opposable sera-t-il appliqué? Si Jean-Baptiste Ayrault se refuse à qualifier la loi Dalo «d'échec», il reconnaît que «15 000 ménages ont été relogés, autant voire plus sont toujours en attente... Faute de logement disponible.» Il conclut : «la loi a reconnu le droit au logement ; à charge au gouvernement de se donner les moyens pour la respecter.»

samedi, février 13, 2010

France : Nouvelles restrictions prévues des droits des étrangers


Le gouvernement s'apprête à restreindre, de façon sensible, les droits des étrangers sans titre de séjour, menacés d'expulsion. L'avant-projet de loi du ministre de l'immigration, accroît la latitude de l'administration pour procéder à des mesures d'éloignement. Prévu initialement pour transposer la directive européenne dite "Retour" fixant des règles communes pour organiser le départ des étrangers illégaux, le texte, qui devrait être présenté en conseil des ministres courant mars, va bien au-delà. "Ce projet de loi créé pour les étrangers un régime d'exception en matière de droits", s'alarme Stéphane Maugendre, président du Groupe d'information de soutien aux immigrés (Gisti).


Création de zones d'attente ad hoc.

A la suite de l'arrivée de 123 kurdes, le 22 janvier, sur une plage du sud de la Corse, le ministre de l'immigration, Eric Besson avait annoncé des mesures pour faire face à des "afflux massifs et inopinés" d'étrangers en situation irrégulière. L'avant-projet de loi permet donc à l'administration de décréter "zone d'attente" de façon ad hoc, le lieu où sont découvertes "un ou plusieurs étrangers" arrivés "à la frontière en dehors d'un point de passage frontalier". Cette possibilité offerte à l'administration permet de légitimer la privation immédiate de liberté des personnes ce qui est le cas en zone d'attente, aujourd'hui réservées aux principales frontières aéroportuaires.

Accélération du processus d'éloignement.

Aujourd'hui, un étranger en situation irrégulière soumis à une mesure d'expulsion – avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF) – dispose d'un délai de 30 jours pour déposer un recours, suspensif, devant le tribunal administratif. Désormais, l'autorité administrative pourra décider qu'il doit repartir "sans délai". L'étranger n'aura alors plus que 48 heures, contre un mois actuellement, pour déposer un recours.

Création d'une interdiction de retour sur le territoire français.

Comme le prévoit la directive européenne, l'administration pourra désormais assortir l'OQTF d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans. Si l'étranger se maintient sur le territoire en dépit de son avis d'expulsion, ou s'il revient prématurément sur le territoire français, cette durée sera prolongée de deux ans.

Affaiblissement du rôle du juge des libertés et de la détention.

Le projet de loi maintient deux ordres de juridictions – administrative et judiciaire – pour se prononcer sur la privation de liberté des étrangers en situation irrégulière mais il restreint fortement les prérogatives du juge judiciaire garant des libertés fondamentales. L'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit se prononcer sur le maintien en rétention des étrangers, est repoussée: il ne sera saisi que 5 jours après le placement en rétention, contre 48 heures actuellement. Il pourra prolonger la rétention de 20 jours, au lieu de 15 aujourd'hui. Au terme de ce nouvelle délai, la rétention pourra encore être prolongée de 20 autres jours.

La durée maximale de rétention passe ainsi de 32 à 45 jours, comme le permet la directive "Retour" – elle prévoit une durée maximale de 18 mois. Par ailleurs, le JLD sera tenu de prendre en compte "des circonstance particulières liées notamment au placement en rétention d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatif à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet". Cette disposition permettra à l'administration de justifier de retard pris dans la notification aux étrangers de leurs droits. Elle pourrait ainsi empêcher que les JLD remettent en liberté pour cette raison les étrangers, comme ce fut le cas pour 123 kurdes découverts en Corse.

Amélioration des droits des travailleurs sans-papiers.

Le salarié sans papier aura droit au titre de sa période d'emploi illicite, à un rappel de salaires sur trois mois minimum ainsi qu'à une indemnité de rupture du contrat de travail de trois mois, contre un mois aujourd'hui. Le donneur d'ordre pourra être tenu civilement responsable du paiement de ces indemnités s'il a été "condamné pour avoir recouru sciemment aux services d'un sous-traitant employant un étranger sans titre".

Lutte contre le travail illégal.

La responsabilité pénale de l'emploi de travailleurs illégaux n'est toujours pas imputable aux donneurs d'ordre. Cependant les sous-traitants ont désormais l'obligation d'être agréés par leurs donneurs d'ordre. Cette disposition devrait amener les donneurs d'ordre à être plus vigilants sur les conditions d'emploi de leurs sous-traitants. Si ces derniers ne sont pas agréés, ils seront punis d'une amende de 7 500 euros.

Le texte octroie aux préfets le pouvoir de fermer "par décision motivée" et "pour une durée ne pouvant excéder six mois", une entreprise qui aura eu recours au travail illégal, qu'il s'agisse de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'œuvre ou d'emploi d'étranger sans titre de travail. Le préfet pourra également ordonner l'exclusion des marchés publics, d'une entreprise commettant ces même infractions, et ce pour six mois.

Création d'une "carte bleue européenne".

Le texte veut favoriser l'immigration choisie, un thème cher au président de la République. Il crée une "carte de séjour temporaire", de trois ans maximum, renouvelable, pour les étrangers titulaires d'un diplôme supérieur à la licence ou "d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans" et d'un contrat de travail d'au moins un an.

Source : Le Monde du 12 février 2010, par Laetitia Van Eeckhout

mercredi, février 10, 2010

Italie : les étrangers auront un permis de séjour à points

Le Monde, du 07.02.10

Pour pourvoir renouveler son titre, un immigré devra avoir accumulé suffisamment de points

Le ministre de l'intérieur italien, Roberto Maroni, et son collègue des affaires sociales, Maurizio Sacconi, ont annoncé, jeudi 4 février, leur intention de publier un décret instituant un permis de séjour à points pour les étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en Italie de façon régulière.

Selon M. Maroni, membre du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord, cette disposition peut être édictée « dans les prochains jours » car elle a été adoptée avec le « paquet sécurité » voté en juin 2009 par le Parlement.

Ce nouveau permis de séjour valable deux ans devrait être crédité de trente points à la fin de cette période pour pouvoir être renouvelé. Le demandeur, en plus d'avoir un contrat de travail et un logement, devra démontrer une connaissance de la langue et des lois italiennes, apporter la preuve qu'il est inscrit auprès des services sanitaires, que ses enfants sont scolarisés et qu'il est en règle avec le fisc. Dans le cas où le seuil fatidique des trente points ne serait pas atteint malgré la bonne volonté du requérant, il se verrait offrir une année supplémentaire pour l'atteindre.

Présenté comme une « charte des valeurs de la citoyenneté et de l'intégration » par le ministère de l'intérieur, ce projet comprend également un volet répressif. Les délits commis par les étrangers leur vaudront de perdre des points, voire d'être expulsés en cas de condamnation en première instance à une peine supérieure à trois mois de prison. Le projet de décret devrait également s'appliquer aux mineurs âgés de 16 ans et plus.

« Loterie sociale »

A l'annonce de ce nouveau tour de vis sur l'immigration, la gauche a dénoncé « une loterie sociale ». Selon Livia Turco, chargée des questions d'immigration au Parti démocrate, le permis de séjour à points sera « au contraire un obstacle à l'intégration qui favorisera la clandestinité » de ceux qui échoueront à l'obtenir. Pour l'association Migrare, qui lutte pour raccourcir les délais de renouvellement du permis de séjour (actuellement de 190 jours en moyenne), il s'agit d' « une réponse xénophobe de plus au problème de l'immigration ».

Ce texte va s'ajouter à un arsenal de mesures déjà très restrictives concernant l'immigration. Chacune d'elles - comme la création d'un délit d'immigration clandestine - a été imposée au gouvernement de M. Berlusconi par la Ligue du Nord, pour qui l'insécurité est une conséquence de l'immigration.

Commentant les violences de Rosarno (Calabre) entre immigrés africains et population locale, début janvier, M. Maroni n'avait pas hésité à déclarer que ces émeutes étaient le fait « d'une trop grande tolérance vis-à-vis de l'immigration ». « Avec ce système, s'est félicité M. Maroni, je suggère à l'étranger la marche à suivre pour s'intégrer. S'il le fait, je lui donne le permis de séjour, s'il ne le fait pas, cela signifie qu'il ne veut pas s'intégrer. »

Philippe Ridet

vendredi, janvier 29, 2010

2010, l'année du droit à migrer ?

En annonçant que la centaine de boat people débarqués à Bonifacio le 22 janvier bénéficierait d'un examen individuel de situation, les autorités françaises ont laissé entendre que certains pourraient se voir reconnaître le droit d'asile. Au même moment, le ministre de l'immigration proposait pourtant "le déploiement immédiat de renforts opérationnels européens sous l'égide de l'agence européenne de surveillance des frontières (Frontex)", pour éviter "que la Corse ne devienne une destination des candidats à l'immigration comme l'île italienne de Lampedusa".


Autrement dit, d'empêcher qu'à l'avenir, d'autres personnes fuyant les persécutions ne trouvent protection en France. Une contradiction à l'image de la politique menée par l'Union européenne : en principe, elle respecte le droit d'asile, prévu par le droit international et la Charte des droits fondamentaux qu'elle a adoptée en 2000.

En pratique, elle fait tout pour repousser loin de ses frontières ceux qui pourraient en bénéficier. Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) faisait il y a peu le même constat. En déplorant le durcissement de la politique d'immigration de l'Europe, à un moment où des facteurs nouveaux grossissent les rangs de ceux qui ont besoin de quitter leur pays, il a souligné combien il est aujourd'hui difficile de distinguer "un réfugié climatique d'un migrant économique, un exode forcé d'une migration choisie". Une préoccupation à laquelle semble répondre le dernier rapport du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), qui plaide pour qu'on "lève les barrières" migratoires. Ses experts y affirment au demeurant qu' "il n'existe aucune preuve d'impacts négatifs de l'immigration sur l'économie, le marché du travail ou le budget, alors que les bénéfices ne sont plus à démontrer dans des domaines comme la diversité sociale et la capacité d'innovation".

Il est plus que temps de lever les barrières, en effet. N'a-t-on pas entendu, à l'occasion de la commémoration de la chute du mur de Berlin, qu'il faut "abattre [ceux] qui, à travers le monde, divisent encore des villes, des territoires, des peuples" (Nicolas Sarkozy) ? A ce vertueux "plus jamais ça", un paradoxal écho est pourtant renvoyé par les quelque 40 000 kilomètres de frontières fermées – dont près de 18 000 "murées" –, presque toutes édifiées depuis 1989, qui, partout, entravent la circulation des êtres humains. La plupart des lignes de démarcation entre Etats s'apparentent aujourd'hui à ces frontières-murs, qu'elles soient matérielles ou virtuelles. Voyager est un privilège de riches, tandis que pour ceux qui ne peuvent prétendre aux sésames que sont les passeports et les visas, les frontières sont des no man's land où ils risquent leur vie.

Les murs les plus connus de l'UE protègent les enclaves espagnoles en territoire marocain – les villes de Ceuta et Melilla – mais le double rideau de fer qui enserre l'Eurostar à l'approche du Channel est un autre emblème de la forteresse. Surtout, le processus s'est tout à la fois dématérialisé, militarisé et externalisé : depuis 1998, le Sive (Système intégré de vigilance extérieur) a fait du détroit de Gibraltar un des "hygiaphones dentés de l'Europe", selon l'expression de l'écrivain Salim Jay. Avec l'agence Frontex, le cordon sanitaire s'est déployé le long des côtes d'Afrique de l'Ouest, dans le canal de Sicile, entre Malte et Lampedusa, sur le canal d'Otrante, dans la mer Egée et aux frontières terrestres orientales de l'UE, augmentant le nombre de morts aux frontières : les ONG estiment – à partir des seules données recueillies dans la presse – à près de 15 000 le nombre de victimes de la "guerre aux migrants" menée depuis vingt ans par l'Europe.

Mais l'essentiel du bouclage est la remise en cause du droit à quitter son propre pays, pourtant reconnu par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Les "accords de gestion concertée des flux migratoires" conclus avec des pays d'émigration s'y emploient : l'aide au développement y est monnayée contre la participation de ces pays au contrôle de leurs nationaux, candidats au départ (via, dans certains pays comme le Maroc et l'Algérie, la criminalisation de l'émigration). Grâce à cette externalisation des contrôles, les frontières de l'UE sont aujourd'hui délocalisées au sud (Libye, Mauritanie, Sénégal) et à l'est (Turquie, Ukraine).

Le verrouillage des frontières de l'Europe, en accroissant la dangerosité des routes et le coût du voyage, favorise l'activité des trafiquants et des passeurs que les politiques prétendent combattre. Il encourage aussi le développement des camps d'étrangers, autre dispositif-clé de la mondialisation anti-migratoire. Le réseau Migreurop en recense 250 dans les 27 Etats membres de l'UE, pour une capacité dépassant 32 000 places. Les rapports s'accumulent pour dénoncer les conditions qui y sont faites aux exilés – parmi lesquels de nombreux mineurs – qui y sont enfermés, sans que l'UE remette en cause leur existence ni même leur fonctionnement. Au contraire : avec la directive "retour" adoptée fin 2008 pour rationaliser les expulsions, les camps se multiplient en Europe et autour.

Comme les nouveaux murs de la honte, les camps d'étrangers sont le symptôme d'un mal qui n'a pas disparu avec la chute du mur de Berlin : faire prévaloir la (mauvaise) raison d'Etat sur le respect des droits des personnes. Depuis des dizaines d'années, une surenchère sécuritaire caractérise les politiques migratoires imposées par les pays riches au reste du monde, accentuant les inégalités et les tensions, sans que leur efficacité économique soit démontrée. A l'instar du PNUD, ou des chercheurs rassemblés sous l'égide de l'Unesco pour imaginer, loin des fantasmes et chiffres à l'appui, ce que pourrait être un scénario "Migrations sans frontières", de plus en plus de voix réclament que le dogme de la fermeture des frontières soit révisé. A l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille, 2010 pourrait-elle être l'année du droit à migrer ?

Par Emmanuel Blanchard, Olivier Clochard et Claire Rodier sont membres du réseau euro-africain Migreurop et ont coordonné l'Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, Paris, Armand Colin, 2009.

Le Monde du 28 janvier 2010

L'immigration légale a baissé en France en 2009

Le Monde, édition du 20.01.10

La crise économique n'a eu qu'un impact limité sur l'immigration professionnelle hors Union européenne


L'immigration légale est en recul en France en 2009. Dressant, lundi 18 janvier, à l'occasion de ses voeux à la presse, le bilan de son action un an après sa nomination à la tête du ministère de l'immigration, Eric Besson s'est félicité d'une « meilleure maîtrise » des flux migratoires. 173 991 titres de long séjour ont été délivrés en 2009 soit une baisse de 3,7 % par rapport à 2008, a-t-il indiqué. Cette baisse de l'immigration légale, qu'elle soit économique ou familiale, s'explique en partie par les effets directs ou indirects de la crise économique.

Détaillant ces chiffres, M. Besson a affirmé que l'augmentation des titres délivrés aux étudiants ( 1,9 %) et aux réfugiés ( 12 %) était compensée par la poursuite de la baisse de l'immigration familiale (- 12,3 %) et par la diminution de l'immigration professionnelle (- 15,3 %). « Tous les indicateurs disponibles montrent que les flux migratoires, légaux comme illégaux, ont globalement baissé en 2009 », a insisté M. Besson, tout en soulignant que cette baisse était « liée, comme dans toute l'Union européenne, à la crise économique mondiale et à la détérioration de la situation de l'emploi ».

Selon le ministre, l'immigration professionnelle passe de 33 034 titres de séjour délivrés en 2008 à 27 966 en 2009 et enregistre ainsi une baisse sensible de - 15,3 %. « Cette diminution, a souligné le ministre, constitue une inversion de tendance par rapport à l'année précédente, qui avait connu une augmentation de 22,4 %. » Le nombre de titres de séjour délivrés à titre professionnel en 2009 reste ainsi supérieur à celui de l'année 2007.

La baisse sensible de l'immigration économique mise en avant par M. Besson doit toutefois être nuancée. Elle s'explique par le fait que les chiffres du ministère comprennent les ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne (Roumanie, Bulgarie) qui restent encore soumis, pour une période transitoire, à l'obligation de détenir une carte de séjour pour travailler.

Selon un bilan statistique précis de 2009 établi par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que s'est procuré Le Monde, le nombre de Roumains et de Bulgares venus s'installer en France pour y travailler a connu un net recul (- 25,1 %), passant de 6 040 en 2008 à 4 584 en 2009. A contrario, les entrées de travailleurs en provenance des pays hors Union européenne (UE) et hors saisonniers ne reculent que de 6,5 % (25 904 en 2008, 24 221 en 2009).

« La crise a surtout un effet sur les flux migratoires économiques au sein des espaces de libre circulation, analyse Jean-Christophe Dumont, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, plus la circulation est libre, plus l'ajustement à la conjoncture se fait de façon importante. » Hors saisonniers et hors UE, le recrutement de travailleurs étrangers se stabilise plus qu'il ne baisse, à l'exception notable des contrats temporaires dont le nombre a chuté de moitié pour s'établir à 4 374.

L'impact de la crise sur l'immigration économique hors Union européenne reste donc limité. Il semble en revanche plus marqué pour l'immigration familiale. « L'expérience des crises passées montre que le regroupement familial peut être retardé en période de crise, l'étranger présent en France craignant de ne pouvoir assumer le surcoût de la venue de son conjoint ou de sa famille », souligne M. Dumont.

Au-delà de la crise, le recul des entrées en France en 2009 s'explique plus, pour M. Dumont, « par les changements de politiques intervenus ces dernières années que par l'évolution du contexte économique ». Dans le cas de l'immigration familiale, la baisse s'explique également par les mesures des lois sur l'immigration de 2006 et 2007 qui ont durci les conditions de venue des familles (hausse du niveau de ressources autorisant le regroupement familial, allongement du délai pour un Français avant de faire venir son conjoint étranger...).

Dans le cas de l'immigration économique, la venue de travailleurs étrangers a été facilitée par des assouplissements de procédure institués par la loi Sarkozy de 2006 et mis en oeuvre fin 2007. « Il existe des besoins économiques structurels qui traversent la crise et le fait que le recrutement de salariés étrangers soit désormais facilité a sans doute permis d'y répondre », explique M. Dumont, observant que la France n'a pas, à la différence d'autres pays de l'OCDE, pris de dispositions spécifiques visant à restreindre l'immigration économique du fait de la crise. Globalement, la part des entrées pour motif économique (hors saisonniers) sur l'ensemble des flux demeure faible : de fin 2008 à fin 2009, elle s'est maintenue autour de 14 %.

Quant à l'immigration irrégulière, Eric Besson a confirmé lundi 18 janvier, que 29 288 étrangers en situation irrégulière avaient été reconduits à la frontière en 2009. Un chiffre en recul de 1,7 % à celui affiché par son prédécesseur, Brice Hortefeux, en 2008 (29 799), mais supérieur à l'objectif de 27 000 que lui avait assigné le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy.

Laetitia Van Eeckhout

dimanche, janvier 24, 2010

Le placement en rétention des Kurdes échoués en Corse est jugé illégal

Le Monde du 26.01.10

Dimanche soir, 94 des 123 exilés avaient été remis en liberté par les juges des libertés. Le ministre de l'immigration, Eric Besson, a justifié leur rétention par un souci de « protection des personnes »

Remis en liberté ou probablement en passe de l'être, les 123 exilés kurdes découverts vendredi 22 janvier sur une plage du sud de la Corse auront finalement passé peu de temps en rétention. Dimanche soir 24 janvier, les juges des libertés et de la détention de Marseille, Nîmes et Rennes ont libéré 94 d'entre eux des centres de rétention administrative (CRA) où ils avaient été transférés samedi, 24 heures à peine après leur découverte. Ces décisions de justice ont aussitôt été qualifiées par les associations d'aide aux réfugiés de « désaveu des improvisations » du ministre de l'immigration, Eric Besson. Les juges ont notamment estimé que la privation de liberté de ces migrants s'était faite hors de tout cadre juridique légal « puisqu'ils n'avaient pas été placés en garde à vue ».

Fallait-il placer en rétention ces exilés kurdes venant de Syrie, alors qu'ils sollicitent la protection de la France ? « Face à des situations d'urgence, la protection des personnes prime sur le pointillisme procédural », a fait valoir, dimanche soir, Eric Besson. Le ministre a expliqué avoir « préféré un transfert rapide » de ces personnes vers cinq centres de rétention sur le continent (Marseille, Nîmes, Lyon, Toulouse, Rennes), car c'était le « seul cadre juridique disponible pour des ressortissants étrangers en situation irrégulière ». Sans convaincre les associations d'aide aux réfugiés qui, en pleine campagne des élections régionales, ont dénoncé une grave atteinte au droit d'asile. Pour elles, la place de ces exilés, sans papiers ni visa mais demandant la protection de la France, était en centre d'accueil pour demandeurs d'asile et non en rétention.

Contacté par Le Monde samedi, le préfet de Corse, Stéphane Bouillon assurait qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de notifier à ces exilés un arrêté de reconduite à la frontière et donc leur placement en rétention « pour les garder ». Sans cela, l'Etat « n'aurait eu aucune possibilité de vérifier qui ils étaient et si parmi eux il y avait des passeurs ». « Cela ne leur interdit pas pour autant de demander l'asile », relevait-il.

En rétention cependant, les demandes d'asile sont examinées en procédure prioritaire et non en procédure normale : l'étranger dispose de cinq jours seulement (et non de 21) pour déposer son dossier. Il se voit retirer toute possibilité d'être entendu par la Cour nationale du droit d'asile en cas de rejet de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui statue dans des délais très brefs.

« Procédure normale »

Face aux critiques suscités par le transfert en rétention de ces exilés kurdes, M. Besson a justifié son choix par le souci d'assurer à ces personnes « une visite médicale, une évaluation individuelle de leur situation, un hébergement adapté notamment pour les familles et d'une assistance dans leur droit ». Selon lui, « il était impossible d'amener en quelques heures à la pointe sud de la Corse des dizaines d'interprètes, d'avocats, de médecins et de trouver sur place un local de rétention administrative respectant les normes en vigueur ».

Pressentant cependant la libération des exilés kurdes par la justice, le ministre affirmait dans le même temps que leurs demandes d'asile seraient instruites par l'Ofpra en « procédure normale et non accélérée. » Les associations continuent cependant d'exiger que soient retirés les arrêtés de reconduite à la frontière pris à leur encontre, sans attendre que les tribunaux administratifs statuent définitivement sur leur légalité. Tant qu'elles sont encore sous le coup d'une mesure d'éloignement, les personnes, bien que libérées, ne peuvent en effet exercer leur droit d'asile en bénéficiant de la procédure régulière. Dimanche soir, les 94 réfugiés kurdes libérés ont dormi à l'abri, dans des lieux d'hébergement réquisitionnés par les préfectures des Bouches-du-Rhône, du Gard et d'Ille-et-Vilaine. Le cabinet du ministre de l'immigration expliquait que les préfets avaient été mobilisés pour leur trouver des places en centres d'hébergement d'urgence.

En Corse, l'enquête du parquet d'Ajaccio sur les conditions d'arrivée des 123 réfugiés sur le territoire français se poursuit. Les recherches menées en Sardaigne pour tenter de retrouver le bateau qui les aurait déposés se sont révélées vaines. Les enquêteurs doutent de plus en plus que les migrants aient pu arriver directement par la mer. « Il est possible qu'ils soient arrivés en Corse à bord d'un camion en provenance de Sardaigne et ayant fait la traversée par ferry », expliquait samedi, le préfet de Corse.

Laetitia Van Eeckhout

samedi, janvier 23, 2010

Grèce : faciliter la naturalisation des immigrés et de leurs enfants

Le Monde du 21.01.10

Fondée sur le droit du sang, la législation actuelle fragilise l'insertion des étrangers, qui représentent 10 % de la population. Le droit de vote aux élections locales leur serait accordé

S'il avait eu le droit de voter en Grèce, Elias Tzogonas aurait donné sa voix au Pasok, le parti du nouveau premier ministre socialiste, Georges Papandréou. Pour une simple raison : dans le programme qu'il s'apprête à mettre en oeuvre, le gouvernement élu en octobre 2009 a glissé un projet de réforme du code de la nationalité qui devrait changer sa vie. Et entraîner, au-delà de son propre cas, une véritable révolution culturelle.

Elias a beau n'avoir étudié, travaillé légalement qu'en Grèce, il n'a toujours pas, à 35 ans, la nationalité grecque. De son Kenya natal qu'il a quitté avec ses parents à l'âge de 3 ans, il ne connaît rien. « Je ne suis que grec, dit-il. Mes souvenirs sont grecs, j'ai joué et je me suis blessé ici, toutes les marques sur mon corps sont grecques. »

D'année en année, il galère pour obtenir à Athènes un permis de séjour terriblement coûteux et au renouvellement incertain. Des « Elias », la Grèce en compte environ 130 000, les enfants des quelque 750 000 immigrés ayant réussi depuis vingt ans à légaliser peu ou prou leur situation. S'y ajoutent 250 000 « illégaux », arrivés après la dernière légalisation de 2005. Au total, les immigrés représentent un million de personnes, soit 10 % de la population, dont plus de la moitié venue de l'Albanie voisine.

Le projet de loi prévoit d'accorder la naturalisation à ces immigrés de la deuxième génération, nés ou scolarisés dans le pays, d'assouplir les règles de naturalisation pour la première génération et, pour les immigrés légaux, d'offrir le droit de vote et l'éligibilité limitée au poste de conseillers locaux.

Depuis vingt ans, les naturalisations sont exceptionnelles en Grèce et visent de préférence les personnes d'origine grecque et/ou de religion chrétienne orthodoxe, majoritaire dans le pays. La procédure est longue, incertaine, arbitraire. A leur majorité, les enfants d'immigrés sont soumis au régime du permis de séjour, comme s'ils venaient d'arriver la veille en Grèce. Le pays est, avec l'Autriche, le plus rigide en Europe en matière de naturalisation. « Nous voulons mettre fin à l'absurdité actuelle », note Andréas Takis, secrétaire général à l'immigration.

L'annonce du projet de loi anime les conversations dans les cafés, les débats dans les journaux et à la radio. Comme l'Irlande, l'Espagne, le Portugal ou l'Italie, la Grèce s'est transformée d'un coup de terre d'émigration en pays d'accueil, avec l'ouverture des frontières des anciens pays du bloc communiste après 1989. La Grèce a acquis une mauvaise réputation de racisme ordinaire. Les organisations internationales ont souvent dénoncé le pays pour le mauvais traitement de ses immigrés.

La réforme du code de la nationalité est un coup porté à la tradition. Dans un pays où la législation qui s'applique n'est pas le droit du sol mais le droit du sang, analyse Dimitris Christopoulos, président de la Ligue hellénique des droits de l'homme, « devenir grec c'est une notion taboue. D'une part, le mythe a été cultivé, jusque dans les programmes scolaires, d'une homogénéité ethnique et religieuse du peuple hellène, continue depuis l'Antiquité. D'autre part, pendant la dictature des colonels, le retrait de la nationalité était un instrument majeur de l'autorité ».

Pour la première fois, la question, explosive, est donc posée sur la scène politique : une personne n'ayant pas de sang grec peut-elle être grecque ? « Albanais, Albanais, jamais tu ne deviendras grec », disait un fameux slogan skinhead, longtemps populaire dans les stades ou sur les murs d'Athènes.

Le gouvernement tente de ne pas trop dramatiser la question. La droite, elle, monte au créneau : « Vous créez l'impression qu'il suffit d'entrer en Grèce pour acquérir sous peu la nationalité, ce qui va alimenter encore plus l'immigration illégale », blâme Antonis Samaras, le chef de Nouvelle Démocratie, principal parti d'opposition de droite. Il déplore que l'on renonce à la « grécité » quand les Français, eux, « découvrent aujourd'hui l'importance et l'actualité de l'identité nationale ».

L'extrême droite, représentée au Parlement par les quinze députés du parti Laos, prédit une « invasion ». Sur le site du gouvernement, des internautes réclament un référendum pour préserver « l'homogénéité ethnique » du pays. Le gouvernement propose la réforme du code de la nationalité alors qu'en Grèce, aux confins orientaux ou transite un tiers de l'immigration irrégulière en Europe, la forte pression migratoire ne se relâche pas. Des quartiers d'Athènes sont devenus des ghettos misérables où s'entassent une partie de ces migrants, notamment irakiens, afghans ou somaliens.

Le recours présumé à la délinquance pour survivre affole l'opinion publique. Les opposants à la réforme tentent de l'exploiter. Avec un succès limité : selon un sondage commandé par la chaîne de télévision Méga, 64,9 % sont pour l'octroi de la nationalité à la deuxième génération, 49,6 % sont opposés au droit de vote.

Catherine Georgoutsos et Marion Van Renterghem

jeudi, janvier 07, 2010

La France a expulsé 29.000 étrangers en 2009 et accueilli 175.000 étrangers pour installation définitive sur le territoire


La France a expulsé 29.000 étrangers en 2009

La France a expulsé 29.000 étrangers en situation irrégulière en 2009, annonce le ministre de l'Immigration, Eric Besson.Lire la suite l'article
Dans la lettre de mission d'Eric Besson, Nicolas Sarkozy avait fixé à 27.000 l'objectif annuel des reconduites à la frontière.
En 2009, "175.000 étrangers sont entrés légalement sur le territoire français au titre de ce qu'on appelle les longs séjours, 29.000 environ ont été reconduits à la frontière et 108.000 étrangers ont eu accès à la nationalité française", a déclaré le ministre sur Europe 1.
Parmi les 29.000 personnes expulsées figuraient douze Afghans, a-t-il précisé.
"Je ne fais pas du chiffre", s'est défendu Eric Besson qui a redit mener une politique migratoire "ferme et juste".
"Je crois qu'il faut réguler les flux migratoires et que pour bien accueillir les étrangers en France et bien les intégrer, cela passe par la langue, l'emploi et le logement et que donc il faut reconduire à la frontière ceux qui entrent illégalement", a-t-il souligné.