vendredi, juillet 16, 2010

La Grèce porte atteinte au droit d'asile

Les conditions de traitement des demandes d'asile en Grèce peuvent être de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit d'asile.

Le Conseil d'État vient de reconnaître que, dans les circonstances propres aux cas d'espèce, il a été suffisamment établi que les conditions de traitement des demandes d'asile en Grèce étaient de nature à faire regarder une décision de remise aux autorités de cet État comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit d'asile.

En l'espèce, les intéressés avaient présenté des certificats médicaux et des témoignages circonstanciés relatifs aux conditions, contraires aux garanties exigées par le respect du droit d'asile, dans lesquelles ils avaient été traités lors de leur transit sur le territoire de la Grèce.

Si le Conseil d'État semble enfin reconnaître que les autorités grecques ne respectent pas leurs obligations en matière de protection des réfugiés, il paraît toutefois persister à exiger la production de preuves se rapportant à la situation personnelle du demandeur d'asile, alors même que le Conseil de l'Europe et le Haut-commissariat aux réfugiés ont stigmatisé dans des termes identiques la violation persistante des droits des demandeurs d'asile.

CE, réf., 20 mai 2010, no 339478, Min. de l'Immigration c/ Othman

Une solution identique est retenue par le tribunal administratif de Paris dans le cas d'un Afghan qui établissait, par des attestations circonstanciées émanant notamment de journalistes grecs et italiens, qu'il avait, après avoir été réadmis à la demande des autorités italiennes, été détenu à plusieurs reprises par les autorités grecques et refoulé vers la Turquie sans jamais pouvoir faire examiner sa demande d'asile.

TA Paris, ord., 15 avr. 2010, no 1006265/9, Nazari


cette position confirme celle du 1er mars 2010 du Conseil d'Etat. Le juge des référés avait estimé qu'il appartient à l'administration « d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités grecques répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ».

Ces décisions constituent une avancée dans le contrôle juridictionnel des décisions de remise aux autorités d'un État responsable de l'examen d'une demande d'asile, notamment lorsque le requérant soutient que les conditions d'examen de sa demande ne seront pas conformes aux exigences du droit communautaire et du droit international.

En effet, jusqu'à présent, le juge des référés du Conseil d'État considérait que, dès lors que la Grèce était membre de l'Union européenne et signataire de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et de la Convention européenne des droits de l'homme, un demandeur d'asile ne pouvait utilement soutenir qu'une décision de remise aux autorités de cet État portait une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de demander l'asile.

Alors que la Cour européenne des droits de l'homme a demandé la suspension de la mesure au titre de l'article 39 de son règlement intérieur, le Conseil d'État semble donc avoir entendu les griefs opposés par les requérants. Mais il exige des preuves concrètes de leurs allégations quant aux mauvais traitements qu'ils auraient subis en Grèce ainsi qu'aux obstacles rencontrés pour solliciter le statut de réfugié, alors que le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, aux termes d'un rapport publié en décembre 2009, a recommandé aux États de l'Union européenne de ne pas renvoyer les demandeurs d'asile en Grèce compte tenu des graves lacunes de la procédure d'asile et de la violation des droits des demandeurs qui en résulte.

CE, réf., 1er mars 2010, no 336857, Min. de l'immigration c/ Tahir


Source : Editions Législatives, Dictionnaire permanent droit des étrangers