dimanche, février 27, 2011

L'argent des immigrés: le scandale

L'historien et politiste Olivier Le Cour Grandmaison dénonce les prélèvements mirifiques opérées par les banques sur l'argent envoyé par les immigrés à leurs familles restées au pays.

Source : Mediapart

-------------


Ils ont en moyenne des revenus largement inférieurs aux nationaux des pays dans lesquels ils vivent, ils occupent les emplois les moins qualifiés et les moins bien rémunérés. Ils sont victimes de discriminations à l'embauche, de la précarité et de licenciements qui les frappent plus souvent qu'à leur tour; et pourtant, ils s'obligent à des sacrifices financiers significatifs pour envoyer chaque mois de l'argent à leur famille demeurée au pays. Pauvreté, privations, épreuve douloureuse de l'exil, et pour les sans-papiers la peur constante de l'arrestation et de l'expulsion. Telle est la situation de beaucoup d'immigrés qui vivent en France; elle n'est une douce terre d'accueil que dans les discours ronflants mais fallacieux des membres du gouvernement et de la majorité qui le soutient.

En 2010, les sommes ainsi transférées se sont élevées, au niveau international, à 325 milliards de dollars selon une étude de la Banque mondiale, laquelle constatait aussi que ces montants sont trois fois supérieurs à l'aide publique consentie par les Etats qui, pour les plus riches d'entre eux, ne consacrent que 0,30% de leur revenu national brut à l'aide au développement. Voilà qui en dit long sur la générosité prétendue des principaux bailleurs de fonds et sur le développement solidaire tant vanté par certains ministres de la République qui, en cette matière comme en beaucoup d'autres, se paient à bon compte avec la fausse monnaie de leurs déclarations convenues.

En France, ces transferts atteignent 8 milliards d'euros en 2010, soit une progression de 10% par an depuis 2002. Leurs destinations principales sont les pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Toutes origines confondues, ces sommes représentent 6,6% du PIB du Maroc, 7 % au Togo, 9,1% au Sénégal, entre 11 et 12,5% au Mali et 20% aux Comores. Concrètement, cela signifie que de dizaines voire des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, sans doute parfois aussi les habitants de villages, voire de quartiers entiers de certaines villes, dépendent très largement de cet argent pour vivre, manger, se loger et, dans le meilleur des cas, étudier. Une manne indispensable donc qui n'a, en l'espèce, rien de céleste puisqu'elle est le fruit du dur labeur de ceux qui ont été contraints à l'exil. A preuve, selon certaines sources, ces transferts de fond représentent plus de 50% des revenus des bénéficiaires au Maroc, au Sénégal et aux Comores, et 2/3 au Mali cependant que près de 80% des sommes ainsi perçues sont affectées à la consommation courante. Comme le note Claire Naiditch, en conclusion de sa thèse d'économie soutenue à l'université de Paris I en 2009, l'argent ainsi envoyé à un «effet positif de court terme sur les revenus des ménages et les indices de pauvreté».

Reste que les immigré(e)s qui travaillent dans les conditions que l'on sait, en prélevant sur leur maigre salaire des sommes substantielles doivent payer, en France notamment, des commissions particulièrement élevées: 15 % en moyenne pour 140 euros envoyés. Toujours selon la Banque mondiale, les tarifs pratiqués dans ce pays sont parmi les plus élevés au monde. Deux opérateurs financiers principaux dominent ce marché international particulièrement lucratif: Western Union et Money Gram qui réalisent environ 65% des opérations et s'enrichissent en touchant chaque jour des commissions très importantes. D'après une étude réalisée par des chercheurs américains, des commissions de 12,5% représentent entre 10 et 15 milliards de dollars par an; au lieu de parvenir à leurs destinataires dans les pays du Sud, ces derniers finissent en partie dans les caisses des sociétés spécialisées en transfert d'argent.

Ce scandale financier et humain est parfaitement connu puisque des experts de la Banque mondiale ont établi de leur côté qu'une baisse de 5% seulement du coût de ces transactions permettrait d'augmenter de 3,5 milliards de dollars par an les sommes envoyées par les immigrés à leur famille et à leurs proches. Lors de la réunion du G8, qui s'est tenu en juillet 2009 à l'Aquila en Italie, les chefs d'Etat et de gouvernement, avaient promis d'agir et de réduire de 50% les coûts réels des transferts à l'horizon 2013. Quelle hâte! Les immigrés concernés seront sans doute particulièrement touchés par tant de prévention à leur endroit. Qu'a fait le ministre français, Eric Besson alors en charge de l'Immigration, de l'Identité nationale, de l'Intégration et du développement prétendument solidaire? Rien ou presque. Quelques négociations ici et là auxquelles s'est ajoutée la rénovation d'un tableau comparatif établi en 2007 par l'Agence française de développement permettant de prendre connaissance des tarifs pratiqués par les différentes sociétés de transferts, les banques et la Poste.

Comme on peut le lire sur le site officiel du ministère de l'Intérieur aujourd'hui en charge de l'Immigration, ce tableau «est l'illustration de l'engagement, aussi bien de l'Etat que des établissements financiers, à aboutir à une plus grande transparence et à une information claire et complète des migrants sur les modalités et coûts de ces envois d'argent». Cette prose convenue et creuse, qui mobilise quelques «éléments de langage» aujourd'hui en vogue parmi les conseillers en communication chargée de promouvoir l'action des membres du gouvernement, n'engage à rien. Plus grave, les tarifs pratiqués restent très onéreux pour les immigrés. De l'aveu même d'Eric Besson, qui a tenu une conférence de presse le 20 mai 2010 sur cette question: «les coûts des transferts de fond demeurent trop élevés, dépassant bien souvent 8 à 10 % de la somme transférée et approchant quelquefois 20%». Remarquable bilan, assurément, de celui qui se vantait de mettre en œuvre une «politique ferme mais humaine» et cherchait à redorer son misérable blason par la promotion d'actions réputées favorables aux migrants et à leur pays d'origine.

Aux responsables politiques qui disent savoir de quoi ils parlent et affirment être bien informés des réalités sur lesquelles ils prétendent agir, recommandons l'expérience simple suivante. Entrez donc dans une agence parisienne de Western Union, par exemple, et vous pourrez constater que la situation n'a pas véritablement changé. A destination de l'Afrique, les «prix du service» sont les suivants: jusqu'à 100 euros, les frais sont de 10 euros, de 100,1 à 200 euros, de 15 euros. Mais ils sont de 8 euros 50 pour un transfert inférieur à 50 euros et de 15 euros pour un transfert compris entre 50, 1 euros et 100 euros selon d'autres tarifs fournis par la Banque Postale cette fois. En effet, dans le cadre d'un partenariat sans doute lucratif établi depuis 1994 avec Western Union, et régulièrement reconduit depuis cette date, la Banque postale propose dans son réseau de plus de 6000 points de vente les prestations de cette société de transfert de fonds. Comme l'a reconnu le vice-président et directeur exécutif de Western Union en Europe, Hikmet Ersek, «la Banque postale nous aide véritablement à étendre l'offre de service (...) en France». Assurément.

Mais quelles sont les conditions financières de cet accord? Combien ces prestations rapportent-elles à la Banque postale? Comment les tarifs sont-ils établis? Impossible de le savoir. Le bilan d'activité et le bilan financier de cet établissement n'en disent rien, et l'un de nos interlocuteurs, salarié de la Banque postale joint par téléphone, a refusé de nous communiquer ces éléments d'information. La Banque postale aurait-elle des choses à cacher en la matière, elle qui communique pourtant régulièrement sur le sujet et a mobilisé il y a peu le joueur de football sénégalais, Mamadou Niang, pour promouvoir la nouvelle tarification applicables aux transferts d'argent? Mystère. Ajoutons enfin que l'Etat est actionnaire à 100% du groupe La Poste et de sa filiale la Banque postale, et que le ministre de tutelle actuel n'est autre qu'Eric Besson qui prétendait, dans le cadre de ces responsabilités passées au ministère de l'Immigration, vouloir faire baisser les tarifs de façon significative. Il n'en a rien fait dans le passé et il persévère dans cette voie lors même qu'il aurait les moyens d'agir. Admirable.

«Service» ose écrire le dirigeant de Western Union. «Service» peut-on lire aussi sur les dépliants fournis aux clients potentiels. Une ignominie bien plutôt qui prospère, dans tous les sens du terme, sur un «marché» toujours «oligopolistique» comme on le reconnait du côté du ministère des Finances cependant qu'à cause de cela les immigré(e)s et leur famille perdent chaque année des sommes très importantes en frais exorbitants.

A quand un véritable service public pour venir vraiment en aide à celles et ceux qui sont victimes de ces pratiques indignes? Il n'y a rien à espérer de ce gouvernement qui s'acharnent contre les immigrés et les sans-papiers. Que les candidates et les candidats, qui aspirent à remplacer Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en 2012, disent ce qu'ils comptent faire pour que cesse ce scandale. Il y a urgence; la vie de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, parmi les plus pauvres du monde, dépend en partie de leur réponse.

Histoire d'une immigration du Nord vers le Sud

Histoire d'une immigration du Nord vers le Sud



LA communauté italienne est sans doute l'une des plus petites communautés d'origine européenne installées au Maroc aujourd'hui. Souvent on donne l'impression de connaître cette communauté mais il n'en est rien. On ne semble pas plus avancé avec le salon du livre de Casablanca dans sa 17ème édition 2011 qui vient de fermer ses portes, salon où l'Italie était invitée d'honneur. L'Italien attire les étudiants marocains qui sont aujourd'hui 5000 dans tout le territoire marocain soit le nombre d'étudiants d'espagnol du seul institut Cervantès de Casablanca. Mais n'oublions pas que sur le territoire de l'Italie, qui fête cette année le 150ème anniversaire de sa réunification, il y a 430 mille Marocains dont beaucoup doivent user de l'italien comme première langue étrangère.
Depuis la première ambassade italienne au Maroc en 1875 auprès du sultan Moulay Hassan 1er, racontée par l'écrivain italien Edmondo de Amicis dans son livre fondateur de la littérature de voyage, « Maroc », les Italiens étaient toujours présents sur le sol marocain. Mais les Italiens étaient présents bien avant à travers les marchands génois. N'oublions pas que le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah avait fait appel à des maçons génois pour construire des scalas.
Pour les temps contemporains et aux meilleurs moments de leur présence massive au Maroc, les Italiens étaient cinquante mille personnes rien qu'à Casablanca en 1930, ce qui constituait une population très importante pour l'époque, démographiquement parlant. Les premières vraies vagues d'immigrations italiennes vers le Maroc avaient commencé au début du vingtième siècle sous la poussée de la pauvreté et la famine au sud de l'Europe suite à la guerre et aux catastrophes naturelles dont la sécheresse. Pour le sud de l'Italie, c'est en partie à la suite de la destruction des champs de vigne par l'invasion du phylloxéra.
Les Siciliens, ouvriers, travailleurs agricoles, arrivent d'abord en Tunisie avant de commencer à immigrer ailleurs vers l'Amérique et au Maroc quand le travail en Tunisie vint à manquer. Ce mouvement migratoire semble aujourd'hui oublié et n'est presque jamais évoqué face à l'immigration dramatique de l'Afrique vers l'Europe et l'Italie en particulier phénomène qui avait connu une courbe ascendante depuis le début des années 90 du siècle passé. La mémoire humaine est souvent très courte.
Aujourd'hui cette communauté italienne n'est représentée au Maroc que par un millier d'individus dont 50% d'origine marocaine. Où sont passés les autres ? Les uns seraient retournés en Italie après la deuxième guerre mondiale, retour au bled, beaucoup aussi ont choisi de se faire naturaliser français et de partir en France pour échapper à la discrimination et la vive intolérance française, souvent jugée arbitraire, exacerbée contre les Italiens à cause de la guerre et la période fasciste.
Et puis il y a ceux, une minorité, qui avaient décidé de rester au Maroc et même de garder leur nationalité italienne contre vents et marées. Ils disent se sentir toujours italiens sans vraiment parler italien (on préserve surtout les langues locales le sicilien et le calabrais parlés en famille), sans avoir aucune attache avec Rome qui ne sait même pas qu'ils existent (comme le dit Giuseppe Giglio) et bien que leurs propres enfants aient choisi de devenir français et de partir vivre en France pour quitter une identité minoritaire victime d'ostracisme.
Toutes ces données et d'autres encore se trouvent dans le livre « Eclats de mémoire, les Italiens au Maroc », écrit par la libano-italienne née au Maroc, Roberta Yasmine Catalano et réalisé par une maison d'édition Senso Unico dirigée par l’Italienne Eleana Marchesani, installée, elle-même depuis une vingtaine d'années à Mohammedia.
Edité en même temps au Maroc et en Italie respectivement en français et en italien, ce livre donne la parole à cette minorité de ressortissants italiens pour la première fois. Jusque-là cette minorité qui avait bénéficié de l'hospitalité marocaine et dont beaucoup ont connu la prospérité, n'avait pas voix au chapitre.
Dans le livre, les propos recueillis ne constituent qu'une partie de l'ensemble. Cette partie semble cependant être la plus capitale. Dans d'autres chapitres on a droit à d'autres développements comme l'histoire de la fabrique d'armes de Fès, usine qui n'a jamais réellement fonctionné et qui fut juste un emblème de velléités coloniales italiennes face au rival français, la description ahurissante des camps de concentration réservés par les autorités du Protectorat français aux Italiens pendant la deuxième guerre mondiale. Tous les civils italiens vivant au Maroc avaient été envoyés dans des camps. Des chapitres sont consacrés aux carnets de voyages pleins d'exotisme et de stéréotypes laissés par des intellectuels, journalistes, voyageurs et écrivains italiens ayant visité le Maroc au XIXè et la première moitié du XXè siècle.
Les témoignages des « survivants » de la communauté italienne constituent donc, à ne pas douter, la partie la plus intéressante de l'ouvrage. La plus vivante. A chaque témoignage il y a le même retour en arrière mais chaque fois avec une touche différente selon les itinéraires. Ce faisant on a droit à la description des vicissitudes d'une communauté laborieuse qui avait vécu dans un isolement particulier, du moins pour les pauvres ouvriers, artisans, ayant connu des difficultés, enduré un genre de délit de faciès avant la lettre de la part des Français, subi des drames indélébiles surtout les camps de concentration créés par le protectorat contre une communauté de civiles d'italiens (tout homme âgé de plus de dix-huit ans) juste parce la France était en guerre contre l'Italie, des camps de travaux forcés dans la région de Casablanca et ailleurs à Machraa Benabbou, Boujniba, Tindouf, Sidi Boudnib au sud, Erfoud, Sidi al-Ayachi près d'Azemmour, Khenifra etc. Ces douloureux moments de la guerre reviennent souvent dans des témoignages soit des victimes ou de membres de leur famille (conjoints, enfants).
La qualité de ce livre c'est peut-être d'offrir des témoignages de première main révélés pour la première fois. Et pour cause puisque les témoins jusque-là n'avaient jamais eu personne pour les écouter. Les rescapés âgés de plus de 80 ans, habitant Casablanca ou Mohammedia, faisaient souvent partie de la mosaïque européenne (Espagnols, Portugais, Italiens, Français) qui peuplait le quartier mythique du Maarif à Casablanca, un quartier de petites maisons que des prolétaires italiens avaient construit eux-mêmes avec soin dans une architecture spécifique de manière à pouvoir se souvenir de leur Sicile. Ils expriment souvent avec intensité l'amertume d'une communauté oubliée par leur propre pays à tel point que cela peut aller dans des témoignages jusqu'à nourrir une certaine nostalgie du fascisme mussolinien sur fond de nationalisme.
Mais à côté des ouvriers, artisans italiens du menu peuple, il y avait eu aussi dans cette même communauté les hommes d'affaires, l'industrie automobile Fiat, les entrepreneurs, promoteurs immobiliers, agriculteurs, commerçants, propriétaires de restaurants, de salles de cinéma. Il y a eu surtout des architectes qui ont vraiment marqué la scène architecturale au Maroc comme Rafael Moretti ou encore Domenico Basciani qui avait construit notamment des monuments architecturaux inoubliables comme les cinémas Lynx en 1951, Rif en 1958, l'Atlas en 1960, le Luxe en 1968 et le Colisée en 1969 etc.
Cette communauté dans sa majorité avait connu des débuts difficiles à côté des Portugais et des Espagnols. Avant de prospérer ils avaient habité les tout premiers bidonvilles pour citer le cas de Casablanca. Giulio Alcamo 88 ans, vivant à Mohammedia au moment où le témoignage est recueilli, se souvient :
« De Rabat mes parents sont venus à Casablanca où mon père a été embauché dans une usine boulevard de la Gare (Bd Mohammed V). Là-bas il y avait des baraques où habitaient des Espagnols, des Portugais. Nous étions les seuls italiens. Nous vivions dans l'une des baraques avec six frères et deux sœurs »
Cette communauté allait vivre par la suite dans la médina de Casablanca au fameux Derb Taliane, ensuite dans le quartier du boulevard Bordeaux et Place Verdun et plus tard dans le quartier Maarif ou les Roches Noires.
Autre témoignage de Michel Friscia, coiffeur italien dont les grands parents quittent la Sicile en 1903 pour s'installer en Tunisie avant de venir au Maroc. Le transport en commun par calèche était une profession détenue en particulier par les Italiens. Pendant la guerre alors que son père avait été envoyé en camp de concentration, sa mère avait du mal à nourrir les chevaux par manque de fourrages. Dans son témoignage, il raconte ce « douloureux souvenir » comment sa mère le chargeait de se débarrasser des chevaux affamés emmenés du quartier Bourgogne à Casablanca vers la région d'El Hank au-delà du cimetière chrétien pour les abandonner dans un terrain vague.

Source : L'Opinion.ma

Le mythe de l'immigration

Source : Cyberpresse.ca

L'immigration est-elle essentielle pour mitiger les effets du vieillissement de la population? Non. L'immigration n'est pas essentielle. Sa contribution est marginale et, à cause des mauvaises performances économiques des immigrants admis au Canada depuis trois décennies, elle est peut-être même négative.

Dans notre Québec social-démocrate - au filet social généreux et à l'impôt progressif -, les immigrants dépendent un peu plus des transferts gouvernementaux que les natifs, alors qu'ils paient beaucoup moins d'impôts. Plutôt que d'alléger le fardeau que fait peser le vieillissement de la population sur les finances publiques, il n'est pas impossible que l'immigration l'alourdisse modestement.


Mais n'est-il pas possible d'améliorer les choses? Oui et non. Il est toujours possible de mieux soutenir l'intégration des immigrants à l'emploi, en investissant davantage et en mettant en oeuvre de meilleurs programmes. Nous sommes d'ailleurs de farouches partisans d'un meilleur investissement dans les politiques d'intégration et d'un meilleur suivi des performances économiques des immigrants admis au Québec.


Mais il ne faut pas rêver en couleurs. La réalité est que la plupart des immigrants - même sélectionnés - rencontrent sur le marché du travail de multiples obstacles. Ces obstacles sont dus à des problèmes difficilement solubles, notamment le fait que les compétences acquises dans les pays en développement sont souvent peu transférables et même de moindre qualité, étant donné le manque de compétitivité des systèmes éducatif et économique de ces pays.


Nous pouvons aider les immigrants à surmonter leurs difficultés d'insertion sur le marché du travail, mais il faut le faire en étant conscient que cela exigera des dépenses qui remettront probablement en question la logique coûts/avantages au fondement de notre politique d'immigration économique. (...)


Au-delà des propositions concrètes de réforme, le plus urgent, dans la situation actuelle, demeure néanmoins de rétablir des attentes réalistes par rapport à l'immigration.


Depuis 2007 - sous l'activisme du gouvernement et des commentateurs -, l'idée que l'immigration doit jouer un rôle essentiel pour contrer les effets négatifs du vieillissement de la population s'est répandue au Québec comme une traînée de poudre.


Elle l'a fait malgré la présence d'une imposante littérature en démographie démontrant l'influence marginale de l'immigration sur la structure par âge de la population.


Elle l'a fait malgré une littérature économique démontrant l'impact négligeable de l'immigration sur des variables cruciales comme les salaires ou le PIB par habitant.


Enfin, elle l'a fait malgré une imposante littérature canadienne démontrant la détérioration continue des performances économiques des immigrants au cours des 30 dernières années.


Qu'est-ce qui a incité les acteurs politiques et les médias québécois à embrasser unanimement une idée aussi fausse? Leurs motivations sont probablement multiples.


D'abord, certains acteurs sont probablement poussés par des motifs économiques. L'immigration ne change rien à la prospérité économique en général, mais elle peut être à la source de bénéfices dans des secteurs particuliers.


On pense d'abord au secteur de la construction, à cause de l'impact de l'immigration sur la taille de la population. On pense aussi aux marchés saturés où les coûts d'entrée sont très élevés?: téléphonie, câblodistribution, etc. L'accroissement de la taille de la population (et du PIB) se transforme directement en croissance des revenus pour les entreprises actives dans ces secteurs. On pense finalement aux entreprises oeuvrant dans des secteurs utilisant une main-d'oeuvre à bon marché et où les immigrants sont surreprésentés.


Mais les motifs économiques n'expliquent évidemment qu'une petite partie de l'affaire. Les motifs électoraux y sont peut-être aussi pour quelque chose. Du côté du gouvernement, la chose est plus que plausible. Malgré la francisation relative de l'immigration, l'appui au Parti libéral du Québec demeure proportionnellement plus fort chez les immigrants que chez les natifs. Le gouvernement a donc un intérêt objectif à faire diminuer la part relative des natifs dans la population.


L'élément électoraliste n'explique cependant pas l'adhésion des autres principaux partis au lieu commun. En 2007, même si l'Action démocratique du Québec s'est opposée à la hausse du volume d'admission, Mario Dumont n'hésitait pas à soutenir que, d'un point de vue économique, le Québec avait besoin de plus d'immigrants. Visiblement, il était mal informé.


L'adhésion du Parti québécois au mythe de l'immigration miracle doit également faire l'objet d'une explication. Bien sûr, la méconnaissance des faits joue chez lui un rôle important. Mais l'influence déterminante est probablement celle de la rectitude politique.


(...) Il y a des conséquences à vivre en permanence hors de la réalité. Ces conséquences ne sont pas uniquement de nature économique ou politique. Elles concernent le lien social en entier.


Le principal problème est simple à saisir?: à force de répéter sur toutes les tribunes que le Québec vieillissant a besoin d'immigration, journalistes et politiciens font monter les attentes de tout le monde.


D'un côté, les Québécois s'attendent à ce que l'immigration soulage la pression sur les finances publiques, ce qui n'est pourtant pas plausible.


De l'autre, les immigrants s'attendent à ce que leurs perspectives d'emploi soient particulièrement favorables. Après tout, le Québec vieillissant aura bientôt «700 000 emplois à combler». Comment pourrait-il ne pas y en avoir un pour eux? Les attentes étant si démesurément élevées, l'échec de l'intégration économique ne peut qu'engendrer déception et ressentiment.


En donnant systématiquement la discrimination et la non-reconnaissance des acquis comme fondements de cet échec, les décideurs et les commentateurs ne font qu'aggraver le problème qu'ils souhaitent résoudre.



Les chevaliers de l'antidiscrimination, plutôt que de calmer le jeu, viennent attiser la méfiance entre les groupes. Les natifs comprennent qu'ils sont accusés de racisme et de fermeture d'esprit, alors que les immigrants se voient confortés dans leurs pires appréhensions: les Québécois ne les aiment pas et voilà la source de leurs malheurs!


L'un de nos principaux objectifs est de ramener chacun à des attentes plus réalistes. Il n'a jamais existé et n'existera jamais de recette magique pour l'intégration des immigrants. Les choses se déroulent parfois bien, souvent moins bien. Nous ignorons plusieurs des variables impliquées, et il est souvent très difficile de trancher entre les diverses théories.


Pire encore, nous n'avons qu'un faible contrôle sur plusieurs des variables cruciales. Voilà autant de raisons de rester modestes dans nos attentes. Voilà aussi des raisons de se méfier de ceux qui vendent des solutions magiques sans pourtant être capables d'en définir les coûts ou les effets.


Améliorer la francisation? Nous sommes partants, mais combien faudra-t-il investir pour éliminer le désavantage des immigrants par rapport aux natifs? Certains voudront connaître le montant avant de signer le chèque. Construire un immense système de reconnaissance des acquis afin de remplacer les processus informels d'évaluation à l'oeuvre dans les réseaux sociaux? On se rapproche de plus en plus de l'illusion du «planisme», à laquelle tant d'intellectuels, de journalistes et de politiciens de chez nous ont fait l'erreur d'adhérer à une autre époque.


La réalité est que l'immigration produit des effets complexes sur lesquels il est rarement facile d'agir. La seule approche acceptable consiste à se tenir à l'abri de la conjecture et à mobiliser la documentation empirique disponible tout en en reconnaissant les limites. C'est ce que nous avons cherché à faire.


Pour autant, les nuances dans les détails ne doivent pas masquer la clarté du portrait global?: économiquement et démographiquement, le Québec n'a pas besoin d'immigration. Dire le contraire revient à créer des attentes condamnées à être déçues. Les Québécois doivent poursuivre le débat sur leurs politiques d'immigration et d'intégration, mais en mettant de côté cet argument une fois pour toutes. Le vieillissement de la population est un problème réel, mais l'immigration est un remède imaginaire.

© Les Éditions du Boréal 2011
 
Benoît Dubreuil et Guillaume Marois*


Les auteurs sont respectivement philosophe et démographe. Ce texte est extrait du livre «Le Remède imaginaire - Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec», publié par Boréal, qui sera en librairie la semaine prochaine.

mercredi, février 23, 2011

Le projet de loi sur l’immigration adopté par les sénateurs

Source : cimade.org

Le projet de loi sur l’immigration a été adopté par les sénateurs jeudi 10 février. Ce texte vise  à transposer trois directives européennes dont la directive Retour et les principales dispositions ont été adoptées malgré la résistance de l’opposition et de  certains sénateurs de la majorité : interdiction de retour sur le territoire français, allongement de la durée de rétention, création de zones d’attente spéciales etc.

Cependant les sénateurs sont revenus sur certaines mesures emblématiques du projet qui avaient été adoptées par les députés en première lecture. Ils ont ainsi refusé de restreindre le droit au séjour des étrangers malades comme de reculer l’intervention du juge à cinq jours au lieu de deux actuellement. Ils ont aussi supprimé l’article étendant la déchéance de la nationalité, mesure polémique annoncée par Nicolas Sarkozy lors du discours de Grenoble de cet été. Sans compter que les sénateurs ont adopté quelques amendements proposés par l’opposition qui n’avaient pas été discutés lors de la première lecture à l’Assemblée (droit au séjour de plein droit pour les conjoint(e)s de Français(e) ayant perdu leur époux(se) ou encore création d’un recours suspensif en cas d’arrêté de réadmission ( Dublin). Mais ils ne se sont pas opposés pour autant à l’amendement du gouvernement qui pourrait créer un « Guantanamo à la française » s’il était définitivement adopté.
Si les sénateurs, et notamment le groupe centriste, ont marqué par ces votes leur défiance vis-à-vis de la politique gouvernementale d’immigration, ils n’en ont pas moins validé les principaux principes. Or, comme nous le dénonçons depuis sa présentation en Conseil des ministres, ce texte, certes aujourd’hui un peu amendé, entraîne une profonde rupture avec la manière dont la législation en France traite jusqu’à présent les migrants. Rappelons encore une fois, qu’en créant un régime d’exception pour les migrants, ce texte menace le socle de nos droits fondamentaux.
L’examen du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale est prévu pour le 8 mars.