dimanche, octobre 10, 2010

Un fichier illégal surles Roms

La gendarmerie détient un fichier Roms illégal
LEMONDE | 07.10.10 par Franck Johannès

La gendarmerie a constitué un fichier sur les Roms et les gens du voyage, illégal et clandestin. Ce fichier ethnique, dont Le Monde révèle l'existence, est d'ailleurs baptisé MENS – minorités ethniques non sédentarisées. Il est détenu par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), au fort de Montrouge, à Arcueil (Val-de-Marne). "Il n'y a pas de statistiques sur des communautés, assurait pourtant Brice Hortefeux, le ministre de l'intérieur, le 25 août sur RTL, mais des statistiques naturellement sur des nationalités. Il n'est pas question d'expulser des Roms parce qu'ils sont Roms."

Michel Bart, son directeur de cabinet, est cité à comparaître devant le tribunal le 23 novembre pour "incitation à la haine raciale", après avoir signé le 5 août une circulaire qui demandait, dans sa première version, l'évacuation de campements illicites, "en priorité ceux des Roms".

L'existence du fichier MENS est autrement plus grave pour Françoise Cotta et William Bourdon, avocats des quatre principales associations de Roms et de gens du voyage. Ils ont porté plainte, mercredi 6 octobre, auprès du procureur de Paris pour constitution de fichier non déclaré, et conservation "de données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales et ethniques". Ces infractions sont punies de cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

L'embarras des autorités est manifeste. Le ministère de l'intérieur indique ne pas avoir connaissance de ce fichier, la gendarmerie affirme qu'il n'existe pas.

MENTIONS IMPRUDENTES

Les associations de gens du voyage sont tombées sur le fameux fichier sur Internet. Notamment sur un document de présentation des missions de l'OCLDI, qui a été commenté par un chef d'escadron de l'office, lors d'un colloque, en novembre 2004 à Lille, avec quelques mentions imprudentes. Une page faisait état d'une "généalogie des familles tziganes" difficile à établir sans fichier.

En cliquant sur une carte de France, le commandant a fait apparaître, région par région, les noms de familles de gens du voyage avec leurs "spécialités" : trafic de véhicules, vol de bijoux, fraude intracommunautaire, blanchiment… Une autre page du document recense "les groupes à risques : gens du voyage (Manouches, Gitans) ; les équipes des cités ; les délinquants itinérants en provenance des pays de l'Est (Roms…)".

Suit un "état numérique des interpellations de Roms (étrangers) par la gendarmerie, de 2000 à 2004", classé par nationalité : Roumanie, Hongrie, Moldavie, Albanie… Il ne s'agit pas de Hongrois ou de Géorgiens – qui pourraient être des Roms –, mais bien de Roms, qui sont hongrois ou géorgiens. Le document, qui n'est plus disponible sur Internet depuis fin septembre, atteste, selon la plainte, "de l'existence d'un fichier des interpellations des Roms (ethnie), nationalité par nationalité".

"Ces fichiers ont des relents qui ne peuvent que rappeler de très mauvais souvenirs, souligne Me Bourdon. Ils apparaissent comme le paroxysme des dérives d'une logique sécuritaire qui ne fait que s'aggraver." Pour Me Cotta, "nous ne sommes pas en 1940, nous attendons une réaction publique pour que ça s'arrête très vite. C'est au sein de ce gouvernement que se trouve le principal danger pour la paix sociale."

Le ministère de l'intérieur admet que l'expression MENS "a été utilisée par la gendarmerie dans les années 1990", mais "n'a pas connaissance" d'un fichier de ce nom. "S'il apparaissait des éléments nouveaux, nous demanderions naturellement au groupe de contrôle des fichiers de se saisir de cette question", indique la Place Beauvau.

Alain Bauer, le président du groupe de contrôle, ne connaît pas non plus le fichier MENS, mais entend bien s'autosaisir : "Beaucoup de ces institutions mentent avec aplomb, ce n'est pas le premier fichier non déclaré qu'on découvrirait." Le fichier MENS est inconnu de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). "La loi de 1978 pose le principe de l'interdiction de faire mention des données ethniques et raciales", explique Yann Padova, secrétaire général de la CNIL.

"CRITÈRE ETHNIQUE"

La direction de la gendarmerie admet qu'avant 2004, le terme Rom a été utilisé, et qu'on y a mis bon ordre depuis. "Mais à aucun moment ne figure de critère ethnique à l'OCLDI, et le fichier MENS n'existe pas." L'OCLDI a été créé par décret en juin 2004, et a pris la suite d'une cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (Cildi), créée en 1998. Il est composé d'une quarantaine de gendarmes et de 8 policiers, et est dirigé par un colonel. L'office a officiellement pour mission de lutter contre la criminalité et la délinquance commises par des "équipes structurées et itinérantes".

L'existence du fichier MENS est prouvée par nombre de documents internes à la gendarmerie. Ainsi l'OCLDI, dans une "fiche de travail" sur le vol avec violences, annexe, en pièce jointe, un tableau Excel "recensement des dossiers en cours, consultation fichier MENS, schéma relationnel".

Dans une autre fiche, à "diffusion restreinte", les gendarmes écrivent sans sourciller : "L'environnement généalogique effectué par l'OCLDI à partir des procédures et des renseignements recueillis, ainsi que la consultation de notre base documentaire de données (fichier MENS), permet d'indiquer que certains individus suspectés appartiennent à la communauté française des gens du voyage, se connaissent soit par des liens familiaux, soit par relations criminelles d'habitude."

Dans un troisième document, rédigé à l'intention d'un procureur de la région parisienne, l'OCLDI fait état "d'informations obtenues dans le cadre de procédures" [judiciaires], puis "d'informations officieuses : consultations des fichiers SDRF (STRJD) sur les titres de circulation et fichier MENS (OCLDI) sur les liens de famille (généalogie), environnement patrimoniaux des personnes précitées".

Le SDRF est un fichier, légal mais purement administratif, sur les titres de circulation des nomades, installé au service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). "Il ne peut contenir aucune information relative à des condamnations judiciaires", indique la CNIL. C'est bien cependant à partir du SDRF, qui comptait en 2008 plus de 170 000 fiches et était consulté 400 fois par jour, que l'OCLDI a créé, avec une recension systématique des campements, son fichier MENS – de facto un fichier ethnique.

samedi, octobre 09, 2010

Cinq lois sur l'immigration en sept ans

lexpress.fr
Publié le 28/09/2010 à 23:30

Le projet de loi Besson sur l'immigration examiné par l'Assemblée nationale est le cinquième texte sur l'entrée et le séjour des étrangers depuis 2003. 

Rappel des précédents.


Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur en 2002, les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ont fait voter quatre lois sur la maîtrise des flux migratoires et le droit d'asile. Presque toutes dans le sens d'un durcissement des conditions d'entrée et de séjour des étrangers. 


Loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

Les dispositions de cette loi concernent principalement l'immigration familiale.
- Pour toute personne demandant un visa de long séjour pour regroupement familial, il est procédé, dans le pays où le visa est sollicité, à une évaluation de son "degré de connaissance de la langue française". Si besoin est, le demandeur doit suivre une formation linguistique organisée sur place.

- Un "contrat d'accueil et d'intégration pour la famille" oblige notamment les parents à veiller à la bonne intégration de leurs enfants. En cas de non respect, le juge des enfants peut être saisi et le paiement des allocations familiales suspendu.

- Des seuils de ressources nécessaires pour pouvoir prétendre au regroupement familial doivent être fixés en fonction de la taille de la famille.

- La tutelle de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est transférée du ministère des Affaires étrangères au ministère de l'Immigration.

Loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration

- L'étranger installé en France ne peut faire venir sa famille que dix-huit mois, et non plus un an, après son arrivée. La superficie du logement tient compte de la taille de la famille. Quant aux ressources minimales, seuls les revenus liés au travail sont pris en compte.

- Les régularisations automatiques après dix ans de vie en France sont supprimées. Elles concernaient environ 3000 personnes par an.

- L'octroi d'une carte de résident de dix ans est conditionnée à l'obtention d'un diplôme sanctionnant la connaissance de la langue française.

- Concernant les mariages mixtes, la carte de résident est attribuée au conjoint de Français après trois ans de mariage (et non plus deux). En cas de rupture dans les quatre ans qui suivent, la carte peut être retirée (sauf en cas de violences conjugales).

Loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile

S'inspirant de dispositions de l'Union européenne, la loi fait de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) le guichet unique de traitement des demandes d'asile. Le délai de traitement des demandes est censé être réduit.

La loi crée la notion d'"asile interne", qui permet à l'OFPRA de rejeter la demande d'une personne ayant pu avoir "accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine" et qui pourrait y être renvoyée.

Une liste de pays dits "pays d'origine sûrs", des pays "veillant" au respect de la liberté et des droits de l'Homme, est publiée. Les préfectures peuvent invoquer cette liste pour refuser l'admission sur le territoire.

Loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

Destinée à lutter contre l'immigration irrégulière, cette loi allonge la durée de rétention administrative de 12 à 32 jours.

Un fichier d'empreintes digitales et de photos établi à partir des demandes de visa est instauré. Il permet l'identification des étrangers entrés légalement sur le territoire français qui y seraient restés de façon irrégulière.

La carte de résident n'est accordée au conjoint étranger d'un français qu'au bout de 2 ans (contre 1 an auparavant).

Les peines contre les responsables de filières d'immigration clandestine sont alourdies.

La loi créé un délit de "mariage de complaisance".

Les maires voient leur pouvoir de contrôle élargi: conditions d'hébergement et sincérité des demandes.

En revanche, le texte abroge en partie la double peine, qui punissait des condamnés de droit commun en situation régulière ayant purgé leur peine à être expulsés du territoire.