mardi, février 07, 2012

Décret relatif à la rétention administrative de longue durée de certains étrangers

Un décret du 25 janvier 2012 prévoit la procédure de mise en œuvre, dés lors qu'il existe des perspectives raisonnables d'éloignement et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permet un contrôle efficace des personnes concernées, d'une rétention administrative de longue durée (six mois maximum). 

Cette rétention a pour but de s'assurer, compte tenu de l'intérêt particulier qui s'attache à leur éloignement eu égard à l'exceptionnelle gravité de la menace pour la sécurité publique qu'ils représentent, que ces étrangers pourront effectivement être éloignés du territoire français lorsque toutes les conditions en seront réunies.
Ces personnes sont maintenues en rétention dans un espace qui leur est réservé, sans contact avec les autres retenus.

Le texte est entré en vigueur le 28 janvier 2012.

la France doit se conformer à la Charte sociale européenne en matière notamment de regroupement familial

Le 24 janvier 2012, le Comité européen des droits sociaux a rendu public ses conclusions pour 2011 dans lesquelles il notifie que la France ne respecte pas ses obligations sur les conditions du regroupement familial posées par l'article L. 411-1 du CESEDA, notamment l'obligation faite au ressortissant étranger de séjourner régulièrement en France depuis au moins 18 mois.


Le Comité rappelle en effet que la Charte permet au Etats d'exiger une durée de résidence mais elle doit être acceptable et c'est une durée d'un an qui a été définie comme étant "acceptable". 

La CEDH condamne la France sur la rétention administrative des enfants


Dans un arrêt en date du 19 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme estime que "la rétention de jeunes migrants accompagnés de leurs parents dans un centre inadapté aux enfants était irrégulière et contraire au respect de la vie familiale". 


En l'espèce, Les requérants, M. et Madame Vladimir et Yekaterina Popov, sont des ressortissants kazakhstanais accompagnés de leurs enfants mineurs, nés en France respectivement en 2004 et 2007.

Fuyant de récurrentes persécutions dans leur pays du fait de leur origine russe et de leur
appartenance à la religion orthodoxe, Mme Yakovenko quitta le pays et arriva en France le 15 décembre 2002, munie d'un visa d’une durée de quinze jours. Son époux la rejoignit en France le 19 juin 2003. Les requérants déposèrent une demande d’asile qui fut rejetée, de même que leurs demandes de titres de séjour. Le 27 août 2007, les requérants et leurs enfants, âgés alors de cinq mois et trois ans, furent interpellés à leur domicile et placés en garde vue.

Leur rétention administrative dans un hôtel d’Angers fut ordonnée le même jour. Le lendemain ils furent transférés vers l’aéroport Charles-de-Gaulle en vue de leur éloignement vers le Kazakhstan. Toutefois, le vol fut annulé et l’embarquement n’eut pas lieu. Les requérants et leurs enfants furent alors transférés vers le centre de rétention administrative (CRA) de Rouen-Oissel, habilité à recevoir des familles. Par une décisiondu 29 août 2007, le juge des libertés et de la détention ordonna la prolongation de la rétention pour une durée de quinze jours.

Les requérants furent conduits à l’aéroport Charles-de-Gaulle pour une seconde tentative d’expulsion le 11 septembre 2007, qui n’eut pas lieu. Le juge des libertés et de la détention, constatant que l’échec de l’embarquement n’était pas du fait des requérants, ordonna alors leur remise en liberté.

Le 16 juillet 2009, le statut de refugié, demandé par les requérants avant leur arrestation, leur fut octroyé, au motif que l’enquête menée par la préfecture des Ardennes auprès des autorités kazakhstanaises, au mépris de la confidentialité des demandes d’asile, avait mis les requérants en danger en cas de retour au Kazakhstan.

Invoquant les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants se plaignaient de leurrétention administrative pendant quinze jours au centre de Rouen-Oissel dans l’attente de leur expulsion vers le Kazakhstan.

La Cour constate que l’aménagement des centres de rétention habilités à recevoir des familles en France dépend de la volonté de chaque chef d’établissement, notamment concernant la mise en place d’infrastructures adaptées à de jeunes enfants. Si, au centre de Rouen-Oissel, les familles sont séparées des autres détenus, seuls des lits d’adultes en fer sont disponibles, dangereux pour les enfants, qui ne bénéficient par ailleurs d’aucune activité ou espace de jeux et sont exposés à la dangerosité de la fermeture
automatique des portes de chambre.

Une période de quinze jours de rétention, sans être excessive en soi, peut paraître infiniment longue à des enfants vivant dans un environnement inadapté à leur âge. Les conditions de vie des enfants des requérants, une fillette de trois ans et un bébé - alors même qu’ils étaient accompagnés de leurs parents - se trouvant dans une situation de particulière vulnérabilité accentuée par l’enfermement ne pouvaient qu’entraîner une situation d’angoisse et de graves répercussions psychiques.

La Cour conclut que les autorités n’ont pas pris la mesure des conséquences inévitablement dommageables pour les enfants d’un enfermement en centre de rétention, dont les conditions ont dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3. Il y a donc eu violation de cette disposition.

Par ailleurs, la Cour considère que, bien que les enfants aient été placés dans une aile destinée aux familles avec leurs parents, leur situation particulière n’a pas été prise en compte par les autorités qui n’ont pas non plus recherché si une solution alternative à la rétention administrative était envisageable. La Cour conclut donc à la violation de l’article 5 § 1 f) (droit à la liberté et à la sûreté) concernant les enfants.

Elle ajoute que les enfants accompagnants leurs parents en CRA tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer un tel recours. Les enfants des requérants n’ont fait l’objet ni d’un arrêté d’expulsion ni d’un arrêté de placement en rétention administrative qu’ils auraient pu contester. La Cour conclut donc à la violation
de l’article 5 § 4 (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention) concernant les enfants.

Enfin, "rappelant le large consensus, notamment en droit international, selon lequel l’intérêt des enfants doit primer dans toutes les décisions les concernant, la Cour relève que la France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs accompagnés".