samedi, décembre 01, 2012

Régularisation des étrangers : Nouvelles règles à compter du 3 décembre 2012

Une nouvelle circulaire du Ministère de l'intérieur (NOR: INTK1229185Cayant pour objet "Conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile", précise les nouveaux critères d'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière et met l'accent sur la durée de résidence habituelle en France, le degré d'intégration et la maîtrise du français.

La circulaire, qui au passage en abroge plusieurs autres (Circulaire du 24 novembre 2009, NOR: IMIK0900092C ; Circulaire du 8 février 2008, NOR: IMI/G/08/00019/C ; Circulaire du 16 octobre 2007, NOR: IMI10700007C ; Circulaire du 31 octobre 2005, NOR : INTD0500097C), a pour objectif la "promotion d'une politique d'immigration lucide et équilibrée". Elle rappelle et clarifie les principes qui régissent les modalités de réception et de traitement des demandes d'admission exceptionnelle au séjour et précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions.

Exclusions : les tunisiens et algériens ne se voient pas appliquer la circulaire, même si les préfets peuvent, en application de leur pouvoir général d’appréciation, admettre exceptionnellement au séjour ces ressortissants en s’inspirant des critères de la circulaire.

Le texte souligne que les orientations contenues dans la circulaire du 30 octobre 2004 (NOR : INTD0400134C) et relatives à la protection de la vie privée et familiale des étrangers liés par un Pacte civil de solidarité doivent être appliquées.


1) Les parents d’enfants scolarisés doivent réunir deux critères cumulatifs :
  •         cinq ans de présence en France ;
  •         une scolarisation en cours d’au moins un des enfants depuis au moins trois ans.

2) Les conjoints d’étrangers en situation régulière doivent démontrer : 

  • cinq ans de présence en France et 
  • dix-huit mois de vie commune du couple.

3) Les mineurs devenus majeurs qui ne peuvent obtenir un titre de séjour au titre des articles L.313-11, 2° (jeune résidant habituellement en France depuis au plus l’âge de treize ans), L. 313-11, 2 bis (jeune confié à l’ASE depuis au plus l’âge de seize ans), et L. 313-15 (jeune confié à l’ASE entre seize et dix-huit ans) du Ceseda : il faut :


  • Au moins deux ans de présence en France à la date de son dix-huitième anniversaire et 
  • un « parcours scolaire assidu et sérieux »
  • Sont encore prises en compte la stabilité et l’intensité des liens développés sur le sol français en tenant compte du fait que l’essentiel de ses liens privés ou familiaux se trouvent en France et qu’il est à la charge effective de la cellule familiale en France.
  • si l’étranger entré en France après seize ans y dispose de l’ensemble de sa famille proche en situation régulière, est effectivement à sa charge et suit un parcours scolaire avec assiduité et sérieux.
La circulaire ajoute encore d’autres possibilités :
  • une autorisation provisoire de séjour et le cas échéant une autorisation provisoire de travail peuvent être délivrées à un étranger ne remplissant pas les critères ci-dessus afin qu’il achève un cycle de scolarité (baccalauréat, BEP, etc.) ;
  • même s’il ne peut pas attester que ses attaches privées et familiales se trouvent principalement en France, une carte de séjour temporaire « étudiant » peut être délivrée à l’étranger en situation irrégulière qui, scolarisé en France depuis au moins l’âge de seize ans, poursuit des études supérieures de manière assidue et sérieuse ;
  • les préfectures peuvent par ailleurs faire un « usage bienveillant » des possibilités d’admission au séjour de l’article L. 313-15 du Ceseda si un mineur étranger isolé remplit les conditions prévues et que la qualité de son parcours de formation est de nature à lui permettre une insertion durable. Une carte de séjour temporaire « étudiant » peut aussi lui être délivrée s’il poursuit des études secondaires ou universitaires avec assiduité et sérieux.

Enfin, le ministre rappelle que le critère tiré de la nature des liens avec le pays d’origine ne doit pas être opposé systématiquement « si ces liens sont inexistants, tenus ou profondément dégradés ».


4) Autres cas de régularisations pour motifs exceptionnels et considérations humanitaires  au titre de leur vie privée et familiale : il faut justifier :
  • d’un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique) ;
  • de circonstances humanitaires particulières (personne handicapée, ascendant ou descendant direct d’une personne handicapée ou dépendante dont il assume la charge, ascendant d’un enfant gravement malade dont l’état nécessite un accompagnement pérenne, femme ayant subi des violences, etc.). 
  • Les personnes victimes de violences conjugales (Instr. IOCL1124524C, 9 sept. 2011) ou de la traite des êtres humains (Instr. IMIM0900054C, 5 févr. 2009) peuvent déjà être admis exceptionnellement au séjour.
5) Les critères d’admission au séjour au titre du travail sont aussi précisés : l’étranger doit justifier :
  • d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche et du formulaire d’engagement de l’employeur de verser la taxe à l’OFII ;
  • avoir travaillé huit mois, consécutifs ou non, sur les vingt-quatre derniers mois ou trente mois, consécutifs ou non, sur les cinq dernières années ;
  • d’une ancienneté de séjour d’au moins cinq ans sauf exception. Une durée de trois ans permet la régularisation si l’étranger a travaillé vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois.
Par ailleurs, lorsque le demandeur remplit l’ensemble des conditions posées à l’article R. 5221-20, 2° à 6° du code du travail, la situation de l’emploi ne lui est pas opposable.

L’étranger sans contrat de travail ni promesse d’embauche, peut être régularisé s’il justifie :

  • d’une présence en France particulièrement significative (sept ans par exemple) 
  • et avoir travaillé au moins douze mois au cours des trois dernières années. 

L’étranger recevra alors un récépissé de carte de séjour temporaire « salarié », renouvelable une fois et l’autorisant à travailler, afin de lui permettre de chercher un emploi.



lundi, novembre 26, 2012

Dans quelles conditions les étrangers peuvent-ils bénéficier des minimas sociaux en France ?

Il est faux de croire que dès leur arrivée en France les étrangers (hors européens) peuvent bénéficier des prestations sociales.

Voici ce que disent les textes en vigueur :


1) Pour bénéficier de l'Aspa (allocation de solidarité pour personnes âgées), un étranger doit se trouver dans l'une des conditions suivantes (Code de la sécurité sociale : Articles L815-1 à L815-9, L816-1, R815-1 à R815-45) :
  • soit détenir depuis au moins 10 ans un titre de séjour autorisant à travailler, les sans papiers sont exclus du dispositif, comme les personnes disposant d'un titre de séjour n'ouvrant pas droit au travail ; 
  • soit être réfugié, apatride, bénéficier de la protection subsidiaire ou avoir combattu pour la France,
  • soit être ressortissant d'un État membre de l'Espace économique européen ou suisse.

    2) Pour bénéficier de la CMU (Couverture maladie universelle), un étranger doit justifier de 3 mois de présence en France et d'une carte de séjour valide. Un étranger en situation irrégulière (sans papier) n'a pas droit à la CMU mais seulement à l'AME (aide médicale d'Etat). (Code de la sécurité sociale : Articles L380-1 à L380-4, R380-1)
    3) L'aide médicale de l'État (AME) est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins à condition notamment de justifier d'une résidence en France de plus de 3 mois. (Code de la sécurité sociale : Articles L861-1, R861-2, R861-3, D861-1).
    4) La résidence régulière en France est également une des conditions pour bénéficier de toutes les prestations familiales (Code de la sécurité sociale : Articles L511-1 à L512-5 et D512-1 à D512-2). Les titres de séjours provisoires de première demande de titre de séjour (de moins de 3 mois) ne donnent pas non plus droit à ces prestations.
    5) Pour le RSA (revenu de solidarité active) : Peuvent aussi prétendre au RSA (Code de l'action sociale et des familles : Articles L262-4 à L262-6) :
    • les étrangers (hors Espace économique européen et Suisse) titulaires de la carte de résident (qui ne s'obtient qu'après 5 ans de présence régulière et ininterrompue en France)
    • les étrangers (hors Espace économique européen et Suisse) titulaires depuis au moins 5 ans d'un titre de séjour les autorisant à travailler en France,
    • les étrangers (quelle que soit leur origine) en situation régulière en France assumant seul la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître,
    • les réfugiés et apatrides,
    • les bénéficiaires de la protection subsidiaire


Nouvelle circulaire sur la nationalité


Une circulaire en date du 16 octobre 2012 assouplit les critères pris en compte pour les demandes d’accès à la nationalité française par naturalisation notamment ceux concernant l’insertion professionnelle et l’antériorité de la régularité du séjour des postulants. Elle précise aussi les modalités d’évaluation de la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises.
Selon cette circulaire, l’appréciation de l’insertion professionnelle doit porter sur le parcours professionnel global des demandeurs. Par conséquent, la nature du contrat de travail (CDD, contrats d’intérim) ne constitue plus un obstacle dès lors que l’activité pratiquée permet de disposer de ressources suffisantes et stables.
Par ailleurs, les périodes passées en séjour irrégulier ne peuvent plus être considérées comme un critère conduisant à refuser systématiquement les naturalisations. 
Enfin, en matière de vérification des références de base fondant l’exercice de la citoyenneté, l’agent de la préfecture chargé de l’entretien d’assimilation doit poser des questions s’intégrant dans le cours naturel de la conversation afin d’éviter de tomber dans le caractère artificiel d’un questionnaire.
L’instruction des dossiers de demande de naturalisation repose en particulier sur l’examen des conditions de recevabilité fixées par les articles 21-16 et suivants du code civil.

vendredi, octobre 05, 2012

La CJUE et la définition de la persécution religieuse

Dans son article, Christophe De Bernardinis commente un arrêt de la CJUE dans lequel les juges européens prennent position quant aux demandes d'asile pour persécution religieuse. (à propos de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 5 septembre 2012En l'espèce, les requérants, originaires du Pakistan, vivent en Allemagne où ils ont sollicité l'asile et la protection en tant que réfugiés. Ils appartiennent à la communauté ahmadiste et affirment avoir été contraints de quitter le Pakistan en raison de leur appartenance à cette communauté).


Pour la CJUE, certaines formes d'atteinte graves à la manifestation de la religion en public peuvent constituer une persécution en raison de la religion. Lorsque cette persécution est suffisamment grave, le statut de réfugié doit être octroyé.


La Cour de Luxembourg constate, tout d'abord, que seules certaines formes d'atteintes graves au droit à la liberté de religion -et non toute atteinte à ce droit— peuvent constituer un acte de persécution qui obligerait les autorités compétentes à octroyer le statut de réfugié. Ainsi, d'une part, les limitations de l'exercice de ce droit prévues par la loi ne peuvent être considérées comme persécution tant qu'elles respectent son contenu essentiel. D'autre part, la violation même de ce droit constitue une persécution uniquement si elle est suffisamment grave et qu'elle affecte la personne concernée d'une manière significative.

Ensuite, la Cour relève que les actes pouvant constituer une violation grave comprennent des actes graves atteignant la liberté de la personne concernée non seulement de pratiquer sa croyance dans un cercle privé, mais, également, de vivre celle-ci de façon publique. Ce n'est donc pas le caractère public ou privé ou bien collectif ou individuel de la manifestation et de la pratique de la religion mais la gravité des mesures et des sanctions prises ou susceptibles d'être prises à l'encontre de l'intéressé qui déterminera si une violation au droit à la liberté de religion doit être regardée comme persécution.



Par Christophe De Bernardinis, Maître de conférence à l'Université de Metz
Lexbase Edition publique n° 259 du 20 septembre 2012, N° Lexbase : A2298ISW

CJUE précise les conditions de séjour des membres de famille de citoyens européens

Selon la CJUE, décision du 5 septembe 2012, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens :


– que les États membres ne sont pas tenus d’accueillir toute demande d’entrée ou de séjour introduite par des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui ne sont pas couverts par la définition figurant à l’article 2, point 2, de ladite directive, même s’ils démontrent, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de celle-ci, qu’ils sont à la charge dudit citoyen;

– qu’il incombe toutefois aux États membres de veiller à ce que leur législation comporte des critères qui permettent auxdites personnes d’obtenir une décision sur leur demande d’entrée et de séjour qui soit fondée sur un examen approfondi de leur situation personnelle et qui, en cas de refus, soit motivée;

– que les États membres ont une large marge d’appréciation dans le choix desdits critères, ces derniers devant cependant être conformes au sens habituel du terme «favorise» ainsi que des termes relatifs à la dépendance employés audit article 3, paragraphe 2, et ne pas priver cette disposition de son effet utile; et

– que tout demandeur a le droit de faire vérifier par une juridiction si la législation nationale et l’application de celle-ci remplissent ces conditions.


Demandeurs d'asile même Dublinés ont droit à bénéficier de conditions minimum d'accueil


Le 27 septembre 2012, la Cour de justice des communautés européennes pose le principe selon lequel un Etat membre, saisi d’une demande d’asile, est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile, même à un demandeur d’asile pour lequel il décide de requérir un autre Etat membre pour le prendre en charge ou le reprendre en charge en tant qu’Etat membre responsable de la demande.

Elle ajoute que l’obligation de garantir les conditions minimales d’accueil du demandeur d’asile s’impose dès l’introduction de la demande et pendant toute la durée du processus de détermination de l’État membre responsable jusqu’au transfert effectif du demandeur par l’État requérant.


mardi, août 21, 2012

Nice, Un audit du ministère de l'Intérieur pour améliorer l'accueil des étrangers


Source : Nice MAtin, 25 mai 2009

Emportée par la foule, bousculée, frappée par un inconnu et finalement piétinée pour avoir seulement voulu déposer son dossier de carte de séjour au centre administratif des Alpes-Maritimes (Cadam)... Avec, au final, une admission aux urgences de l'hôpital Saint-Roch pour des contusions et un traumatisme crânien.
Ce " fait de société ", subi par une Indonésienne mariée à un ingénieur de Sophia Antipolis, nous l'avons rapporté dans notre édition du 17 janvier. Il a choqué beaucoup de monde. Car la jeune femme fut moins victime d'une bousculade inopinée que du résultat d'une mauvaise organisation matérielle de l'accueil au Cadam.
Des mesures déjà prises
Mais les choses vont changer. Découvrant cette situation à la lecture de Nice-Matin, Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, a alerté par courrier la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Laquelle a demandé que lui soient aussitôt communiqués « tous les éléments » pour envisager « des mesures, afin que des incidents tels que ceux relatés dans l'article ne se reproduisent plus ». Un audit interne a donc été réalisé ces dernières semaines sur les conditions d'attente des usagers aux portes du Cadam. Il a déjà débouché sur des mesures concrètes. Par exemple, « tout usager ne pouvant être reçu en temps réel se voit proposer un rendez-vous »annonce la ministre. Ou encore que les policiers ont pour consigne de faire entrer les usagers par groupe d'une dizaine, afin d'éviter les bousculades, tandis que des fonctionnaires de la préfecture filtrent désormais les entrées et orientent les usagers vers les guichets correspondants.
Des aménagements à venir
D'autres mesures « qui nécessitent des aménagements plus conséquents » sont encore à l'étude : adaptation de l'attente à l'extérieur des bâtiments au nombre de personnes effectivement reçues pour éviter le sprint infernal de 100 mètres (voir encadré), établissement de quatre files pour un premier filtrage selon la demande des visiteurs. Et divers travaux, dont la construction d'un auvent pour protéger à l'avenir le public de la pluie.
« Ces dispositions seront d'autant plus faciles à mettre en oeuvre que le conseil général [qui partageait une partie des locaux du service des étrangers, ndlr] vient de donner son accord pour que l'ensemble du hall soit dorénavant à l'entière disposition des services de l'Etat », se réjouit la ministre.
Lorsque toutes ces mesures seront effectives, les conditions d'accueil au Cadam seront enfin dignes de la République française...
1. Le centre de Nice a délivré plus de 20 000 titres de séjour et 25 000 récépissés l'an passé.

A Nice, Course effrénée au Cadam pour une carte de séjour : bienvenue en France !


Source : Nice Matin du 17 février 2009
Chaque matin de semaine, ils sont une bonne centaine - quelquefois plus - à faire le pied de grue à l'entrée du Cadam à Nice. Des hommes, des femmes, de toutes les conditions. En attendant l'ouverture des portes, ils s'agglutinent en une masse compacte qui monte en pression, au fur et à mesure que l'heure fatidique approche.
Il n'y a pas de ticket pour tout le monde
S'ils viennent aussi tôt - à 6 heures du matin pour certains - et s'ils se précipitent dans le Cadam dès l'ouverture à 8 heures, c'est pour être reçus par un fonctionnaire du service des étrangers. Mais, pour accéder au guichet des cartes de séjour, encore faut-il un ticket, qui détermine l'ordre de passage, comme dans les rayons poissonnerie des grandes surfaces. Sauf qu'à la préfecture, des tickets, il n'y en a pas pour tout le monde. Il en est distribué chaque jour un nombre variable, autant que les fonctionnaires peuvent traiter de dossiers. Seuls les premiers arrivés seront servis.
Nous avons constaté de visu cette situation. Pas plus tard que jeudi, ceux qui dix minutes auparavant voisinaient encore en bonne intelligence dans le froid sec à l'extérieur du Cadam, commencent à échanger des mots : « Tu viens d'arriver, fais la queue ». « T'as compris, casse-toi ! »
Top départ : galopade et bousculade
A l'arrière de la file, les derniers poussent par réflexe, comme si cela pouvait avancer leur passage. Devant, ceux qui sont comprimés contre les grilles étouffent.
A 8 heures pile, comme à l'hippodrome voisin de Cagnes-sur-Mer, le portillon électrique libère d'un seul coup les chevaux, pardon ces humains qui viennent simplement chercher un document administratif leur permettant de séjourner légalement sur le territoire national.
Bousculade, galopade : entre le portillon et le service des étrangers, tout le monde pique un sprint jusqu'au premier bâtiment à gauche. Une course de cent mètres en ligne droite suivie d'un virage à 90 degrés, pour entrer entre deux barrières métalliques formant entonnoir. Et tant pis s'il y en a qui tombent, ce qui arrive parfois.
Un seul policier est présent. Il fait du mieux qu'il peut avec cette marée humaine qui déferle dans le bâtiment. Il traite les gens avec humanité, renseigne et réconforte. Les « survivants » qui auront couru le plus vite et au besoin joué des coudes auront leur ticket.
Les autres, tant pis pour eux, reviendront le lendemain matin. En attendant l'ouverture du portillon, ils patienteront en regardant flotter le drapeau tricolore dans l'enceinte du Cadam. Est-ce ainsi que la France accueille ces étrangers, des travailleurs réguliers ? Hélas oui !

Un témoignage sur la galère des étrangers à Bordeaux


Source : http://www.sudouest.fr, 28 mars 2012


Un collectif d'associations d'aide aux étrangers vient de publier un rapport recueillant des témoignages à charge afin d'interpeller la préfecture sur la qualité de l'accueil.


situation de plus en plus difficile des étrangers en France aura eu au moins un effet positif : les multiples organisations de soutien, qui agissaient souvent en ordre dispersé, ont décidé de se fédérer dans un objectif commun. C'est ainsi qu'est né « témoignages en préfecture de Gironde », un livret grand format réunissant seize mois d'observations et d'accompagnements dans le service des étrangers à Mériadeck.
L'Asti, la Cimade, le Réseau d'éducation sans frontière, le collectif de soutien aux sans papiers, la Ligue des droits de l'homme, l'Institut de défense des étrangers, le collectif asile, le comité Tchétchénie Caucase Gironde et plusieurs syndicats ont uni leurs efforts pour réunir des témoignages d'étrangers confiant leurs difficultés administratives et humaines à leur arrivée dans notre pays.

Le rapport a été divisé en cinq chapitres : les obstacles à l'enregistrement des demandes, les arrestations en préfecture, la demande de naturalisation, comment justifier d'un domicile quand on n'en a pas et les conditions d'accueil.

Chaque chapitre est divisé en quatre parties : ce que disent les textes, les constats, les témoignages et les recommandations. Il s'agit donc bien d'un vade mecum à l'intention des élus et des associatifs mais aussi des citoyens désireux de s'informer sur ce sujet sensible.

Aggravation depuis 2010

Dans son introduction à la conférence de presse organisée hier au Centre Ha 32 à Bordeaux, Janine Guerra (Asti) a rappelé les buts des associations : « Collecter les témoignages des personnes en attentes de droits, procéder à une demande d'audience commune et rendre publique la collecte ». Elle précisa que cette entrevue le 23 mai 2011 avec la secrétaire générale de la préfecture Isabelle Dilhac n'avait « donné lieu à aucun résultat et aucune avancée ».

Les responsables associatifs considèrent même que depuis juin 2010 et le début de leur entreprise de collecte, la vie des étrangers est allée en empirant. « On ignore de plus en plus la situation humanitaire des personnes concernées et les tracasseries administratives se multiplient » remarquait Gérard Clabé (RESF). À commencer par d'interminables et souvent vaines atteintes à la préfecture (voir les témoignages ci-dessous).

U ne avancée toutefois depuis le mois de juillet 2011 : la création du guichet 4 à la préfecture, réservé aux avocats et aux associations : « Mais si cela nous évite de faire la queue, ce guichet n'est ouvert que deux fois deux heures par semaine et ne change rien à la vie des étrangers » constatait Me Astié.

De manière unanime, les associatifs dénoncent les conditions d'accueil entachées de suspicion et de manque de courtoisie. Ils se refusent néanmoins à stigmatiser le personnel administratif, estimant que « le mal vient d'en haut ».

Situation kafkaïenne

Certains témoignages révèlent la situation quasi kafkaïenne dans laquelle pataugent les étrangers en attente d'une autorisation de séjour. Mais pour Janine Guerra, le rapport n'est pas lié au récent débat sur l'immigration : « C'est un travail de fond qui lui est largement antérieur ».

Reste à savoir l'accueil qui sera offert à cette enquête à la préfecture. Pour l'heure, le préfet, tenu à son devoir de réserve en période électorale, n'est pas en mesure de réagir. « Nous ne le savions pas mais nous sommes prêts à le rencontrer s'il le désire » affirme Janine Guerra.
Deux jours de file d'attente en vain
Ce sont des témoignages vivants, pris à la source auprès de bénévoles accompagnant les demandeurs d'asile. Ils émaillent le rapport comme autant de faits bruts révélant la situation parfois inextricable dans laquelle se débattent les étrangers en France.

« En octobre 2010, un bénévole associatif accompagne deux familles X puis Z (deux couples avec enfants) pour retirer le prédossier de demande d'asile. Pour la famille Y, après un examen informatique de cinq à dix minutes, à partir des pièces d'identité fournies, l'employée au guichet pose des questions en parlant nerveusement et rapidement. Après avoir accordé seulement quelques secondes de temps de réponse au couple Y, elle l'accuse de mensonge sans qu'il ait pu ouvrir la bouche. L'employée explique qu'elle a identifié que la famille a déjà séjourné en France. Cependant le couple ne comprenait pas encore très bien le français et c'est pour cela qu'il n'avait pas répondu promptement aux questions qui lui étaient posées. L'accompagnateur a servi d'interprète par le biais de l'anglais et ainsi l'employée a pu vite s'apercevoir qu'il ne cherchait à nier aucun fait ».

Autre témoignage sur le sujet « décisions arbitraires dans la prise en charge des dossiers » :
« Le lundi 10 octobre 2011, M. X, après avoir subi deux jours de file d'attente, a été finalement reçu au guichet. Il est venu faire une demande de carte de séjour en présentant les documents et a précisé qu'ils ont été constitués par son avocat. « La dame au guichet nous a répondu que ce n'est pas à nous de faire la demande administrative en ce qui concerne la demande de carte de séjour. C'est l'avocat qui doit l'effectuer. Nous avons persisté, elle nous a répondu la même chose. On a essayé de savoir pourquoi. Malgré l'insistance, elle nous a répliqué qu'il n'y a pas d'autre solution » raconte l'amie qui l'accompagnait.

Etrangers: pourquoi les files d'attente s'allongent devant les préfectures


Les étrangers en situation régulière sont contraints, dans certains départements, de faire la queue une partie de la nuit pour renouveler leur titre de séjour. Et la situation ne cesse d'empirer. Explications.

Siource : par MARIE PIQUEMAL, Liberation.fr,  30 novembre 2011 à 11:14
Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant trouve qu'il y a «trop» d'étrangers en situation régulière. 200.000 entrent en France chaque année, se désolait-il ce week-end, «l'équivalent de la ville de Rennes». On parle là de ressortissants étrangers qui remplissent les critères de l'immigration légale et ont donc toute légitimité à vivre en France.
Garantir leur accès aux services publics fait donc partie des obligations de base de l'Etat. Or aujourd'hui, accéder au guichet de la préfecture en charge de l'accueil des étrangers est devenu un parcours du combattant. Renouveler son titre de séjour, comme toute démarche administrative, n'a jamais été une partie de plaisir. En région parisienne, où se concentre une forte population d'étrangers, les files d'attente se forment tôt le matin avant même l'ouverture de la préfecture. Mais depuis quelques mois, la situation s'est vraiment dégradée.
Arriver tôt ne suffit plus, il faut parfois passer la nuit dehors dans le froid pour espérer accéder au guichet le matin, sans même être certain d'être reçu et encore moins d'obtenir une réponse à ses questions.
La région parisienne n'est plus la seule touchée. Des préfectures, jusqu'ici épargnées, sont désormais embouteillées comme dans le Calvados ou la Gironde. Elise Fontaine, de l'association de solidarité avec tous les immigrés (Asti) du Calvados, témoigne : «Les gens font la queue dès deux heures du matin, parfois avec des bébés, c'est insupportable.»
Inconcevable surtout dans un Etat démocratique. Comment expliquer cet engorgement ? Voici trois éléments d'explication, directement inspirés des associations qui accompagnent les étrangers dans leurs démarches.

1) Les guichets des préfectures de moins en moins ouverts

Prenons le cas de la Gironde. Jusqu'à récemment, le guichet d'accueil des étrangers était ouvert tous les matins de 8h30 à 11 heures. Désormais, le vendredi matin est fermé au public afin «de traiter au mieux les dossiers déjà déposés», indique le site internet. Il n'est par ailleurs plus possible de déposer ou retirer une demande de titre de séjour le mercredi matin, réservé aux «demandes d'information».
Inévitablement, la diminution du nombre de jours ouvrés allonge les files d'attente. «Elles ont triplé en l'espace de quelques mois, témoigne Janine Guerra, de l'association Asti de Gironde. Même pour déposer une demande de naturalisation, c'est devenu la folie. Il faut prendre rendez-vous par téléphone mais le standard n'est ouvert que deux petites heures par semaine. Du coup, ça sonne occupé, les gens mettent plusieurs semaines avant d'obtenir le fameux rendez-vous, entre-temps certains papiers se périment... Cela maintient les gens dans un climat de stress insupportable.»
Autre exemple, à Caen. Réorganisation de service cet été, les agents ne reçoivent plus sur rendez-vous l'après-midi. Pour espérer voir sa demande traitée, pas d'autre choix que faire la queue devant la préfecture le matin. Là où les agents recevaient une soixantaine de personnes dans la matinée, c'est désormais une quarantaine, maxi. Les autres sont priées de revenir le lendemain, tant pis s'ils ont un travail ou des obligations. «Pour espérer être reçu, les gens font la queue toute la nuit. Mais là, avec l'arrivée du froid, cela devient vraiment difficile. Les gens essaient de s'organiser avec des listes informelles... D'autres s'énervent. On en arrive à des situations de violence», se désole Elise Fontaine, juriste à Asti 14 (Calvados).

2) Excès de zèle dans l'examen des dossiers

Debout toute la nuit à poireauter dans le froid, il est 9 heures, c'est enfin votre tour au guichet. Une quantité industrielle de papiers sous le bras pour attester du bien-fondé de la demande, et là, le couperet tombe: «ah, il manque le papier prouvant la vie maritale». Vous dégainez l'attestation de la Caisse d'allocations familiales où il est écrit noir sur blanc que vous vivez bien avec monsieur Y. «Mais dans l'en-tête il n'y a que votre nom, il manque celui du conjoint. Faudra repasser». Des exemples comme celui-ci, les bénévoles des associations en ont des centaines en tête. Janine Guerra, à Bordeaux, a même entrepris un recueil de témoignages pour dénoncer cet«arbitraire insupportable».
Au fil des lois et circulaires durcissant la politique d'immigration, les agents sont devenus très (trop) pointilleux dans l'examen des dossiers. Certains exigent des documents qui n'ont pas lieu d'être, d'autres délivrent des informations parcellaires sur l'avancée du dossier... Et variables d'un guichet à l'autre. En cause, entre autres: le manque de formation des agents préfectoraux. La législation étant de plus en plus complexe et sans cesse modifiée, les agents n'arrivent pas à suivre et s'emmêlent les pinceaux malgré «le guide du guichetier», remis par le ministère.

3) De récépissés en récépissés

Vous avez beau remplir toutes les conditions (ressources, emploi, logement...), avoir un dossier en béton, obtenir une carte de séjour, même temporaire (d'un an), relève de l'exploit. On ne parle même plus des cartes de résident, valables dix ans, qui sont en chute libre. On est passé de 31.000 cartes délivrées en 2005 à 18.000 en 2009, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
«Avant les lois Sarkozy, les cartes de résident de dix ans étaient délivrées de plein droit aux parents d'enfants français ou lorsque le conjoint avait la nationalité française. On partait du principe qu'à partir du moment où un étranger se destinait à rester longtemps sur le territoire, lui accorder une carte de résident était le meilleur moyen de l'intégrer, explique Stéphane Maugendre du Gisti. Aujourd'hui, la logique a été totalement inversée: il faut prouver qu'on est intégré pour avoir la carte!» Au fil des lois, les conditions requises sont sans cesse plus draconiennes.
En pratique, donc, le titre de séjour d'un an est la règle. Au passage, cela rapporte pas mal d'argent à l'Etat. Car à chaque demande de renouvellement, les demandeurs sont obligés de s'acquitter d'une taxe, fixée à 110 euros. Autre problème, entre le moment où la préfecture donne son accord et le jour où la personne l'a entre les mains, il peut se passer trois, six, neuf mois, durant lesquels elle est condamnée à enchaîner les récépissés de trois mois. Cela explique aussi en partie l'allongement des files d'attente devant les préfectures. «Au final,assure Stéphane Maugendre, certains reçoivent la carte juste avant qu'elle soit périmée !»

vendredi, août 17, 2012

Liechtenstein: le prince pro-immigration


Source : AFP

Le prince Aloïs du Liechtenstein a appelé à des réformes dans le domaine de l'immigration pour soutenir l'économie du pays lors de la Fête nationale de la petite principauté. Le prince héritier, chargé des affaires politiques par son père le monarque Hans-Adam II, a évoqué une "ouverture prudente et bien conçue" de l'immigration dans un discours prononcé dans le parc du château de Vaduz devant plus de 2.000 personnes, selon l'agence suisse ATS.


Selon lui, il faut lier cette réforme à une naturalisation facilitée des étrangers établis depuis longtemps au Liechtenstein. Sans assouplissement des conditions d'immigration, l'économie liechtensteinoise n'arrivera pas à recruter suffisamment d'experts dans la phase critique qu'elle traverse actuellement, a estimé le prince. La principauté compte 37.000 habitants et autant de places de travail dont la plupart sont occupées par des frontaliers venus des pays voisins.

Des réformes sont également nécessaires dans les assurances sociales, a estimé le prince héritier.

Aux Etats-Unis, les expulsions d'une partie des immigrés illégaux suspendues



Le Monde.fr | 15.08.2012 à 18h56

Aux Etats-Unis, avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle directive, les immigrés sans papiers peuvent, à partir du mercredi 15 août, entamer des démarches pour régulariser leur situation sans craindre d'être expulsés. La loi, baptisée "Deferred Action for Childhood Arrivals Act", concerne les immigrés âgés de 15 à 30 ans
arrivés sur le territoire américain avant leurs 16 ans, scolarisés ou diplômés et n'ayant pas d'antécédents judiciaires. Après examen de leur dossier, ceux-ci pourront voir leur procédure d'expulsion suspendue et obtenir un permis de travail de deux ans.

"Les personnes qui répondent à ces critères et étaient menacées d'expulsion peuvent maintenant vivre sans peur et aider notre grande nation avec leurs talents," explique la direction du service de citoyenneté et d'immigration des EtatsUnis (USCIS). Selon les calculs du gouvernement, près de 800 000 personnes pourraient bénéficier de cette mesure sur les quelque 11,5 millions d'immigrés sans papiers vivant aux Etats-Unis. Des instituts démographiques établissent ce chiffre à 1,7 million, dont un million de personnes maintenant et le reste une fois qu'elles auront 15 ans, comme cela est requis.

"LA CHOSE LA PLUS CENSÉE À FAIRE"

Selon l'institut de démographie MPI, les trois quarts des bénéficiaires potentiels font partie de la communauté latino, originaires du Mexique ou d'un autre pays d'Amérique centrale. Les Etats ayant le plus grand nombre d'immigrés qualifiés sans papiers sont la Californie, le Texas, la Floride, l'Etat de New York et l'Illinois.

Dès mercredi, des élus et des associations de défense des immigrés organisent des sessions d'information pour aider les jeunes à monter leur dossier, notamment dans ces Etats.

En annonçant cette mesure il y a deux mois, Barack Obama avait déclaré qu'il ne s'agissait ni d'une "amnistie" – ce dont l'avaient accusé ses adversaires républicains – ni d'une première étape vers la citoyenneté, mais de "la chose la plus censée à faire". Dans l'optique de l'élection présidentielle de novembre, il s'agit aussi d'une mesure hautement symbolique avec un potentiel électoral non négligeable.

La communauté latino, un segment crucial de l'électorat comptant 21 millions de personnes, a été déçue par le premier mandat de M. Obama pour ce qui est de l'immigration. Le président, qui avait promis de faire voter le "Dream Act", une loi permettant de régulariser des jeunes sans papiers ayant poursuivi des études,
s'est heurté à plusieurs reprises au refus des républicains. C'est donc par décret qu'il a fait passer la loi entrée en vigueur mercredi, provoquant la colère de ses opposants. Une frange du Parti républicain l'accuse de favoriser les immigrés en situation irrégulière aux dépens des citoyens américains au chômage. M. Obama
est aussi devenu le président américain a avoir fait exécuter le plus grand nombre d'expulsions - 400 000 par an depuis quatre ans – depuis Dwight Eisenhower.


dimanche, juin 10, 2012

Plus de présomption d'urgence pour les recours en référé contre les refus de séjours des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire


La décision par laquelle le préfet refuse d'admettre au séjour un demandeur d'asile et le classe en procédure prioritaire, si elle prive d'effet suspensif l'éventuel recours qu'il pourra former devant la Cour nationale du droit d'asile, n'a aucun effet propre sur son droit au séjour jusqu'à l'intervention de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides. L’article L. 742-6 du code des étrangers lui permet en effet de séjourner sur le territoire national, le temps de l’examen de sa demande par l’Office. Pour cette raison, le juge des référés estime que la décision préfectorale ne porte pas, par elle-même, une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur d'asile pour que la condition d'urgence soit, par présomption, remplie (CE réf., 20 févr. 2012, req. n° 353150, Min. Int.).

Garde à vue d'un étranger désormais impossible seulement pour séjour régulier ? A suivre...


Alors que suite à l’arrêt El Dridi de la CJUE, la possibilité d’engager des mesures de garde à vue sur le seul fondement de l’article L. 621-1 du CESEDA divise les juges du fond, la chambre criminelle indique, dans un avis, que de telles gardes à vue ne sont pas justifiées.

Crim. 5 juin 2012, avis n° 9002

Par un avis très attendu du 5 juin 2012, la chambre criminelle indique que le ressortissant d’un État tiers ne peut pas être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée seulement pour entrée ou séjour irrégulier en France. L’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) punit d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €, le fait pour un étranger de pénétrer ou séjourner en France de manière irrégulière ou de s’y maintenir au-delà de la durée autorisée par son visa.

Selon l’avis de la chambre criminelle, il résulte de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour », « telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne » (CJUE), qu’un étranger mis en cause, pour le seul délit prévu par l’article L. 621-1 du CESEDA « n’encourt pas l’emprisonnement lorsqu’il n’a pas été soumis préalablement aux mesures coercitives visées à l’article 8 » de cette directive. Or, une mesure de garde à vue ne peut être décidée que « s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement », rappelle la chambre criminelle (c. pr. pén., art. 62-2). Elle en déduit qu’un étranger « ne peut donc être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée de ce seul chef ».

La chambre criminelle précise que dans l’état du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, un étranger ne pouvait également pas être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irrégulier selon la procédure de flagrant délit. « Le même principe devait prévaloir lorsque l’enquête était menée selon d’autres formes procédurales », ajoute-t-elle. La chambre criminelle fait référence, dans cet avis, aux arrêts El Dridi (CJUE, 28 avr. 2011, n° C-61/11) et Achughbabian (CJUE, 6 déc. 2011, n° C-329/11) de la CJUE. Dans le premier, la CJUE avait jugé que la directive retour s’oppose à une réglementation nationale infligeant une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ce territoire.

Dans le second, la CJUE avait indiqué que la directive retour s’oppose à une réglementation nationale permettant l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier qui n’a pas été soumis aux mesures coercitives prévues par la directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de l’application de la procédure d’éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention. Elle avait ajouté qu’une règlementation nationale telle que l’article L. 621-1 du CESEDA est « susceptible de faire échec à l’application des normes et des procédures communes » établies par la directive retour et « de retarder le retour », portant ainsi « atteinte à l’effet utile de ladite directive ».

L’avis que vient de rendre la chambre criminelle ne lie pas la première chambre civile, à l’origine de la demande (COJ, art. L. 441-3). Cette dernière devra prochainement trancher la question. Rappelons que le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision du 3 février 2012, l’article L. 621-1 du CESEDA conforme à la Constitution (Cons. const., 3 févr. 2012, n° 2011-217 QPC).

Source : C. Fleuriot, Dalloz Actualité, 8 juin 2012

mardi, février 07, 2012

Décret relatif à la rétention administrative de longue durée de certains étrangers

Un décret du 25 janvier 2012 prévoit la procédure de mise en œuvre, dés lors qu'il existe des perspectives raisonnables d'éloignement et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permet un contrôle efficace des personnes concernées, d'une rétention administrative de longue durée (six mois maximum). 

Cette rétention a pour but de s'assurer, compte tenu de l'intérêt particulier qui s'attache à leur éloignement eu égard à l'exceptionnelle gravité de la menace pour la sécurité publique qu'ils représentent, que ces étrangers pourront effectivement être éloignés du territoire français lorsque toutes les conditions en seront réunies.
Ces personnes sont maintenues en rétention dans un espace qui leur est réservé, sans contact avec les autres retenus.

Le texte est entré en vigueur le 28 janvier 2012.

la France doit se conformer à la Charte sociale européenne en matière notamment de regroupement familial

Le 24 janvier 2012, le Comité européen des droits sociaux a rendu public ses conclusions pour 2011 dans lesquelles il notifie que la France ne respecte pas ses obligations sur les conditions du regroupement familial posées par l'article L. 411-1 du CESEDA, notamment l'obligation faite au ressortissant étranger de séjourner régulièrement en France depuis au moins 18 mois.


Le Comité rappelle en effet que la Charte permet au Etats d'exiger une durée de résidence mais elle doit être acceptable et c'est une durée d'un an qui a été définie comme étant "acceptable". 

La CEDH condamne la France sur la rétention administrative des enfants


Dans un arrêt en date du 19 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme estime que "la rétention de jeunes migrants accompagnés de leurs parents dans un centre inadapté aux enfants était irrégulière et contraire au respect de la vie familiale". 


En l'espèce, Les requérants, M. et Madame Vladimir et Yekaterina Popov, sont des ressortissants kazakhstanais accompagnés de leurs enfants mineurs, nés en France respectivement en 2004 et 2007.

Fuyant de récurrentes persécutions dans leur pays du fait de leur origine russe et de leur
appartenance à la religion orthodoxe, Mme Yakovenko quitta le pays et arriva en France le 15 décembre 2002, munie d'un visa d’une durée de quinze jours. Son époux la rejoignit en France le 19 juin 2003. Les requérants déposèrent une demande d’asile qui fut rejetée, de même que leurs demandes de titres de séjour. Le 27 août 2007, les requérants et leurs enfants, âgés alors de cinq mois et trois ans, furent interpellés à leur domicile et placés en garde vue.

Leur rétention administrative dans un hôtel d’Angers fut ordonnée le même jour. Le lendemain ils furent transférés vers l’aéroport Charles-de-Gaulle en vue de leur éloignement vers le Kazakhstan. Toutefois, le vol fut annulé et l’embarquement n’eut pas lieu. Les requérants et leurs enfants furent alors transférés vers le centre de rétention administrative (CRA) de Rouen-Oissel, habilité à recevoir des familles. Par une décisiondu 29 août 2007, le juge des libertés et de la détention ordonna la prolongation de la rétention pour une durée de quinze jours.

Les requérants furent conduits à l’aéroport Charles-de-Gaulle pour une seconde tentative d’expulsion le 11 septembre 2007, qui n’eut pas lieu. Le juge des libertés et de la détention, constatant que l’échec de l’embarquement n’était pas du fait des requérants, ordonna alors leur remise en liberté.

Le 16 juillet 2009, le statut de refugié, demandé par les requérants avant leur arrestation, leur fut octroyé, au motif que l’enquête menée par la préfecture des Ardennes auprès des autorités kazakhstanaises, au mépris de la confidentialité des demandes d’asile, avait mis les requérants en danger en cas de retour au Kazakhstan.

Invoquant les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants se plaignaient de leurrétention administrative pendant quinze jours au centre de Rouen-Oissel dans l’attente de leur expulsion vers le Kazakhstan.

La Cour constate que l’aménagement des centres de rétention habilités à recevoir des familles en France dépend de la volonté de chaque chef d’établissement, notamment concernant la mise en place d’infrastructures adaptées à de jeunes enfants. Si, au centre de Rouen-Oissel, les familles sont séparées des autres détenus, seuls des lits d’adultes en fer sont disponibles, dangereux pour les enfants, qui ne bénéficient par ailleurs d’aucune activité ou espace de jeux et sont exposés à la dangerosité de la fermeture
automatique des portes de chambre.

Une période de quinze jours de rétention, sans être excessive en soi, peut paraître infiniment longue à des enfants vivant dans un environnement inadapté à leur âge. Les conditions de vie des enfants des requérants, une fillette de trois ans et un bébé - alors même qu’ils étaient accompagnés de leurs parents - se trouvant dans une situation de particulière vulnérabilité accentuée par l’enfermement ne pouvaient qu’entraîner une situation d’angoisse et de graves répercussions psychiques.

La Cour conclut que les autorités n’ont pas pris la mesure des conséquences inévitablement dommageables pour les enfants d’un enfermement en centre de rétention, dont les conditions ont dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3. Il y a donc eu violation de cette disposition.

Par ailleurs, la Cour considère que, bien que les enfants aient été placés dans une aile destinée aux familles avec leurs parents, leur situation particulière n’a pas été prise en compte par les autorités qui n’ont pas non plus recherché si une solution alternative à la rétention administrative était envisageable. La Cour conclut donc à la violation de l’article 5 § 1 f) (droit à la liberté et à la sûreté) concernant les enfants.

Elle ajoute que les enfants accompagnants leurs parents en CRA tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer un tel recours. Les enfants des requérants n’ont fait l’objet ni d’un arrêté d’expulsion ni d’un arrêté de placement en rétention administrative qu’ils auraient pu contester. La Cour conclut donc à la violation
de l’article 5 § 4 (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention) concernant les enfants.

Enfin, "rappelant le large consensus, notamment en droit international, selon lequel l’intérêt des enfants doit primer dans toutes les décisions les concernant, la Cour relève que la France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs accompagnés".

jeudi, janvier 12, 2012

Les algériens relèvent de plus en plus du droit commun : le Conseil d'Etat précise les règles

Dans une décision récente, le Conseil d'État revient sur les règles applicables aux ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée.

Le principe :

Dans sa décision, la haute juridiction rappelle que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle.

L'exception :


Toutefois, pour le Conseil d'Etat « cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que leur soient appliqués les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée, ainsi [...] que le rappellent, pour l'exercice de certaines professions par les étrangers d'autres nationalités, les dispositions du 2° de l'article L. 313-10 » du Ceseda.

CE, 23 nov. 2011, n° 343083

Les violences congugales peuvent être psychologiques

La Cour administrative de Versailles vient d'annuler sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-12 du Ceseda, le refus de renouvellement du titre de séjour d'une étrangère faisant état de violences psychologiques de la part de son époux français.

Pour la cour administrative d'appel, il ressort des travaux parlementaires relatifs à l'adoption de l'article L. 313-12 du Ceseda « qu'en adoptant le terme " violences conjugales ", le législateur a entendu ne pas limiter cette notion aux violences de nature physique ». C'est ainsi que pour la cour, « les violences psychologiques constituent des violences conjugales au sens de l'article L. 313-12 » du Ceseda.

CAA Versailles, 14 nov. 2011, n° 10VE00451, Negotinovic

Le passeport n'est pas nécessaire pour la délivrance d'un titre de séjour qui ne nécessite pas la justification d'une entrée régulière

La justification d'une entrée régulière ne peut être exigée de l'étranger qui demande une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » au titre de l'article L. 313-11, 11° du Ceseda.

Le juge des référés du Conseil d'Etat vient d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Toulouse qui avait rejeté la demande de suspension d'un refus de carte de séjour temporaire opposé à un étranger malade au motif qu'il ne pouvait pas présenter un passeport en cours de validité. Pour le premier juge, le moyen tiré de ce que l'obligation qui lui était faite de produire un passeport n'était pas de nature à créer un doute séreux sur la légalité de la décision préfectorale de refus de titre de séjour.

Le Conseil d'Etat considère que ce faisant, le premier juge avait entaché sa décision d'erreur de droit dès lors que les conditions d'entrée régulière ne sont pas applicables à l'étranger qui demande un titre de séjour pour lequel la justification de l'entrée régulière n'est pas nécessaire; Dans ces cas, la présentation d'un passeport ne peut donc être requise.

CE, 30 nov. 2011, n° 351584, Da Costa