Le tribunal administratif de Nice rappelle l’obligation de l’Etat en matière d’hébergement des demandeurs d’asile
et condamne l’Etat pour n’avoir pas respecté des décisions de justice du mois de juillet dernier.
Par une série 10 ordonnances du 12 novembre 2010 (*), le Président du Tribunal administratif statuant en référé, a enjoint au Préfet du département des Alpes-Maritimes d’assurer l’hébergement de plusieurs familles de demandeurs d’asile dans un délai de 24 heures à compter de la notification des ordonnances (dès vendredi 12 novembre au soir) sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Le tribunal enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de communiquer, avant le 20 novembre 2010, la copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter ses ordonnances.
Par ailleurs, des décisions de juillet dernier du même tribunal (23 décisions rendues les 13, 15, 19 et 23 juillet) avaient déjà condamnées l’Etat à prendre en charge l’hébergement des demandeurs d’asile. L’Etat n’ayant pas exécuté ces décisions ou ayant mis fin prématurément à la prise en charge des intéressés, le tribunal a également prononcé la liquidation des astreintes qui avaient été ordonnées en juillet. Le taux d’astreinte prononcée à l’encontre de l’Etat par les précédentes ordonnances (100 euros par jour de retard) a été porté à 500 euros par jour en cas de non exécution des ordonnances de juillet 2010.
Certaines familles font parties de celles qui ont été contraintes d’occuper l’immeuble situé au 1 rue George Clémenceau. Cet immeuble est occupé en désespoir de cause (**) par des demandeurs d’asile depuis le 4 novembre 2010. L’immeuble est géré par le Collectif Niçois de soutien aux Demandeurs d’asile (CNDA).
Le raisonnement juridique est simple :
L’Etat a une obligation d’assurer des conditions minimales d’accueil (dont le logement) à tout demandeur d’asile qui se trouve en France et dont la demande est instruite par les autorités française ou par un autre Etat, en tous cas tant qu’il est admis à séjourner en France ou que son transfert vers un autre Etat européen responsable de sa demande n’a pas eu lieu.
Le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de rappeler que la privation de mesures prévues par la loi aux fins de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté protégée (CE réf., 23 mars 2009, req. n° 325884, Ministre chargé de l'immigration c/ Gaghiev).
Selon le Conseil d’Etat, le droit fondamental d’asile (un droit constitutionnel) a pour corolaire le droit à des conditions minimales d’accueil qui comprennent le logement. Ce n’est donc pas sur le fondement du droit au logement opposable (DALO) que l’Etat doit garantir un logement aux demandeurs d’asile, mais bien sur le fondement du droit constitutionnel d’asile. En cela, la condition des étrangers demandeurs d’asile est différente de celles des autres étrangers sur le territoire ou même des nationaux.
En effet, l’article 13 de la Directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile oblige les Etats membres à prendre « des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs ».
La notion de « conditions matérielles d’accueil » est définie par l’article 2 de la même Directive comme comprenant « le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière ».
Par ailleurs et en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, les demandeurs d’asile peuvent être admis à l’aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d’asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d’un niveau de ressources suffisant bénéficient d’une allocation mensuelle de subsistance [il s’agit de l’ATA, l’allocation temporaire d’attente, de 10,67 euros par jours : http://vosdroits.service- public.fr/F16118.xhtml]. Ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d’accueil d’urgence spécialisé pour demandeurs d’asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d’un accueil en centre pour demandeurs d’asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l’article L. 345-2 du Code de l’action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d’hébergement d’urgence ou un centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
Enfin, l’article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 s’applique « à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un Etat membre tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile, ainsi qu’aux membres de leur famille, s’ils sont couverts par cette demande d’asile conformément au droit national ». Or aucune disposition de cette directive ne prévoit d’exception pour les personnes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du règlement CE 343/2003 du 18 février 2003 et de faire à ce titre l’objet d’une demande de réadmission vers l’Etat devant être regardé, en vertu de ce règlement, comme l’Etat responsable de la demande d’asile.
Dès lors, l’engagement d’une procédure de prise en charge par un autre Etat d’un demandeur d’asile postérieurement à son entrée sur le territoire est sans influence sur le droit de l’intéressé de bénéficier de conditions matérielles d’accueil décentes tant que cette prise en charge n’est pas devenue définitive.
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