USA: l'immigration, casse-tête oublié de la campagne
Avec la crise économique, le débat sur les frontières et les millions de clandestins est repassé au second plan. Mais l'électorat hispanique saura se rappeler au souvenir du prochain élu.
Au début de la campagne présidentielle, l'immigration figurait en tête des préoccupations des électeurs. Lors des échanges avec les candidats, le public soulevait la question jusque dans des coins reculés de l'Iowa. Sur CNN, le journaliste militant Lou Dobbs en faisait son fonds de commerce, allant jusqu'à témoigner devant le Congrès comme expert.
Ces jours-ci, le sujet n'est pratiquement plus évoqué, ni dans les duels télévisés, ni dans les discours des deux prétendants. La crise financière est passée par là. Mais l'enjeu des frontières et des millions de clandestins pourrait ressurgir à tout moment, à la faveur de l'impact de la récession sur l'emploi ou d'une attaque terroriste aux États-Unis.
D'après le Pew Hispanic Center, le nombre d'immigrés en situation irrégulière atteint 11,9 millions, pour la première fois en légère baisse (12,4 millions en 2007). Cela s'explique à la fois par le durcissement des contrôles et la baisse des offres d'emploi.
Poursuivant l'œuvre amorcée par Clinton en 1993, les États-Unis ont entrepris depuis 2006 de fortifier 1 000 des 3 200 km de leur frontière avec le Mexique : pour moitié, des palissades empêchant le passage des piétons, ailleurs des pylônes bloquant la circulation des voitures. Mais le projet a pris du retard. Une «barrière virtuelle» équipée de radars et de caméras est au point mort, après des tests peu concluants sur 45 km en Arizona.
De 6 000 agents en 1996, la Border Patrol a vu ses effectifs passer à 15 000 aujourd'hui (et 18 000 l'an prochain). Ses responsables estiment qu'un demi-million de clandestins continuent néanmoins à se faufiler chaque année entre les mailles du filet. Les itinéraires ont changé, la barrière poussant les candidats à l'exil vers des pistes plus périlleuses à travers le désert. Le bilan s'en ressent : on compte plus de mille morts depuis 2000, contre 125 durant la décennie 1990.
Pays d'immigration par essence, les États-Unis accueillent un million d'immigrants légaux chaque année, plus que la plupart des autres pays développés combinés. Le débat porte sur la main-d'œuvre clandestine sous-payée, sans assurance médicale, qui pèserait sur les services sociaux des petites villes. Mais une étude du Conseil économique de la Maison-Blanche affirmait l'an dernier que les immigrés avaient «un impact positif sur les budgets publics à long terme.» À Riverside, dans le New Jersey, la municipalité avait adopté en 2006 une loi pénalisant tout employeur de clandestins. Après la fuite de cette main-d'œuvre bon marché, l'économie locale s'est effondrée. Le décret a été annulé.
Un électorat décisif
L'enjeu a pris une dimension sécuritaire après les attentats du 11 septembre 2001 : quatre des dix-neuf pirates de l'air séjournaient dans le pays en situation illégale. Le département de la Sécurité intérieure a considérablement renforcé les contrôles de sécurité aux aéroports et l'inspection des conteneurs dans les ports.
Barack Obama et John McCain ne se plaignent pas de l'apaisement des passions sur le sujet. Ils s'efforcent de séduire un électorat hispanique désormais capable de faire la différence dans de nombreux États du Sud et de l'Ouest (44 % de la population au Nouveau-Mexique, 36 % en Californie et au Texas, 30 % en Arizona et au Nevada, 20 % en Floride).
Leurs philosophies sont voisines : renforcement de la frontière (tous deux ont voté pour l'érection du mur en 2006), chasse aux employeurs de clandestins, accueil des travailleurs légaux. Mais McCain, qui avait inscrit son nom sur une réforme globale défaite par le Congrès en 2007, ne parle plus d'offrir «une voie de légalisation» aux immigrés déjà dans le pays, ayant un travail et pas de passé criminel. La mesure était impopulaire auprès de sa base conservatrice.
Obama, lui, y reste favorable. Il promet aussi d'augmenter l'aide au Mexique pour «supprimer les incitations» à l'exil. Surtout, il a inscrit les Latinos au cœur de sa stratégie électorale, les incluant dans sa «nouvelle coalition», censée «changer la carte politique du pays». Son objectif est de porter leur participation de 6,4 % en 2004 à près de 10 % mardi prochain. Une des clés de la victoire.
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