LE MONDE | 03.10.07
undi 8 octobre, un nouvel Institut d'études sur l'immigration et l'intégration sera installé. Il sera inauguré à Paris par le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux. Mercredi 10 octobre, un autre projet va aboutir : la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) doit ouvrir ses portes après des années de gestation. Mais il n'est pas prévu, pour elle, d'inauguration officielle.
La création du nouvel institut a été annoncée, mercredi 19 septembre, par le Haut Conseil à l'intégration (HCI), qui dépend du premier ministre. L'initiative provoque de vifs débats. Elle intervient quatre mois après la démission de huit chercheurs membres de la Cité de l'immigration, pour protester contre la création d'un ministère alliant "l'immigration" et "l'identité nationale".
L'institut a vocation à être, selon son instigatrice, Blandine Kriegel, présidente du HCI, un "guichet unifié" rassemblant des universitaires travaillant sur l'immigration, les administrations commanditaires de recherches et des entreprises privés prêtes à contribuer à ces études. "L'objectif, explique Mme Kriegel, est de donner des moyens élargis à cette recherche. Sans aucune exclusive ni exhaustivité." Mais l'initiative ne convainc pas. "Avec cet institut, le gouvernement cherche à redonner à son ministère de l'immigration une légitimité auprès de la communauté des chercheurs", analyse Gérard Noiriel, l'un des historiens démissionnaires de la CNHI.
Mardi 2 octobre, une vingtaine d'universitaires, dont M. Noiriel, Patrick Simon, démographe, Patrick Weil, historien, et Eric Fassin, sociologue, ont lancé une pétition pour exprimer leurs "plus vives inquiétudes". "Dans un contexte où le discours politique tend de plus en plus à présenter l'immigration comme un danger pour la collectivité nationale, où les législations successives restreignent toujours plus les droits des étrangers", les signataires craignent pour l'indépendance de la recherche.
Ils s'inquiètent aussi du "symbole" que représente la nomination à la présidence du conseil scientifique de Hélène Carrère d'Encausse, "dont les propos sur les familles africaines (liant les émeutes de banlieue à l'automne 2005 et la polygamie) ont suscité l'étonnement et l'indignation". La pétition est déjà signée par une soixantaine de chercheurs.
"Ce nouvel institut sera totalement indépendant, comme l'a toujours été notre observatoire statistique, même si c'est Brice Hortefeux qui l'installera", défend Mme Kriegel, pour qui la coïncidence de la date d'installation de l'Institut et de celle de l'ouverture de la Cité de l'immigration n'est que fortuite. "Il n'y a aucun calcul politique", soutient-on aussi dans l'entourage de M. Hortefeux, selon lequel la date retenue répond simplement à des contraintes d'agendas.
Président de la CNHI, Jacques Toubon a été informé en juillet du projet d'institut. M. Toubon n'en avait plus entendu parler jusqu'à ce qu'il en apprenne, lundi, l'ouverture par des informations circulant sur Internet. "Mais, affirme-t-il, cela ne brouille ni la vocation ni le message de la Cité. Notre projet consiste à changer le regard sur l'immigration en transmettant son histoire. Cela ne change en rien notre programme, y compris en matière de recherche."
La mise sur pied de l'Institut soulève cependant des questions. Le Haut Comité pour l'intégration le présente comme "l'antenne française" de Metropolis, réseau mondial de recherche sur les migrations, la diversité et la ville. Les coordinations européenne et canadienne de Metropolis ont cependant adressé lundi 1er octobre un courriel à Mme Kriegel, pour lui dire qu'il était pour le moins prématuré de parler d'une telle affiliation.
Contacté par Mme Kriegel, juste avant l'élection présidentielle, l'historien spécialiste de l'Algérie, Benjamin Stora, avait donné son accord, intéressé par l'idée d'un lieu d'échange entre universitaires, administrations et entreprises. Il a cependant indiqué au Monde avoir décidé de se "retirer pour garder (son) indépendance." Selon lui, "vu la façon dont cet institut est lancé, maintenant, le débat est quasiment impossible. C'est plus que regrettable. Car nous avons besoin de ce type d'échanges".
"Nous sommes très en retard en France dans la communication entre le monde de la décision et le monde de la recherche. Des tas de décisions ne seraient pas prises si un tel échange existait", appuie Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches au Centre d'études et de recherches internationales qui a pour sa part décidé de rester, en souhaitant "garder (sa) liberté de parole."
Laetitia Van Eeckhout
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