dimanche, octobre 28, 2007

Pas suffisamment de Carte 'compétences et talents"

Immigration: la Carte compétences et talents fait pschit
Par Lise Barcellini (Journaliste), Rue89.com, 28/10/2007

L’annonce avait fait grand bruit. Le gouvernement et son ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, voulaient favoriser "l’immigration de travail choisie, face à l’immigration familiale subie". Tête de gondole de cette politique: la Carte compétences et talents, délivrée pour trois ans renouvelables une fois à l’étranger "résidant ou non en France, susceptible de participer en raison de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable, au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et du pays dont il a la nationalité".

Dénoncée par l’opposition comme l’outil d’un "pillage des cerveaux", et d’un "tri des immigrés", la mesure avait été largement médiatisée. Plus d’un an après sa création par la loi du 24 juillet 2006 et sept mois après la parution du décret d’application du 22 mars 2007, aucune carte de séjour portant mention "compétences et talents" n’a encore été délivrée.

"La mise en application a simplement été repoussée"

Au ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, l'attachée de presse Nadia Angers-Diebold est chargée de porter la parole officielle:

"Je ne parlerai pas de retard, le terme ne me semble pas exact. La mise en application a tout simplement été repoussée dans le temps. Il a fallu adapter le décret d’application à la création d’un nouveau ministère. Monsieur Hortefeux a aussi souhaité se rendre dans plusieurs pays pour signer des accords concertés de flux migratoires. Tout cela prend du temps."


"Moins d’un an et demi pour mettre en place une mesure de ce type, c’est plutôt très bien", assure Elsa Hervy, membre du cabinet de Brice Hortefeux. Même son de cloche chez le député Thierry Mariani (UMP, Vaucluse), rapporteur de la loi sur l’immigration 2006. Pour lui, le délai est, certes, regrettable mais s’explique aisément:


Officiellement, la commission chargée de définir les critères de délivrance de la carte n'a pas été mise en place. Définie par le décret du 22 mars 2007, la "Commission nationale des compétences et des talents" doit, à terme, réunir, outre son président, un député, un sénateur, un membre du Conseil économique et social (CES), le président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), et des représentants issus de chaque ministère concerné (Intérieur, Affaires étrangères, Emploi, Economie, Education, Culture, Sports). Avec la création d’un nouveau ministère de tutelle, celui de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, un nouveau décret modifiant la composition de la commission doit être publié.

Depuis le 29 août 2007, la commission a enfin un président: Pierre Bellon, 77 ans, fondateur et ancien PDG de Sodexho. Mais pourquoi les 14 autres membres tardent-ils à être nommés? "Aucune idée", reconnaît Thierry Mariani.

"Un bel exemple de frénésie législative"

Pour la gauche et les associations d’aide aux étrangers, ce délai de mise en œuvre n’a rien d’étonnant. Pour Serge Blisko (PS, Paris), chargé des questions d’immigration pour le groupe socialiste à l'Assemblée:

"C’est un bel exemple de la frénésie législative, il serait même possible de dire de l'obsession compulsive, du gouvernement."


Pour le député Noël Mamère (Verts, Gironde), c’est de l’"enfumage":


Présidente du Gisti, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, Nathalie Ferré y voit un "gadget", outil d’une stratégie de communication bien huilée:







Selon elle, Brice Hortefeux aurait eu du mal à trouver un président pour sa commission:

"En juillet, quand je l’ai rencontré, c’était l’une de ses principales préoccupations. En rigolant, il m’avait d’ailleurs demandé si je ne voulais pas prendre la présidence."


"Avant la fin de l’année"

En fait, la commission est déjà installée. Sans être secret, son démarrage n’a pas été officiel. Même le député Mariani ne semble pas avoir été mis dans la confidence. Mais l’agenda du ministre Hortefeux est formel: à 9h15 lundi 22 octobre, on peut y lire "Installation de la Commission compétences et talents, sous la présidence de M. Pierre BELLON."

Selon nos informations, Brice Hortefeux aurait, ce jour-là, "recadré" les pistes de travail sur lesquelles certains futurs membres et collaborateurs sont déjà en train de plancher. L’installation officielle ne devrait pourtant avoir lieu que début décembre. D’ici là, Pierre Bellon ne souhaite pas s’exprimer sur la question. Et au ministère, personne ne sait rien:

"Nous n’avons pas de délai à communiquer, seulement que le ministre souhaite délivrer les premières cartes avant la fin de l’année."


150 facilitations avec le Congo

Au final, combien d’étrangers pourront bénéficier de la Carte compétences et talents? Le ministère confirme son objectif: faire passer l’immigration professionnelle de 7 à 50% de l’immigration totale. Sans toutefois donner de délai pour l’atteindre.

En déplacement au Congo, Brice Hortefeux vient de conclure un "accord concerté des flux migratoires" qui pose comme principe un seuil maximum de 150 facilitations de demande de Carte compétences et talents chaque année. Un accord de ce type a déjà été signé avec le Gabon et le Sénégal. Celui avec le Bénin est encore en discussion.

Nathalie Ferré rappelle que la Carte compétences et talents n'est qu'un titre parmi d'autres dans l'arsenal juridique pour les étrangers travaillant en France:

"L’objectif de 50% ne passera pas par les délivrances de Cartes compétences et talents. Seule une poignée d’étrangers devraient être concernés. Et pas les sans-papiers qui sont déjà sur notre territoire."


Au Gisti, de mémoire de permanents, seules deux demandes de renseignement ont porté sur la Carte compétences et talents depuis son lancement, il y a plus d’un an… Aucun des requérants ne pouvait y prétendre.

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