mardi, novembre 22, 2005

Sans-Papiers : l'obsession politicienne

Un Dossier de Anne-Laure DE LAVAL, publié le 04/11/2005

La préfecture « ne communique pas » sur le sujet. Impossible d’obtenir les moindres statistiques sur les entrées et reconduites des « étrangers en situation irrégulière » dans le département. De son côté, la direction de la PAF (Police de l’air et des frontières) s’est d’abord montrée disposée à lever le voile sur quelques chiffres et pratiques, mais n'a ensuite pas trouvé le temps de nous rencontrer. Pour en savoir un peu plus sur les « sans-papiers» dans le département, il faut donc aller là où ils sont susceptibles de se rendre, volontairement ou pas...

« Sans-papiers », mais encore ?

La préfecture « ne communique pas » sur le sujet. Impossible d’obtenir les moindres statistiques sur les entrées et reconduites des « étrangers en situation irrégulière » dans le département. De son côté, la direction de la PAF (Police de l’air et des frontières) s’est d’abord montrée disposée à lever le voile sur quelques chiffres et pratiques, mais n'a ensuite pas trouvé le temps de nous rencontrer. Pour en savoir un peu plus sur les « sans-papiers» dans le département, il faut donc aller là où ils sont susceptibles de se rendre, volontairement ou pas. On sait que certains sont refoulés avant même d'avoir pu pénétrer sur le territoire. Ainsi, à l'aéroport de Nice où se trouve une très petite zone d'attente, les étrangers repérés avec de faux papiers peuvent être immédiatement reconduits dès lors qu'ils dévoilent leur véritable identité. Et « beaucoup le font, ignorant qu'il vaut mieux ne rien dire », témoinge un ancien agent de la PAF. Ceux dont on sait qu'ils ont transité par Zurich sont susceptibles d'y être réadmis « dans les deux heures» — en vertu de conventions entre Etats de l'espace Schengen. La plupart d'entre ceux qui sont repérés avec des faux papiers taisent leurs noms et nationalités et sont alors placés en garde à vue. « Les ressortissants des pays africains ont souvent des faux mal faits qu'ils ont payé une fortune. En revanche, nous avons vu des Chinois qui avaient fait de la chirurgie esthétique pour ressembler aux Japonais dont ils avaient le passeport : ces derniers sont intraficables », raconte l'agent. Restent les clandestins que la police « relâche directement à l'aéroport » parce qu'elle sait qu'un passage en garde à vue puis au centre de rétention (voir ci-dessous) n'aboutira pas à la reconduite. « On les largue comme ça, alors qu'ils ne connaissent rien ici et ne parlent pas un mot de Français ». A l'opposé de la police, les structures humanitaires et d'entraide sont amenées à rencontrer les migrants quand ceux-ci savent qu'elles existent. Au-delà des « premiers secours » traditionnels assurés tant bien que mal par les associations (voir encadré), le COVIAM (Comité de vigilance des Alpes-Maritimes) s'est constitué en 1991 afin de gêner l'arbitraire des décisions préfectorales. Plusieurs fois par semaine, des dizaines de « sans-papiers » se pressent aux permanences du Comité pour savoir s'ils sont susceptibles d'être régularisés. Si c'est le cas, les bénévoles du COVIAM les accompagnent dans leurs démarches auprès des services préfectoraux. Mais même dans ce cadre, rien n'est gagné: l'obtention d'une précaire carte de séjour d'un an relève de plus en plus d'une lutte assidue. Le COVIAM peut avoir à représenter plusieurs fois un dossier extrêmement complet parce qu'il manquera toujours une pièce. Par ailleurs, l'écrémage constaté à chaque permanence est révélateur de l'absence d'informations délivrées aux migrants. Beaucoup ont entendu dire que, connaissent quelqu'un qui, mais tombent des nues en apprenant qu'ils ne pourront prétendre à un titre de séjour que dans plusieurs années : par exemple, les célibataires doivent recueillir de dix à quinze années de preuves « officielles » de vie ininterrompue en France ou les couples avec leurs enfants justifier de cinq ans de vie commune sur le territoire. Parfois, le COVIAM tente des régularisations à titre humanitaire, pour de jeunes femmes seules avec leurs enfants ou des personnes complètement isolées au pays. Ou n'essaient rien si ce n'est pas le bon moment : le préfet peut user de mesures de rétorsions à l'encontre de tel migrant dont la demande est jugée abusive. Souvent, des maris et pères travaillant en France depuis plus de trente ans ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas avoir leurs épouses ou enfant à leurs côtés, soit parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent, que leur appartement est trop petit ou parce que leurs enfants sont trop grands. L'incompréhension est la même du côté de jeunes majeurs qui sont nés en France et y ont été scolarisés, ou de personnes qui ont vécu des années en France : avoir quitté le territoire pendant un certain temps leur fait perdre tout droit au titre de séjour. Beaucoup d’entre les « sans-papiers » rencontrés aux permanences travaillent. Certains ont même des bulletins de salaires et paient impôts locaux et sur le revenu. Généralement aussi mal payés que mal logés — quand ils le sont —, figés par la peur de l’uniforme et du lendemain, séparés de leurs proches depuis des années, régulièrement « victimes » d’avocats qui se font rétribuer, une démarche perdue d’avance, endettés quand ils ont fait appel à des passeurs, les « sans-papiers » sont en majorité embourbés dans des situations qu’ils n’imaginaient pas. « Mais, témoigne l’un d’eux, quand on a des années et des kilomètres derrière soi et qu’on a fait les deux tiers du chemin, il est très difficile d’envisager un retour au pays : pour faire quoi là-bas, tout recommencer à zéro une nouvelle fois ? ».

L'errance des demandeurs d'asile tchétchènes à Nice

La situation des demandeurs d’asile n’est guerre plus enviable, quand elle ne se confond pas avec celle de « sans-papiers ». Dans les Alpes-Maritimes, ils s’adressaient jusqu’il y a peu au Service social d’aide aux émigrants (SSAE), aujourd’hui fusionné avec l’Office des migrations internationales (OMI) dans l’Agence nationale d’accueil des étrangers et d’aide aux migrants (ANAEM). Cette union, programmée par la loi Borloo de janvier 2005, fait craindre un transfert de fait par les pouvoirs publics (qui subventionnaient le SSAE) d'une grande part des tâches d’information, d’accueil, d’aide et d’accompagnement social en direction des migrants vers les services sociaux non spécialisés et les associations. A l'heure actuelle, ces dernières sont dans la nébuleuse. Dans le département, les « demandeurs d’asile viennent en particulier de l’Est, constate Elisabeth Grimanelli de la CIMADE : Ukrainiens, Kirghizes, Ouzbeks, Russes, Arméniens et surtout Tchétchènes, et, en moindre proportion, du Nigeria, de la République démocratique du Congo ou encore de Côte d’Ivoire» . Mais tous n’ont pu déposer leurs demandes auprès de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), en premier lieu les Tchétchènes qui ont été inscrits dans les fichiers « Eurodac ». Ce système de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile et des immigrants clandestins est destiné à faciliter l’application de la convention de Dublin afin de déterminer l’Etat européen, responsable de l’examen d’une demande d’asile. Concrètement, les familles tchétchènes qui ont été repérées alors qu'elles transitaient par la Pologne ne peuvent demander l'asile qu'en Pologne. Qu’importe si elles ont poursuivi leur chemin, si la demande qu’elles ont dû déposer n’est que formelle et qu'elle a toutes les chances d’être rejetée. Dans ce cadre, la préfecture des Alpes-Maritimes a pris en mai dernier des arrêtés de reconduite à la frontière pour deux familles ressortissantes de Tchétchénie. En faisant valoir le danger encouru en cas de retour, le COVIAM a réussi à faire suspendre l'application de l'arrêté par le tribunal administratif qui doit encore se prononcer sur le fond. Malgré tout, les familles concernées n'ont toujours pas pu déposer de demandes d’asile en France et n’ont donc, depuis sept mois, « droit à rien : ni hébergement dans un centre de demandeurs d’asile, ni indemnités, ni droit au travail ». Plus généralement, 90 % des refus d’asile prononcés par l’OFPRA, considérée par beaucoup comme une « usine à rejeter », font l’objet d’appels devant la Commission de recours des réfugiés (CRR) qui casse près d’un tiers des décisions prises. C’est dire. « Dans la plupart des cas, les personnes n’ont pas été auditionnées par l’OFPRA. Dans d’autres, elles l’ont été, mais l’Office a rejeté la demande en relevant des contradictions entre l’écrit et l’oral. Pourtant, ce genre de confusion est courant et n’a rien d’étonnant quand on connaît les parcours terribles des demandeurs d’asile », souligne un magistrat de la CRR. Dans la majorité des cas, les refus de l’OFPRA puis de la CRR font entrer les demandeurs d’asile dans la cohorte des « sans-papiers » qui ne peuvent envisager un quelconque retour en arrière. Et qui finiront, après des années de galère, soit par être reconduits de force, soit par obtenir un précaire titre de séjour.

Anne-Laure DE LAVAL

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(1) Les étrangers venant du Maghreb, en particulier de Tunisie, sont parmi les plus nombreux avec ceux des « pays de l’Est » . En revanche, les ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne sont peu représentés dans les permanences du Coviam et dans le département en général.

Total arbitraire des arrestations et reconduites

Il y a moins de deux semaines, alors qu'il vivait depuis dix-neuf ans en France et qu'il pouvait le prouver, qu'il était on-ne-peut-plus « intégré », un Tunisien de 40 ans a été renvoyé dans « son » pays. Pendant cette période, deux jeunes autres Tunisiens ont subi le même sort, alors qu'ils s'apprêtaient à se marier en France. La police qui les avaient convoqués dans le cadre de la traditionnelle « enquête mariage» en a profité pour les placer en garde à vue. Pourtant, non seulement son rôle doit se limiter dans ce cadre à émettre un avis sur la sincérité de l'union, mais, dans les deux cas, rien ne permettait de penser qu'il s'agissait de « mariages en blanc ». « Au contraire, les familles des futurs mariés se connaissaient bien et la véracité des liens ne faisaient aucun doute », atteste Ingeborg Verhagen, intervenante de la CIMADE au centre de rétention de Nice (1). Récemment encore, plusieurs dizaines de ressortissants de Roumanie qui s'étaient construits des habitats de fortune le long de la voie ferrée, à l'entrée du quartier des Moulins et sur les rives du Var, ont été raflés par les agents de la Brigade mobile de recherche (BMR) et reconduits à la frontière. « Du moins ceux, nombreux, qui avaient leurs passeports. Les autres ont été relâchés parce qu'il était sans doute trop fastidieux de demander des laissez-passer consulaires et que le taux de reconduite était satisfaisant », suppose Ingeborg. Depuis un an en général, trois mois en particulier, la CIMADE, dernière interlocutrice « civile » avec quelques rares avocats, des migrants interpellés, constate un durcissement. « Le taux de reconduite des étrangers placés au centre de rétention s'élève à près de 50 % contre 20 à 25 % en général ». A l'heure actuelle, le centre est plein de personnes interpellées à Vintimille. En vertu des accords passés entre certains Etats de l'espace Schengen, ceux-ci ont étés réadmis en France, pays par lequel ils ont transité et à qui incombe la charge de les reconduire. « Il y a parmi eux des Marocains qui ont payé très cher, 5.000 ou 6.000 euros des visas ou des faux papiers et qui ont traversé le détroit de Gibraltar dans les conditions que l'on sait. Egalement des Roumains qui travaillent comme saisonniers en Espagne ou au Portugal et qui retournaient voir leur famille. Une fois reconduits, ils ne pourront plus quitter la Roumanie pendant cinq ans. Par ailleurs, nous avons découvert que certaines des personnes interpellées sont en situation régulière en Italie ». Que ce soit dans le cadre d'opérations « coup de poing » diligentées par le procureur dans différentes zones urbaines ou de procédures plus courantes, les contrôles des étrangers se font « systématiquement au faciès », note la CIMADE : « dans les gares, dans les bus même s'ils ont des titres de transports, dans les voitures même quand ils sont passagers... Tous les prétextes sont bons pour exiger leurs papiers et les embarquer ».

La défense des étrangers bien mal assurée par le barreau de Nice

A l'issue de la garde à vue, les migrants font en général l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et d'un arrêté de placement en rétention, à moins que le parquet ne décide de poursuites. Durant les premières quarante-huit heures de rétention, la CIMADE peut formuler un recours auprès du tribunal administratif (TA) quand elle estime que l'étranger peut prétendre à un titre de séjour. Théoriquement, le jugement doit être rendu dans les 72 heures : si le retenu « gagne » au TA, il est libéré. S'il « perd », il peut faire appel, mais celui-ci n'est pas suspensif. En pratique, la décision de la Cour administrative d'appel intervient bien après la reconduite effective à la frontière. L'étranger pourrait alors revenir en France, « mais encore faut-il qu'il obtienne le visa ». Plus grave encore, le recours devant le TA, non plus seulement l'appel de celui-ci, pourrait bien perdre son effet suspensif, craint Frédéric Rossler, avocat au barreau de Nice, intervenant régulièrement dans le contentieux des étrangers. « Ce qui signifie bien évidemment qu'il n'y aura plus aucun recours possible ! ». Après ces quarante-huit heures, le retenu est présenté menotté au « juge de la liberté et de la détention » (JLD) qui peut l'assigner à résidence, décider de prolonger la rétention de quinze jours (au total, celle-ci ne peut excéder trente-deux jours, contre douze avant la loi Sarkozy) ou le libérer si des irrégularités dans la procédure suivie par la police et dans la saisine préfectorale sont constatées. « C'est là qu'on découvre souvent des choses curieuses », ironise Me Rossler. Au début du mois d'octobre, un agent municipal du Cannet a ainsi largement outrepassé ses prérogatives pour interpeller un étranger sans titre de séjour. Un autre a été signalé par un vigile alors qu'il venait de tester un parfum : son identité a été contrôlée parce qu'il était suspecté de tenter de commettre un vol. De façon plus classique, les interpellations n'ont pas seulement lieu dans les gares où les agents peuvent exiger les papiers, mais « aux abords des gares ». Malheureusement pour les retenus, rares sont les avocats qui ont les compétences ou la volonté de faire valoir ces erreurs de procédure, plutôt courantes. « La défense des étrangers, considérés comme des sous-justiciables, est très mal assurée par le barreau de Nice. Significativement, les avocats évoquent « l'audience des refoulés », alors qu'il s'agit de « retenus ». Il règne un je m'enfoutisme scandaleux » quand ce n'est pire, estime Me Rossler. Si, bien entendu, de jeunes avocats tentent une plaidoirie, d'autres s'en « rapportent systématiquement à la sagesse du juge ». Autrement dit, ne prononcent pas un mot en faveur du « retenu » pour la défense duquel ils sont rémunérés. Même certains juges s'autorisent des propos racistes ou déplacés : « Il y a presque toujours, dans les questions d'immigration, un arrière-fond d'opinions individuelles. On se situe généralement au niveau des discussions du café du Commerce ». Instrumentalisations politiques Une fois reconduits au centre, les retenus ne peuvent être effectivement éloignés qu'à deux conditions : que leur consulat ait délivré un laissez-passer et qu'un moyen de transport soit disponible. Là encore, de multiples autres facteurs interviennent qui n'ont rien à voir avec une quelconque justice. Des consuls délivrent par exemple plus de laissez-passer que d'autres, y compris parfois pour des ressortissants d'autres pays. Parce qu'en échange, ils obtiennent plus de visas pour les leurs, confie Ingeborg Verhagen. Pour les migrants qui ont présenté leurs passeports ou dont les familles les ont confié à la police en pensant bien faire, l'autorisation consulaire n'est pas nécessaire. « Le gouvernement pond des lois drastiques pour stigmatiser les immigrés, mais ne les accompagne d'aucun moyen supplémentaire. De ce fait, la volonté effective de reconduire plus d'étrangers aux frontières s'effectue sur les critères de facilité : on prend les gens au réveil au centre de rétention quand la CIMADE n'est pas là et on reconduit ceux qui ont eu la malchance d'être honnêtes ou de céder aux chantages et propos séducteurs de la police », analyse Me Rossler. Une « instrumentalisation de la justice par le politique » d'autant plus évidente que l'on se souvient de la descente effectuée l'année dernière par la police dans un foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer. Le tribunal correctionnel de Grasse avait ordonné une commission rogatoire pour « vols, recels et trafic de stupéfiants » qui s'était soldée par l'arrestation de cent vingt étrangers en situation irrégulière. « Dans le train qui devait les conduire en garde à vue, il n'y avait qu'une cinquantaine de places. Tous les autres ont donc été laissés libres. Puis, au centre de rétention, la moitié a dû être libérée parce qu'il ne restait que vingt-six places ». Au final, « il n'y a eu aucune reconduite : personne n'avait de passeports et il y avait trop de vérifications à faire ». Mais le quotidien local avait évoqué l'essentiel, « l'interpellation de cent vingt étrangers en situation irrégulière ».

Al. L.
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(1) Le centre de rétention administrative de Nice, parfois appelé « hôtel des Etrangers» est situé dans l'enceinte de la caserne Auvare, à Nice. La CIMADE y est autorisée à intervenir auprès des étrangers depuis 1986.

Parmi tant d'autres histoires...

Vedran a fui la Bosnie-Herzégovine après la guerre à laquelle il avait participé contre les Serbes dès l'âge de 17 ans. Avec 50 euros en poche, il est parvenu à pied en Italie, puis en France où il ne voulait que transiter. Mais ici, il a rencontré sa future épouse, alors juste arrivée de Bulgarie et mise sur le trottoir par les « amis » qui lui avaient promis du travail en France. Ensemble, ils ont eu un enfant que Vedran a reconnu avec son seul papier prouvant son identité : son acte de naissance. Il les a accompagnés à l'ambassade de Bulgarie afin d'autoriser sa femme et le bébé à se rendre en Bulgarie. Puis il a été arrêté par la police à Nice. Parce qu'il avait de faux papiers achetés en Italie, il a été condamné à six mois de prison ferme, et à six mois supplémentaires pour détention d'un briquet provenant d'un vol (lui dit l'avoir acheté), assorti de dix ans d'interdiction de territoire sur tout l'espace Schengen. En prison, où il a attendu huit mois avant d'être jugé, il a appris qu'il pouvait déposer une demande d'asile. Celle-ci a été rejetée, parce que l'OFPRA, qui reconnaît la véracité de son engagement dans la guerre, affirme qu'il ne craint plus rien. Lui se sait menacé en Bosnie où des familles attendent de venger leurs morts. Devant la police il a joué franc jeu en donnant sa véritable identité et en demandant d'être envoyé en Bulgarie auprès de sa femme. Refusé. Pour autant, le consulat de Bosnie ne reconnaît pas Vedran qui avait déjà des problèmes d'identité là-bas, du fait notamment que sa mère est Serbe. Du coup, après un an de prison et un passage au centre de rétention, on se rend compte qu'il ne peut être expulsé, mais n'est pas autorisé à séjourner sur l'espace Schengen... Il ne peut pas non plus faire revenir son bébé avec sa femme de Bulgarie parce qu'il lui manque un document officiel avec sa photo pour prouver qu'il est le père. Depuis, Vedran fait appel de la décision de l'OFPRA devant la Commission de recours des réfugiés.
O. a voulu que son épouse, toujours au Sénégal, le rejoigne légalement en France. Pendant un an, il a sagement attendu la décision qui ne venait pas. Sa femme étant tombée enceinte entre-temps, il a pressé les services préfectoraux afin qu'elle puisse accoucher en France en signalant que dans l'hôpital de ville où résidait sa femme, plusieurs enfants étaient morts peu de temps après leur naissance. Rien n'a été fait. L'enfant est mort à l'hôpital. Son épouse a alors immédiatement eu l'autorisation de rejoindre enfin O.

C., jeune garçon, était en France depuis l'âge de 13 ans. Très malade, il devait subir trois dialyses par semaine. Il a dû patienter deux ans pour obtenir la carte délivrée aux étrangers malades. A l'hôpital pourtant, les médecins n'attendaient que cela pour pouvoir lui faire une greffe de reins pour laquelle il était en liste d'attente prioritaire.

Madona s'est échappée de Georgie en 1999 où son beau-frère a été assassiné d'une balle dans la tête, son mari a été porté disparu et où le KGB est venue la harceler jusqu'à la veille de son départ. Sa mère, 65 ans et sa fille, 13 ans, l'ont rejointe plus récemment. L'OFPRA a refusé de lui accorder l'asile et n'a pas accepté de la recevoir en entretien. La Commission de recours également. Son dossier a été rouvert, puis encore rejeté. Il est actuellement à nouveau devant la Commission de recours. Le 20 octobre dernier, elles ont été mise à la porte de l’hôtel qu’elles occupaient et sont à la rue : la DDASS ne paie plus leur hébergement. La grand mère, atteinte d’un cancer, est pour l’instant hospitalisée à Lacassagne : la préfecture ne lui a toujours pas délivré de carte de séjour d’un an. Cette semaine, plusieurs associations se mobilisent afin que la préfecture et la DDASS assument leurs responsabilités.

« Le migrant est uniquement considéré sous l’angle d’un flux migratoire qu’il faudrait endiguer »

Entretien avec Marie Duflo, membre du bureau du Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés, le GISTI.

— Dans quel contexte a été adoptée l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers en France ?

« L’ordonnance a été adoptée à une période où la France avait la volonté de faire venir des immigrés. Il s’agissait de réguler l’immigration, mais tout s’est fait dans une relative anarchie. Dans les années 1960, les étrangers devaient théoriquement passer par des procédures d’introduction des travailleurs. Dans la pratique, ils venaient puis régularisaient leurs situations sur place. En fait, la législation a suivi les changements des besoins économiques français. A partir du choc pétrolier de 1974, les choses se sont durcies avec la suspension officielle de l’immigration de travail. Dès lors, la liberté de circulation étant réduite pour les travailleurs immigrés, ceux-ci étaient bloqués trop longtemps seuls en France. Un peu paradoxalement donc, en même temps que l’on fermait les frontières aux travailleurs étrangers, il est devenu urgent de les entrouvrir à leur famille. »

— A partir de la « loi Bonnet » du 10 janvier 1980 qui est la première à modifier l’ordonnance de 1945, les gouvernements ne vont jamais cesser de la réformer à chaque changement de majorité. Peut-on pour autant dire qu’il y eu des politiques de droite et de gauche en matière d’immigration ?

« Affirmer qu’il y a des politiques différenciées est un peu optimiste… La loi de 1984 accordant très largement une carte de séjour de 10 ans avec choix libre du travail sur les critères de vie privée et familiale marquait une réelle avancée. Mais nous sommes globalement dans une pente descendante, avec certaines remontées au début des gouvernements de gauche, et un fléchissement vers le bas à la fin. Bien entendu, la descente est plus accentuée avec la droite : les lois Pasqua ou Sarkozy sont plus violentes que la loi Joxe. La loi Chevènement de 1998 a par exemple réintroduit des cartes de séjour « vie privée et familiale » supprimées par Pasqua qui sont presque les seules que l’on peut obtenir par les temps qui courent. Mais ce sont, selon la loi de 1998, des cartes temporaires d’un an : c’est mieux que la loi « Pasqua de 1993 mais beaucoup moins bien que la loi de 1984. Malheureusement, la gauche a manqué l’occasion d’avoir une vraie pensée originale sur l’immigration. Même au Parti communiste, où il y a de vrais engagements individuels de militants, le thème est loin d’être parmi les plus porteurs. Or, il est grand temps de faire face à la campagne extrêmement forte et xénophobe qui a cours actuellement. »

— La loi Sarkozy sur l’immigration se situe-t-elle dans la tradition des politiques de droite en la matière ou est-elle plus répressive encore ?

« Elle est dans la continuité, mais en pire. Plus répressive par le renforcement du fichage, des durées de la rétention, des sanctions pour les sans-papiers. Obsédée par l’étranger « fraudeur », fraude a priori supposée de l’état civil, du mariage mixte, de la paternité… En même temps, la loi du 10 décembre 2003, multipliait les obstacles au droit d’asile. « Une loi « Sarkozy 2 » est annoncée pour 2006, accentuant, pour les étrangers, les obstacles à l’accès aux droits fondamentaux par exemple sur le plan de la nationalité. « Faire remettre en cause le droit du sol par un ministre d’Outre-mer n’est pas innocent. François Baroin a joué sur le mythe de la femme comorienne qui viendrait accoucher en France d’un enfant immédiatement français. C’est absolument faux, mais ce genre de propos laisse toujours des traces. Il y a ainsi dans l’air une volonté gouvernementale de tester des restrictions à la nationalité et une nouvelle accélération des démarches de demandes d’asile dans les DOM d’abord, avant de généraliser à l’ensemble du territoire. »

— On a beaucoup dit que la loi Sarkozy abrogeait la double peine. Est-ce le cas ?

« Ce fut un coup de génie de M. Sarkozy qui a largement ouvert la voie au vote de la loi du 26 novembre 2003. Lors du débat parlementaire, il a fait applaudir par l’assemblée nationale unanime la « suppression de la double peine » qui ajoute pour les étrangers à une condamnation pénale une interdiction de territoire français. Personne n’avait apparemment lu cette partie de la loi. La double peine n’est en effet supprimée que pour cinq catégories d’étrangers « presque français » (1). Pendant une période transitoire d’un an qui a pris fin en décembre 2004, certains étrangers qui avaient été frappés par la double peine avant le vote de la loi ont pu déposer des demandes d’abrogation. Seuls quelques dossiers « béton » ont pu passer, du type de ceux qui ont été les plus médiatisés lors de la campagne contre la double peine. Au quotidien, celle-ci est maintenue dans la plupart des cas. « Nicolas Sarkozy prévoit-il de renouveler ce coup de génie ? Annonçant dans le Monde du 24 octobre la « loi Sarkozy 2 », il se déclarait favorable au vote des étrangers en situation régulière depuis 10 ans. Encore une grande cause que les gouvernements et les partis de gauche ont été incapables de porter ! Vont-il bientôt applaudir Sarkozy 2 pour un droit de vote pour des étrangers « presque français » et laisser passer la nouvelle loi ? »

— L’intégration est-elle une condition pour obtenir le séjour, et qu’en est-il des « contrats d’intégration » que peuvent signer les nouveaux arrivants ?

« L’obligation d’être « intégré » – notion extrêmement vague - conditionne aujourd’hui, pour certaines catégories d’étrangers, l’obtention de la carte de résident de 10 ans qui était jusque là accordée de plein droit. De fait, les étrangers sont là encore soumis au pouvoir discrétionnaire des préfets qui en délivrent de plus en plus difficilement. Les facteurs sont inversés : on précarise les étrangers en leur demandant de s’intégrer avant d’avoir un droit au séjour durable alors que l’on sait qu’une situation stable sur le territoire est une condition essentielle d’intégration ! L’intégration comme chantage au séjour est inacceptable. « Avec les Contrats d’intégration, l’un des problèmes est que l’on oblige les étrangers à suivre des cours d’apprentissage du français dès leur première carte de séjour. Certes, l’enseignement du français est important. Pourtant, les enseignants constatent que c’est souvent plus tard, en particulier pour les femmes, que les migrants ressentent le besoin d’apprendre la langue. Or, le contrat d’intégration a dépouillé les moyens d’alphabétisation à des moments choisis par les étrangers au bénéfice de ce moment unique. »

— La loi Sarkozy est-elle inspirée par la politique européenne en matière d’immigration, et quelle est cette politique ?

« Il n’y a plus de politique française d’immigration qui ne soit en même temps européenne. La tendance est la même : le migrant est uniquement considéré sous l’angle d’un prétendu flux migratoire qu’il faudrait endiguer. Dans le texte de constitution européenne, l’immigration était traitée dans le chapitre « espace de liberté, de sécurité et de justice » qui traitait aussi de la délinquance et du terrorisme. C’est significatif. « Les directives européennes sur l’immigration - par exemple sur le regroupement familial et les résidents de longue durée - et sur l’asile ont toutes procédé par va-et-vient avec les politiques nationales. Les premiers jets étaient en général assez positifs par rapports aux situations nationales. Mais après des négociations au couteau entre les Etats, et parce que les directives imposent des normes minimales, les textes adoptés l’ont été au dénominateur commun plus bas de tous les Etats. M. Sarkozy a joué de cela pour abaisser certaines normes françaises. « Plus encore qu’avec les directives, il y a une grande influence au niveau des pratiques, avec la volonté de reléguer les migrants aux frontières de l’Europe et de sous-traiter avec les pays voisins les contrôles frontaliers. »

— Des charters européens sont-ils déjà partis ?

« Le principe en a été adopté au niveau du G5 réuni début juillet à Evian, pas encore au niveau de l’Union européenne... Depuis, un charter est parti fin juillet vers l’Afghanistan, et un autre, affrété par l’Espagne, l’Italie et la France a été envoyé en Roumanie en septembre. Au-delà des charters, les enjeux chiffrés de M. Sarkozy pour plus de refoulements font que, tous les jours, nous assistons à des rafles au faciès aux sorties de métro sous prétexte de contrôles de papiers et à des évacuations de logements au prétexte qu’ils sont insalubres. »

— Qu’en est-il de la liberté de circulation pour les étrangers en situation régulière sur le territoire Schengen ?

« Elle est limitée. Si quelqu’un a par exemple un permis de séjour en Italie, il peut venir en vacances en France mais pas plus de 3 mois et sous conditions de ressources. La liberté d’installation dont jouissent les ressortissants de l’UE ne vaut pas pour les extracommunautaires. »

— Y a-t-il des textes sur lesquels s’appuyer pour démontrer le déni de droits universels par certains aspects de la politique européenne sur l’immigration ?

« Oui. Par exemple, on oppose la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui fonde le statut de réfugié à la nouvelle notion de « pays sûrs » (les demandeurs d’asile ressortissants de pays classés comme sûrs font l’objet d’une « procédure prioritaire » qui les prive de l’admission au séjour et dont le déroulement accéléré abouti presque toujours à un refus. NDLR.) qui est absolument contraire à la conception individuelle du droit d’asile. « La Convention européenne des Droits de l’homme est aussi invoquée dans les cas d’expulsions collectives comme par exemple celle qui a eu lieu en Octobre dernier de l’île italienne de Lampedusa vers la Libye ; au moins un millier de personnes ont été alors renvoyées sans même que leur nom ait été relevé. « On s’appuie aussi sur la Convention internationale des Droits de l’enfant, par exemple sur les critères extrêmement restrictifs du regroupement familial tant en France que dans la directive européenne qui lui est consacrée. Cette convention peut aussi être invoquée au sujet des décisions de refoulement qui séparent un enfant de l’un de ses parents. « Ce sont des textes que nous pouvons invoquer en recours contentieux et dans les démarches auprès du préfet.... mais dans ce dernier cas, cela marche rarement. »

— Que pensez-vous du « Réseau éducation sans frontières » (RESF) ?

C’est une très bonne chose. Le Réseau s’est constitué de façon autonome en juin 2004 avec des professeurs, des parents d’élèves, des syndicats, pour dénoncer des situations qu’ils n’avaient jusque là jamais rencontrées : comme le fait que la police vienne chercher les enfants à l’école pour tendre des pièges aux parents ou les éloigner avec eux. Ces nouvelles pratiques sont absolument terribles. RESF soulève aussi les situations d’enfants qui savent qu’ils n’auront pas de papiers à 18 ans, ou qui ont une vie difficile parce que leurs parents ne sont pas en situation régulière. Le fait de parler des enfants émeut des personnes que le droit général des immigrés touchait moins, et c’est tant mieux. »

— Que serait pour le GISTI une véritable politique d’immigration ?

« Quand les gens veulent venir, quand ils affrontent les multiples protections policières de l’« Europe forteresse » au péril de leur vie, il est absurde de ne penser qu’à élever les murailles ou approfondir les fossés comme on le fait actuellement autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Les migrants vers l’Europe ont de multiples raisons fortes d’entreprendre ce voyage. « La libre circulation des personnes éviterait beaucoup de morts. Il faut aussi savoir que les migrants ne rêvent pas tous de s’installer durablement en Europe mais peuvent avoir envie de venir voir ce qu’il s’y passe, comme tout Français a le droit de le faire là où il veut. En ne pensant qu’aux barrières, on rend impensable, après un voyage aussi périlleux, de quitter le pays où l’on est arrivé. « En renforçant ensuite les difficultés à obtenir un statut régulier, on fabrique des sans-papiers exploités et privés de droits essentiels. En multipliant les emplois précaires pour étrangers — sans-papiers, travail saisonnier ou temporaire — on renforce la dépendance des étrangers vis-à-vis de leur employeur au détriment du droit du travail. La liberté d’installation est la seule manière de défendre le droit des gens, le droit du travail et même l’intégration dont on parle tant. « C’est pourquoi le GISTI prône la liberté de circulation et d’installation pour tous… »

Propos recueillis par Anne-Laure DE LAVAL
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(1) La peine d’interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsque est en cause : Un(e) étranger(e) qui prouve vingt ans de présence en France. Un(e) étranger(e) qui prouve dix ans de présence en France, marié depuis au moins trois ans à un(e) Français(e), à condition que le mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n’ait pas cessé. Un(e) étranger(e) qui prouve dix ans de présence et établit assurer l’entretien et l’éducation de son enfant mineur français. Un(e) étranger(e) titulaire d’une carte de séjour pour une maladie d’une extrême gravité qui ne peut être soignée au pays d’origine.

Situations critiques au quotidien

Au niveau national, il y a environ 13.500 places en CADA (Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile) pour 60.000 demandeurs d’asile. Localement donc, la crise est sévère. Seules quelques familles, dans les situations les plus catastrophiques, peuvent être hébergées en CADA. Les célibataires ont peu de chance d’y accéder et peu de places sont de toute façon prévues pour eux. Au cours de l’été, Nicolas Sarkozy, toujours lui, a exigé que l’on expulse des CADA les demandeurs qui avaient obtenu le statut de réfugié, alors que chacun sait qu’ils ne pourront jamais trouver à se loger immédiatement, a fortiori dans notre département. La DDASS, qui a encore perdu des budgets, a alors envoyé aux associations gérant les CADA des listes de personnes à expulser. Quand les associations ont fait suivre la lettre aux familles en leur demandant de quitter les lieux, la révolte a été immédiate. « Aujourd’hui, témoigne une jeune femme travaillant dans une des associations, on ne paie même plus l’hébergement en hôtel de certaines familles. Elles vont devoir se débrouiller seules, sans rien. » La récente réforme de l’AME (Aide médicale d’Etat) a par ailleurs entravé l’accès aux soins des « sans-papiers » qui doivent prouver trois mois de présence en France pour y accéder. Or, comme toujours, les migrants ont quelques difficultés à présenter des documents « officiels » attestant de leur présence puisqu’ils se maintiennent volontairement dans l’ombre. « Nous n’avons parfois aucune solution pour des personnes. Nous leur faisons alors une attestation de présence et leur demandons de revenir trois mois plus tard », explique Sandrine Babé, assistante sociale à « Médecins du monde ». La circulaire du 16 mars 2005, adoptée sous la pression européenne, a organisé la prise en charge directe des soins urgents dont peuvent bénéficier les « sans-papiers » non bénéficiaires de l’AME : les IVG, les grossesses, les soins aux mineurs et les soins considérés comme impérieux par le médecin hospitalier. Pour ce qui concerne le travail, on sait que les migrants trouvent facilement à s’employer dans la région, en particulier sur les chantiers pour les hommes. Outre qu’ils sont logiquement fort mal payés, ils ne le sont souvent pas du tout, ou à moitié, ou en dix fois... Ainsi, au centre de rétention, les intervenants de la CIMADE tentent fréquemment, souvent vainement, d’intervenir auprès des employeurs pour récupérer des salaires non versés. « Aussi, affirme Ingeborg Verhagen, après des descentes sur des chantiers où se trouvent des travailleurs clandestins, les employeurs ne sont jamais inquiétés. En revanche, les « sans-papiers » sont, eux, placés en rétention. » Et il en va exactement de même pour les prostituées, généralement originaires des pays de l’Est : « Jamais, nous n’avons vu un client arrêté ». Bien pire, les témoignages concordants de plusieurs « retenus » font apparaître un univers souterrain où pressions et corruption sont omniprésents. Souvent, les fonctionnaires de plusieurs ministères sont directement mis en cause.

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