PARIS, 16 février 2007 (APM) - Trois étrangers malades, un Comorien et deux Géorgiens, ont été expulsés malgré l'avis du médecin inspecteur de santé publique (Misp) depuis le début de l'année 2007, suscitant l'indignation de plusieurs associations contre le ministère de l'Intérieur, a-t-on appris jeudi.
La loi Chevènement du 11 mai 1998 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire (CST) pour un étranger résidant en France et "dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement dans le pays dont il est originaire", rappelle-t-on.
Dans ce cadre, c'est le préfet qui décide de l'octroi de la CST, après avis du médecin inspecteur de santé publique (Misp) qui se prononce à partir d'un rapport médical relatif à l'état de santé de l'étranger requérant, établi par un praticien hospitalier ou un médecin agréé. Outre l'évaluation des besoins thérapeutiques du patient, l'avis doit préciser s'il peut ou non bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine.
Dans un communiqué, l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), collectif regroupant plusieurs associations (Aides, Act Up-Paris, Médecins du Monde...), détaille le parcours de deux Géorgiens et d'un Comorien expulsés depuis le début de l'année. Seule la pathologie d'un seul d'entre eux, l'hépatite C de Monsieur J, géorgien, est indiquée.
Dans aucun des cas, l'avis des Misp, qui selon l'ODSE faisait part "des conséquences exceptionnellement graves d'une expulsion", n'a été suivi par les préfectures (Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Ain), ce que le directeur du Comité médical pour les exilés (Comede, membre de l'ODSE), le Dr Arnaud Veïsse, interprète comme un signe "extrêmement inquiétant".
"Ce sont des situations franchement nouvelles", considère Marie Hénocq de la Cimade (association membre de l'ODSE). Elle reconnait qu'il y a déjà eu des expulsions d'étrangers malades, mais avant même que les Misp aient pu être saisis. Ces trois décisions, prises malgré l'avis du médecin inspecteur, seraient "des premières".
Contactée par l'APM, la préfecture de Seine-Maritime, qui a décidé de l'expulsion de Monsieur J, considère que "l'hépatite C se soigne en Géorgie, donc l'éloignement n'est pas contre-indiqué".
Pour Marie Hénocq, la question n'est pas tant celle de "l'existence du traitement" dans le pays d'origine que de "l'accès effectif" aux soins, qui selon les associations demeure en Géorgie plus réduit qu'en France.
"D'un point de vue formel, le préfet a le dernier mot", indique Arnaud Veïsse, l'avis étant consultatif. Mais il est toutefois "motivé par des éléments médicaux dont le préfet ne dispose pas", celui-ci n'ayant en effet pas accès au dossier médical, explique Marie Hénocq.
Dans son communiqué, l'ODSE estime que "le ministère doit organiser sans délai le retour en France de ces malades illégalement éloignés".
Contacté par l'APM, le ministère de l'Intérieur n'a pas souhaité réagir, indiquant que la décision d'expulser était du ressort des seules préfectures, lesquelles sont sous sa tutelle, rappelle-t-on. Le ministère ne se charge que de "l'exécution de décisions administratives", en l'occurrence la reconduite dans le pays d'origine.
En novembre 2006, une circulaire du ministère de l'Intérieur avait déjà redéfini certaines des règles du maintien des étrangers malades, durcissant les modalités de maintien de ces personnes (cf dépêche APM RLJK9004).
Au vu de ces expulsions, ce texte, finalement abandonné sous la pression des associations, serait "appliqué de manière officieuse", considère Arnaud Veïsse.
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