Tableau sans complaisance d'une « France terre d'accueil » pas très hospitalière
ÉNIBLE impression de déjà vu, déjà entendu. Une voiture en flammes dans une cité ; un jeune homme qui dénonce l'oppression sociale dans les quartiers déshérités et les descentes de policiers arme au poing ; un enfant beur qui se résigne à lâcher : « On ne peut rien dire, on n'est pas dans notre pays », face aux insultes racistes d'un autre garçon.
Ces images, qu'on a cru découvrir avec la prétendue flambée de l'insécurité qui a marqué la campagne pour l'élection présidentielle de 2002, ne sont pas extraites des journaux télévisés de Jean-Pierre Pernaut, mais bel et bien des actualités de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Si Jean-Michel Gaillard, Stéphane Khémis et Olivier Lamour les ont choisies pour illustrer leur documentaire, intitulé Immigration, 30 ans d'illusions 1974-2005 (produit par MK2 TV avec la participation de France 5), c'est pour montrer que rien n'a véritablement changé depuis. Constat sans nuance, mais également sans appel, sur les différentes politiques d'intégration mises en oeuvre au fil des trois dernières décennies.
De la fermeture des frontières décidée en 1974 par le président Valéry Giscard d'Estaing à l'ouverture contenue des portes de l'Institut d'études politiques de Paris aux jeunes des zones d'éducation prioritaires (ZEP), les trois auteurs relatent les affres d'une politique d'immigration à court terme, désormais relayée par celle de la « forteresse Europe ». Ce réquisitoire accablant n'épargne pas même l'action de SOS-Racisme, créée en 1985, que le sociologue Saïd Bouamama accuse d'avoir étouffé les revendications égalitaires des minorités en institutionnalisant un discours moral déculpabilisant.
A travers les mots de Salem Bergouch, élève tout juste reçu à Sciences-Po, et de ses neuf frères et soeurs, Jean-Michel Gaillard, Stéphane Khémis et Olivier Lamour donnent toutefois à voir « l'autre côté » du miroir, celui de ces enfants nés en France que l'on désigne toujours comme des étrangers. Celui où l'espoir ne s'est pas totalement évanoui, où l'on croit en l'accès à l'éducation pour pallier les inégalités. Loin de cette France « black-blanc-beur » qui a relancé les illusions et les craintes en 2002, Salem incarne le désir d'une France « bleu-blanc-rouge » égalitaire, dans laquelle il ne serait plus question d'intégration pour les Français « issus de l'immigration ».
Sandrine Darré
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