Avec le traité constitutionnel, l'union pourra harmoniser les règles d'octroi d'asile
Vingt ans après la signature, le 14 juin 1985, par cinq Etats membres (Allemagne, Belgique, France, Luxembourg et Pays-Bas) des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes auxquels se sont joints ultérieurement d'autres pays, le traité constitutionnel européen va-t-il marquer l'avènement d'une véritable politique européenne commune en matière de contrôle aux frontières, d'asile et d'immigration ?
Les intentions sont là. Le traité qualifie clairement les politiques relatives à ces domaines de « politiques communes ». Qui dit politique commune dit responsabilité commune. La Constitution énonce comme règle générale le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités, y compris pour les implications financières (article III-268), alors que le titre IV du traité d'Amsterdam ne prévoyait le principe du « partage du fardeau » que pour l'accueil des réfugiés et des personnes déplacées en cas d'afflux massif.
Du côté des procédures, la nouveauté est aussi au rendez-vous. La procédure législative ordinaire est généralisée à l'ensemble des politiques d'asile et d'immigration. Parallèlement, la règle de la majorité qualifiée est étendue à ces matières. Pour Sophie Garcia-Jourdan, docteur en droit et auteur de l'ouvrage L'Union européenne face à l'immigration, édité par la Fondation Robert-Schuman, cette nouvelle législation devrait donner une impulsion à l'Union européenne (UE) qui peine à faire émerger une politique d'immigration commune tant le sujet touche les sensibilités nationales. « Dans ce domaine, la règle de l'unanimité n'a quasiment généré que des normes minimalistes à la portée très affaiblie », considère cette juriste. « Beaucoup de mesures qui tendaient à une harmonisation européenne se sont heurtées à des divergences entre Etats membres et n'ont pas abouti. » La Constitution pourrait contribuer à débloquer certains dossiers.
Au-delà des modifications d'ordre général, le traité constitutionnel introduit des nouveautés pour chacun des aspects de l'immigration. Au chapitre du contrôle des personnes aux frontières, le changement le plus important est la consécration de la notion de « système intégré de gestion des frontières extérieures ». Mis en place « progressivement », cet objectif pourrait aboutir à la création d'un corps européen de gardes-frontières chargé d'appuyer l'action des autorités nationales.
Dans le domaine de l'asile, l'objectif d'un « système européen commun » figure désormais dans la Constitution. L'Union pourra donc harmoniser ses règles d'octroi de l'asile et sortir d'un dispositif complexe fait de juxtaposition de règles nationales.
Enfin, en matière d'immigration, les apports les plus importants concernent les ressortissants en séjour régulier : l'Union pourra adopter des mesures d'encouragement et de soutien à l'intégration des immigrés, à l'exclusion de toute harmonisation des législations nationales. Seul couac dans une partition jouée à l'unisson, le texte de la Constitution réaffirme que les Etats membres conservent leurs compétences pour décider du nombre d'admissions de ressortissants en provenance de pays tiers, à des fins d'emploi. Un bémol important, voulu par l'Allemagne, qui pourrait entacher les espoirs mis pour l'instant sur le papier d'une véritable politique européenne commune d'immigration.
Le Monde, du 19.04.05
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