La commission pour la croissance prône l’ouverture des frontières.
Libération : vendredi 11 janvier 2008
Ouvrir grande la porte de la forteresse France aux travailleurs étrangers, telle serait, selon le Figaro d’hier, l’une des propositions phares du rapport que Jacques Attali rendra le 23 janvier au chef de l’Etat. Entouré d’une quarantaine de personnalités, dont Yves de Kerdrel, éditorialiste au Figaro, l’ancien sherpa de François Mitterrand phosphore depuis le 30 août sur les moyens de redynamiser l’économie française.
Contre-pied. Cette libéralisation de l’immigration se justifierait par la nécessité de «faire face à un marché du travail en tension». Mais pas seulement. Selon les membres de la commission, «l’immigration, facteur de développement de la population, est en tant que telle une source de création de richesse, donc de croissance».
Pour Hervé Le Bras, autre personnalité associée à ces travaux et directeur du laboratoire de démographie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, cette proposition prend l’exact contre-pied de la politique très restrictive menée par Nicolas Sarkozy : «Dans notre rapport, il n’y a aucun élément d’ordre répressif, tout est entièrement basé sur l’ouverture.»
Officiellement, le Président entend faciliter, lui aussi, l’immigration de travail. Il ambitionne de la faire passer de 7 % aujourd’hui à 50 %. Attention, il ne s’agit pas de faire entrer en France n’importe quel travailleur étranger. Mais de sélectionner les immigrés, selon leur profession et leur origine géographique. Deux listes de métiers «en tension» ont déjà été établies, l’une répertoriant les professions ouvertes aux ressortissants des nouveaux états membres de l’Union européenne, l’autre à ceux des pays tiers. Un article de la loi Hortefeux votée en novembre ouvre des possibilités de régularisation aux sans-papiers occupant un emploi, mais uniquement dans des secteurs «tendus» (bâtiment, restauration…). Mardi, lors de ses vœux à la presse, le chef de l’Etat a promis d’aller «jusqu’au bout d’une politique fondée sur des quotas». S’agit-il de quotas par nationalité ? Sarkozy n’a pas été plus précis. En septembre, il avait annoncé des quotas «par régions du monde», ce qui nécessiterait une modification de la Constitution.
Pour l’heure, le détail de la proposition de la commission Attali sur l’immigration n’étant pas connu, il est difficile d’évaluer jusqu’à quel point sa philosophie diffère de celle de Nicolas Sarkozy. A titre personnel, Hervé Le Bras ne mâche pas ses mots. Pour lui, les listes des métiers ont été «établies de façon extraordinairement arbitraire. Hortefeux s’est contenté de faire un recensement des offres d’emploi de l’ANPE».«J’ai été stupéfait de voir ces listes apparaître, poursuit-il. Je ne les avais jamais vues passer dans aucun circuit statistique ou scientifique.» Plus fondamentalement, «l’immigration choisie, c’est stupide, affirme-t-il.Ce n’est pas la France qui choisit les migrants qu’elle veut accueillir. Ce sont les migrants qui choisissent les pays où ils veulent aller.»
«Camouflage». Lors de la même intervention, le chef de l’Etat a émis un autre souhait, apparemment sans rapport : que le «préambule de notre Constitution soit complété pour garantir l’égalité de l’homme et de la femme, pour assurer le respect de la diversité, pour rendre possibles de véritables politiques d’intégration». Simone Veil a été chargée de rédiger un projet de texte. Pour Patrick Weil, chercheur au CNRS, il y a un lien évident entre la «mission Veil sur l’intégration et celle d’Hortefeux sur les quotas».«La mission Veil est un camouflage de la mission Hortefeux, s’insurge-t-il. D’un côté, on fait des bons sentiments, de l’autre on instaure des quotas. On va échanger de la discrimination positive contre de la discrimination à l’entrée. On va dire aux partisans des statistiques ethniques : "On vous soutient si vous nous soutenez lorsqu’on empêchera les Noirs et les Arabes de venir."»
Pour l’heure, l’unique réaction à la proposition de la commission Attali est venue de Jean-Marie Le Pen. Le président du FN a demandé hier à Nicolas Sarkozy de «désavouer et de dissoudre» la commission, affirmant que «plus de 10 millions d’étrangers se sont installés chez nous en trente ans» et que «cette immigration, principalement d’assistance, est une cause majeure de l’appauvrissement du pays».
Source : http://www.liberation.fr/actualite/societe/303165.FR.php
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