vendredi, juin 30, 2006

Conseils à la Circulaire du 13 juin 2006 sur les familles d’enfants scolarisés


Conseils à la Circulaire du 13 juin 2006 sur les familles d’enfants scolarisés

Source : Réseau d'éducation sans frontière

Depuis l’annonce de la circulaire Sarkozy sur les familles d’enfants scolarisés, de très nombreuses personnes nous interrogent pour connaître leurs chances de régularisation.

Voici à chaud un premier commentaire sur cette circulaire afin d’être en mesure de donner des conseils à ces personnes et d’essayer d’éviter de leur faire courir de trop grands risques.

Il s’agit d’une première réaction qu’il conviendra d’affiner en fonction des pratiques des préfectures que nous observerons dans les prochaines semaines : toutes les préfectures ne réagiront sans doute pas de la même manière et il est possible que les pratiques évoluent au fil du temps.

Il convient déjà de renoncer à toute illusion. Ce n’est pas une circulaire qui entend régulariser massivement les familles sans papier. C’est avant tout une mesure médiatique comme Sarkozy nous a déjà habitué à procéder. Le chiffre de 1000 familles (ou enfants ?) concernés était encore maintenu par Christian Estrosi lors de son intervention au Sénat le 13 juin, malgré l’élargissement apparent des critères. Il semblerait en réalité que les préfets ont déjà sélectionné un certain nombre de dossier — entre autre signalés par les collectifs RESF — et qu’ils ne régulariseront pas beaucoup plus. Les critères volontairement flous et vasouilleux de la circulaire sont faits pour maintenir ce pouvoir discrétionnaire.

La circulaire prévoit 3 mesures :
- la fin de la période de suspension de l’éloignement des familles d’enfants scolarisés
- une aide au retour pour les familles d’enfants scolarisés dont le montant est doublé par rapport au montant habituel
- une possibilité de régularisation exceptionnelle des familles d’enfants scolarisés, si elles remplissent certains critères

Sur l’aide au retour :

Seules les familles en situation irrégulière dont au moins l’un des enfants est scolarisé peuvent prétendre à cette mesure exceptionnelle.
Si la demande est déposée avant le 13 août 2006, le montant de l’aide sera doublé par rapport au montant habituel (par exemple pour un couple avec deux enfants le montant habituel est de 5500 euros, qui est porté à 11 000 euros pendant une période de deux mois).
Si la demande est déposée après le 13 août 2006, on peut supposer que l’aide au retour concernera toujours ces familles mais que le montant alloué sera inférieur

Sur la régularisation exceptionnelle :

Il s’agit d’une mesure ponctuelle pour des dossiers déposés en préfecture avant le 13 août 2006.
De très nombreux critères sont fixés, dont il y a toutes les raisons de penser qu’ils sont cumulatifs. Certains sont objectifs et d’autres extrêmement flous.
Beaucoup de familles ne rempliront pas les conditions, et même celles qui les remplissent ne sont absolument pas assurées d’obtenir une régularisation.

Il faut impérativement déconseiller aux personnes qui ne remplissent pas les critères objectifs de se présenter en préfecture (sauf si c’est pour obtenir une aide au retour) puisque les expulsions de familles d’enfants scolarisés vont reprendre.
Les personnes qui ne doivent pas se présenter sont celles :
- dont l’enfant n’est pas scolarisé depuis septembre 2005
- dont l’enfant n’est pas soit né en France soit entré avant l’âge de treize ans
- dont les parents ne résident pas habituellement en France depuis juin 2004
- qui font l’objet d’une procédure de réadmission « Dublin »

En plus de ces personnes, il convient d’être extrêmement prudent pour ceux qui :
- ont eu un APRF notifié depuis moins d’un an
- ont demandé un réexamen de leur situation qui a été rejeté depuis moins d’un an, surtout si la demande a été déposée sur la base de la circulaire du 31 octobre 2005 (qui prévoyait que lorsque les familles ne remplissaient pas les conditions pour obtenir une carte de séjour mention "vie privée et familiale" il était possible de leur accorder une régularisation exceptionnelle et humanitaire lorsque la famille était intégrée : logement, promesse d'embauche pour les parents, maîtrise du français, scolarisation et suivi éducatif des enfants, sérieux des études). En effet, les critères étant presque les mêmes, si la demande a déjà été rejetée il est probable qu’elle le soit de nouveau.

Ceux qui remplissent les critères objectifs pourront tout de même voir leur demande rejetée, sur la base des autres critères, beaucoup plus flous :
- l’absence de lien de l’enfant avec le pays dont il a la nationalité
- la contribution effective des parents à l’entretien et l’éducation de l’enfant
- la volonté d’intégration de la famille

Sur l’absence de lien avec le pays d’origine :
Il est extrêmement difficile de savoir de quoi il s’agit : des liens familiaux, affectifs…. ?
De plus il est par définition presque impossible de démontrer l’absence de quelque chose.

Sur la contribution des parents à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis sa naissance :
Cette condition existe déjà pour la délivrance d’un titre de séjour aux parents d’enfants français. On peut donc supposer que les exigences concernant les familles d’enfants scolarisés seront a peu près les mêmes que pour les parents d’enfants français. Pour ces derniers, la circulaire du 20 janvier 2004 prévoit« vous veillerez à ce que le défaut de ressources ne soit pas un obstacle à l’admission au séjour du demandeur, dès lors que celui-ci établit par tout autre moyen remplir ses obligations légales en matière de surveillance et d’éducation de l’enfant. En cas de séparation des parents, vous pourrez vous référer utilement, le cas échéant, à la convention visée à l’article 373-2-7 du code civil qui aura été homologuée par le juge aux affaires familiales, par laquelle les parents organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixe le montant de la pension alimentaire. Bien entendu, vous ferez une appréciation pragmatique du critère énoncé par l’article 12 bis 6° lorsque le dossier fera apparaître une communauté de résidence entre l’enfant et le parent qui sollicite la carte de séjour ».
Ainsi, il ne devrait pas y avoir de difficulté majeure pour ceux qui résident avec leurs enfants ; pour les autres au contraire il faudra prouver le lien entre le parent et l’enfant.
Pour la participation à l’éducation, il faudra prouver que le parent passe du temps avec l’enfant : facture téléphone détaillée, billets de train, attestation du pédiatre, de l’assistante sociale, de l’école, des amis, etc…, qui certifient que le parent s’occupe de son enfant
Pour la participation à l’entretien : apporter si possible la preuve de virements bancaires ou de don d’argent, facture pour l’achat de vêtement pour les enfants, de fournitures scolaires, de mobilier…..

Sur la volonté d’intégration de la famille :
- Condition de maîtrise de la langue française : il semble que cette condition ne concerne pas seulement les enfants mais aussi leurs parents. Dans certaines familles cette condition va poser des difficultés importantes
- Suivi éducatif des enfants : il s’agit d’une condition proche de la « contribution à l’éducation de l’enfant »
- Sérieux des études : produire les bulletins si l’enfant a des bonnes notes et si ce n’est pas le cas compléter par des attestations des professeurs insistant sur son assiduité, ses progrès, son comportement…..
- Absence de trouble à l’ordre public

Quelques conseils :

Au regard de ces critères il est impératif de conseiller aux familles de demander aux écoles toutes sortes d’attestations, avant leur fermeture : bulletins de notes, livret scolaire, attestation de scolarité, attestation des professeurs sur le sérieux des études, attestation des professeurs ou des travailleurs sociaux sur le suivi éducatif des parents à l’égard de leur enfant (attestation mentionnant que le parent participe aux réunions organisées entre les parents et les professeurs, qu’il a rencontré l’assistant social de l’école pour faire part des difficultés de son enfant…..).

Il convient de prévenir les familles des risques de rejet de leur demande et des risques d’expulsion qui peuvent découler de ce refus. En effet, si le ministère demande aux préfectures de se prononcer sur la demande de régularisation dans un délai d’un mois et en tout état de cause avant la rentrée scolaire c’est certainement pour pouvoir expulser plus tranquillement pendant l’été.

Pour ceux qui décideront de se présenter en préfecture, quelques mesures de prudence s’imposent : avoir sur soi le numéro de téléphone de la Cimade, du collectif local du Réseau Education Sans Frontières ou de toute autre structure en mesure de se mobiliser et/ou de donner des conseils juridiques ; confier à un proche un double de tout le dossier et le numéro de téléphone de la structure ; si possible être accompagné lors des déplacements à la préfecture ; se présenter à la préfecture avec les enfants (il sera plus difficile pour la préfecture d’éloigner une famille entière plutôt qu’un parent seul).

Après le 13 août 2006 :

Après le 13 août, cette circulaire n’aura plus d’effets.
Il est prévu que la commission nationale d’admission exceptionnelle au séjour créée par le projet de loi sur l’immigration (composée de l’administration, d’élus et d’associations) soit chargée de déterminer des critères de régularisation exceptionnelle pour les familles d’enfants scolarisés.

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