La Grande-Bretagne serre la vis aux immigrants
Source : Cyberpresse.ca
Les beaux jours des immigrants en Grande-Bretagne sont comptés. Dans un climat où l'immigration a le dos large, le gouvernement britannique a décidé de serrer la vis. Que ce soit pour obtenir un permis de travail ou la citoyenneté, les arrivants feront bientôt face à une course à obstacles, avant même d'arriver à la ligne de départ.
C'est l'heure de la collation en ce matin de février à l'école secondaire pour filles Tolworth, dans la banlieue londonienne de Surrey. Des adolescentes trottinent, serrant contre elles leur sac, rose de préférence. Une élève d'origine indienne en tire une autre par le bras. Deux Asiatiques à lunettes discutent discrètement dans un coin.
Le visage culturel de l'école change. Et cela cause de sérieux maux de tête à la directrice, Clarissa Williams. Elle manque de moyens pour répondre aux difficultés d'apprentissage des enfants allophones. Elle reçoit 7000$ des deniers publics pour cette clientèle, alors qu'il lui en coûte 60 000$ par année.
«J'ai dû gratter à droite et à gauche pour trouver cet argent, dit-elle. La semaine dernière encore, nous avons reçu deux nouvelles élèves, une du Sri Lanka et une autre d'origine pakistanaise. On ne peut pas les renvoyer, il faut leur trouver une place. Nos dirigeants ignorent à quel point notre situation est critique.» Mme Williams est aussi vice-présidente de l'Association des directeurs d'école britanniques.
Critique certes, et pas seulement à Surrey. Car dans 1300 écoles au pays, la majorité des élèves ont une autre langue maternelle que l'anglais.
La surenchère
«Des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques», a promis le premier ministre Gordon Brown en septembre dernier. Une telle formule aurait choqué l'opinion publique il y a à peine cinq ans. Plus maintenant.
Autrefois tabou, l'immigration est devenue un sujet chaud. Ou plutôt, les problèmes qui lui sont attribués, à tort ou à raison. Pas une semaine sans que les tabloïds n'accusent les immigrants de voler des emplois ou de recevoir des allocations pour leurs enfants vivant à l'étranger. Près de 70% des Britanniques jugent le gouvernement trop mou en la matière.
Depuis 2004, l'immigration nette oscille autour de 200 000 personnes par année. Et un nombre équivalent de sans-papiers disparaissent dans la nature.
Downing Street a cédé à ce climat de surenchère. Gordon Brown a annoncé le mois dernier qu'il ajouterait quelques haies dans la course à la citoyenneté. Bientôt, il ne suffira plus pour les étrangers de travailler et payer leurs impôts pour obtenir le passeport britannique. Ils devront aussi prouver qu'ils s'intègrent bien à leur communauté, en pratiquant le bénévolat ou en faisant des dons à des oeuvres de charité.
Au pied du mur
C'est toutefois l'adoption d'un système d'immigration à points, semblable à celui du Canada, qui inquiète les défenseurs des immigrants. Les candidats seront admis au pays seulement s'ils obtiennent un nombre suffisant de points. Ceux-ci seront attribués selon l'âge, le revenu, la scolarité et la spécialisation. La première phase, qui vise les immigrants hautement qualifiés, a débuté le 29 février. Le reste du système, touchant d'autres types de travailleurs, sera introduit progressivement au cours de l'année.
L'expert Habib Rahman croit que cette politique est fondée sur des principes racistes. «Ce sont surtout les Indiens et les Africains qui écoperont puisque les Européens n'ont pas besoin de visa pour travailler ici», explique le directeur d'un groupe de pression en faveur de l'immigration, le JCWI.
Pour la majorité des 49 000 immigrants hautement qualifiés déjà au pays, la situation est catastrophique. Car le gouvernement a déjà commencé à appliquer le système de points à ceux qui renouvellent leur visa. Or, selon ses critères sévères, 90% d'entre eux devront plier bagage.
Victor Abegunde en fait partie. Le Nigérian de 37 ans avait quitté un bon poste dans une banque pour repartir à zéro en Grande-Bretagne. Pour démontrer son engagement, il avait vendu sa maison et ses actions.
Après un an au pays, il s'est vu refuser la reconduction de son permis de travail en avril 2007 chez son employeur. Motif? Son salaire de 50 000 $ et ses qualifications n'étaient pas assez élevés.
Sans le sou, le père de famille se sent acculé au mur. «Je me sens trahi par le gouvernement britannique, explique-t-il. J'ai sacrifié tant pour venir ici! Mon ancien employeur au Nigeria ne veut pas me reprendre. Je peux être déporté à tout moment.»
Il garde tout de même espoir. Un groupe de défense des droits des immigrants, le HSMP Forum, tente de démontrer que le gouvernement ne peut pas changer les règles du jeu pour les travailleurs déjà au pays.
Aux yeux de Keith Best, directeur d'un service de consultation juridique pour les immigrants, la Grande-Bretagne glisse vers la xénophobie. «Le débat sur l'immigration est devenu trop émotif, dit-il. Il faut éviter qu'une partie de la population devienne le souffre-douleur national. C'est ce qui était arrivé aux Juifs en Europe, avant l'Holocauste, au début du siècle dernier.»
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