L'immigration, créatrice d'emplois
[ 11/07/07 ]
Les réticences envers l'immigration sont souvent basées sur deux craintes : que les immigrés, main-d'oeuvre supplétive, fassent baisser les salaires de l'ensemble des travailleurs, nationaux compris ; et que par ailleurs, ils augmentent le nombre de sans-emploi dans le pays où ils s'installent.
Ce raisonnement intuitif est à l'origine de politiques de restriction de l'immigration dans de nombreux pays européens. Or il se révèle inexact. Il s'appuie en effet sur une hypothèse fausse : que le nombre d'emplois offerts dans un pays est une donnée fixe.
Imaginons par exemple que vous dirigiez une multinationale de l'informatique et hésitiez quant à la localisation d'une de vos filiales. Vous avez le choix entre un pays qui limite drastiquement l'immigration et un autre où celle-ci est plus libre. Que choisissez-vous ? Assez naturellement le pays où l'immigration est de plus grande ampleur, car vous anticipez que vous aurez ainsi accès à une main-d'oeuvre plus nombreuse, ce qui diminuera vos coûts de recrutement, et vous pouvez parier par ailleurs qu'une partie de ces demandeurs d'emploi acceptera des salaires plus faibles, car les nouveaux arrivés dans un pays, en général, acceptent au départ des salaires inférieurs à ceux des autochtones.
De nombreux entrepreneurs effectuent ce raisonnement et créent ainsi de nouveaux emplois dans les pays où l'immigration est ouverte. Leurs anticipations positives sont un facteur de croissance. Elles contrecarrent les effets négatifs sur les salaires et sur l'emploi des natifs d'une augmentation globale de l'offre de travail. Ainsi, l'entrée nette de 1,5 million de personnes au Royaume-Uni entre 1996 et 2005 n'a pas empêché le taux de chômage de diminuer de 8 % à 5 % dans cette période. Plus spectaculaire encore, l'arrivée de presque 4 millions d'immigrants en Espagne entre 1995 et 2006 a été accompagnée d'une diminution du taux de chômage de 18,5 % à 8,5 % !
Ce cercle vertueux liant immigration et création d'emploi s'enclenche si l'économie du pays concerné possède trois caractéristiques. Premièrement, il faut que les employeurs ne puissent pas spécifier la nationalité des candidats sur leurs offres d'emploi, car sinon, la création d'emploi pourrait ne pas profiter aux natifs. Il faut aussi que les salaires moyens des immigrés soient effectivement moins élevés que ceux des autochtones. Ces différences salariales peuvent être dues à différents facteurs, et pas seulement à l'existence de discriminations. Par exemple, venant de régions où les revenus habituels sont bas et devant amortir les coûts de la migration, les immigrés pourraient négocier moins âprement leur salaire. Il faut enfin que le marché de l'emploi soit « imparfait », que les employeurs ne trouvent pas immédiatement les salariés dont ils ont besoin. Une entreprise qui a du mal à recruter appréciera un afflux de main-d'oeuvre car elle pourra plus facilement se développer, recrutant par là même des immigrés, mais aussi des autochtones.
Ces trois conditions sont remplies en France. Une véritable ouverture du marché du travail à l'immigration semble donc s'imposer pour dynamiser l'économie française.
JAVIER ORTEGA est chercheur à l'Ecole d'économie de Toulouse et au Centre for Economic Performance (Londres).
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