samedi, août 12, 2006

L'UE crée une patrouille européenne contre l'immigration clandestine

L'UE crée une patrouille européenne contre l'immigration clandestine
LE MONDE | 12.08.06


a lutte contre l'émigration clandestine à partir des côtes africaines est entrée dans une phase nouvelle, vendredi 11 août, avec la mise en oeuvre effective d'un plan d'action sous l'égide de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union (Frontex), un organisme créé en 2004. Concrètement, il s'agit de freiner l'afflux d'immigrés clandestins subsahariens vers les îles espagnoles des Canaries, au large de la Mauritanie.


Pour ce faire, Madrid va disposer de moyens matériels mis à sa disposition par des pays membres de l'Union européenne (UE) qui viendront s'ajouter à ceux déjà déployés par l'Espagne dans la région.

Une corvette de la marine portugaise, un avion et un patrouilleur des gardes côtes italiens, un avion finlandais constituent l'essentiel de cet appui pour lequel près de 3,2 millions d'euros ont été débloqués, et dont le déploiement aurait dû intervenir il y a plus d'un mois.

Une certaine confusion régnait vendredi sur le démarrage physique de l'opération dont Frontex refusait d'annoncer la date, selon sa porte-parole, Daniela Muzbergova. L'opération "a commencé aujourd'hui (vendredi)", même si les moyens mis en place "arriveront dans les prochains jours", a précisé un porte-parole du ministère espagnol de l'intérieur.

Le centre de commandement et de coordination des opérations a été fixé à Tenerife, aux îles Canaries, où une dizaine d'experts européens en matière d'identification sont à pied d'oeuvre.

Cette action commune, la première du genre pour l'Union européenne, a été saluée à Bruxelles par le commissaire européen à la justice Franco Frattini, comme "un moment historique dans l'histoire des politiques d'immigration européennes et l'expression vraiment tangible de la solidarité" qui unit les Etats membres.

Il ne s'agit pas, a-t-il dit, de construire une "Europe-forteresse", mais à la fois de sauver des vies, de réduire l'immigration clandestine et de combattre les trafics d'être humains dans le cadre d'une stratégie globale qui vise aussi à examiner les possibilités d'immigration légale.

Le succès de l'opération, qui au départ se voulait plus ambitieuse en termes matériels, repose en grande partie sur la coopération des Etats africains d'où partent les Subsahariens et, en particulier, sur leur accord pour autoriser les patrouilles européennes à proximité des côtes.

"L'objectif est dissuasif. Il faut que les candidats à l'émigration réalisent que les pays européens sont là, bien présents, et qu'ils ne pourront pas partir", a expliqué à l'agence Efe le coordonnateur espagnol du projet, Edouardo Lobo.

La Mauritanie et le Cap Vert ont déjà donné leur feu vert. Pas moins de quatre bâtiments espagnols croisent dans les eaux territoriales mauritaniennes depuis près de trois mois. En revanche, avec le Sénégal, le pays de plus en plus souvent utilisé comme point de départ par les Subsahariens, les négociations traînent en longueur. Ce n'est qu'une question de jours, selon les autorités espagnoles, qui ont prévu d'envoyer les renforts reçus d'Italie patrouiller au large des côtes sénégalaises.

Ironie du sort, l'annonce du déploiement des forces européennes par Madrid est intervenue alors que le flux de Subsahariens en direction des îles Canaries atteint des chiffres records. Ce sont en effet près d'un demi-millier d'émigrés clandestins qui ont abordé les îles espagnoles ces deux derniers jours.

Dernières victimes en date : seize Africains retrouvés morts de faim et de soif sur la route des Canaries, a indiqué vendredi 11 août la police mauritanienne. Pour onze d'entre eux, leurs corps avaient été jetés par dessus bord par les autres passagers d'une pirogue qui en contenait 97.

Les 81 migrants indemnes tractés par des pêcheurs locaux ont été transférés dans un camp d'accueil des candidats à l'émigration clandestine, à Nouadhibou (Mauritanie), et devraient être rapatriés dans leurs pays respectifs. Au cours des huit premiers mois de l'année, plus de 15 000 clandestins ont atteint les Canaries.

Convaincu qu'avec la fin de l'été le flux de Subsahariens va progressivement diminuer, Madrid prévoit d'alléger le dispositif de lutte d'ici sept à huit semaines. Mais, pour de nombreux experts interrogés par la presse espagnole, il s'agit plus d'un voeu pieux que d'une donnée objective.



Jean-Pierre Tuquoi (avec Thomas Ferenczi à Bruxelles)

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