vendredi, septembre 23, 2005

Immigration : l'Ined balaie des contrevérités

L'Institut d'études démographiques fait le point sur les régularisations, la fécondité...
Par Charlotte ROTMAN
QUOTIDIEN : Mercredi 21 janvier 2004

Contre les chiffres farfelus et les préjugés. La nouvelle fournée du bulletin Population et sociétés, rédigé par le directeur de l'Ined (Institut national d'études démographiques), François Héran, tord le cou à «cinq idées reçues sur l'immigration».

La France ne constitue pas un «pays d'immigration massive».
L'image d'un pays en plein déclin démographique, «pris d'assaut par une vague montante de l'immigration» persiste. Elle est fausse. L'Hexagone est devenu le pays d'Europe où la croissance démographique dépend le moins de l'immigration : 20 % en France contre 47 % aux Pays-Bas, 82 % en Espagne (en 2001). «Rien à voir avec les migrations massives que l'Allemagne a accueillies en provenance de l'ex-Union soviétique et de l'ex-Yougoslavie.»

Le taux de fécondité de la France n'est pas massivement dû aux familles immigrées.
«L'écart entre la fécondité des immigrées et celle des Françaises natives est très inférieur aux chiffres qui circulent.» Les immigrées ne représentent que le douzième des femmes en âge d'avoir des enfants, et sont trop peu nombreuses pour pouvoir relever le taux de fécondité générale. «Les jeunes issus de l'immigration, et désormais visibles dans l'espace public, sont nés il y a quinze ou vingt ans. Ils sont le fruit d'un régime de fécondité largement révolu.»

L'immigration irrégulière n'est pas «innombrable».
Selon François Héran, «on surestime toujours le nombre de sans-papiers». La France a régularisé, en 1982,132 000 immigrés et satisfait en 1997-1998, 90 000 demandes sur 130 000 (une fois décomptées les demandes déposées en double). «On est loin des opérations de régularisation de très grande envergure qu'ont dû mener l'Espagne, l'Italie et la Grèce ces cinq dernières années, avec des effectifs de demandeurs qui ont parfois excédé le demi-million.»
La statistique publique serait impuissante à comptabiliser les immigrés.
Les démographes peuvent utiliser différentes sources pour contourner les difficultés de la statistique (notamment la non-prise en compte des minorités ethniques), estime l'Ined. Changer les modes de recensement, rendre obligatoire l'enregistrement des immigrés ne serait, selon François Héran, qu'un retour au régime de Vichy. Il ne faut pas trop encadrer la statistique publique, plaide-t-il. Exemple : une partie des personnes âgées, ayant migré en France il y a longtemps, tend à se déclarer rétrospectivement «Françaises de naissance», au lieu d'indiquer qu'elles ont acquis la nationalité. «Il serait absurde de dénoncer là une fausse déclaration et de sommer l'Insee d'y mettre bon ordre : c'est, à l'évidence, un signe d'intégration accomplie», estime Héran.

Accueillir l'immigration ne signifie pas accueillir la misère du monde.
Les migrants se situent rarement au plus bas de l'échelle sociale de leur pays d'origine. Ni «massive», ni «majoritairement clandestine», ni «prolifique», ni «misérable» ou «insaisissable», selon François Héran, l'immigration «reste à découvrir».


http://www.liberation.fr/dossiers/sanspapiers/comprendre/59221.FR.php

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