L'insolite ascension d'un jeune Afghan sans papiers
Angélique Négroni
04/03/2009 - Le Figaro
Il est devenu champion de France espoirs de boxe française, et Éric Besson a promis de le régulariser.
Hier encore, il était un simple clandestin jeté en 2006 sur un trottoir de Lille par un passeur sans états d'âme. Aujourd'hui, son nom est associé à la victoire.
En trois ans, Sharif Hassanzade est passé de l'ombre à la lumière. De mineur en difficulté à champion de France espoirs de boxe française, un titre obtenu samedi dernier sur un ring du Morbihan et qui a soudain fait basculer sa vie. Ce jeune Afghan sans papiers de 17 ans va être régularisé, comme l'a indiqué le cabinet du ministre de l'Immigration, Éric Besson. Une annonce qui va se solder par l'obtention d'un autre titre bien différent du premier : un titre de séjour qui lui permettra ensuite d'être naturalisé. Forcément un soulagement pour ce garçon qui a traversé bien des étapes difficiles. «On ne peut imaginer ce qu'il a vécu», raconte son entraîneur, Bruno Cardoso, devenu au fil des mois son confident.
«J'avais peur»
Sur ces années précédentes, Sharif reste fort discret. Pas un mot sur ses quatorze ans passés en Afghanistan, avant de fuir au Pakistan avec sa famille. «C'est mon histoire personnelle», dit-il poliment mais fermement. Il est plus prolixe sur son arrivée au Pakistan. Dans ce pays, il a rejoint un cousin et «a travaillé dans la couture», confie-t-il, avant que tout ne se précipite. Lors de soirées en famille, le jeune garçon saisit des bribes de conversations au cours desquelles ses parents parlent de passeur et de destination lointaine. Les mots deviennent un jour réalité. L'adolescent est emmené avec un groupe de personnes dont il est le plus jeune. Il passe plusieurs frontières. «J'avais peur. Ils ne parlaient pas ma langue. Il fallait suivre», dit-il.
Enfin, un beau jour de juillet 2006, le voilà dans les rues de Lille. Fin du voyage. «Mon passeur m'a dit de l'attendre là et qu'il allait revenir. Je ne l'ai jamais revu», raconte Sharif qui, loin de se désespérer, utilise alors au mieux les deux seuls et faibles atouts dont il dispose : la connaissance de quelques mots d'anglais et quelques pièces de monnaie glissées dans sa poche. Au premier passant qu'il rencontre, il lance : «Can you help me ?» Son interlocuteur griffonne sur un bout de papier une adresse de foyer. Le garçon saute dans un taxi et paie 6 euros la course pour s'y rendre. Il ne le sait pas encore mais il est sauvé.
Au bout de quelques jours, le jeune Afghan est installé dans un autre foyer pour mineurs à Tourcoing. Comme il faut occuper les jeunes durant l'été, on lui propose différentes activités sportives. Le sport de combat lui va comme un gant. Direction le club de la ville : le Punch Boxe Française savate tourquennois. En voyant arriver ce garçon timide, ne parlant pas un mot de français mais doté d'une belle carrure, Bruno Cardoso, son futur entraîneur, ne s'y trompe pas. Il sait qu'il a devant lui de la graine de champion. «Il a supporté les charges d'entraînement de manière impressionnante», raconte-t-il.
Entre deux combats, Sharif, qui s'exprime aujourd'hui très convenablement, dévore les pages du dictionnaire français. Avec cette première victoire arrachée dans la catégorie super-légers, il s'est enfin hissé jusqu'aux portes de l'espoir. Son vœu le plus cher ? Retourner au Pakistan et revoir ses parents, ses deux sœurs et son frère qu'il n'a pas vus depuis trois ans. Une éternité pour ce champion qui n'est encore qu'un adolescent.
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