mardi, février 05, 2008

Le banquier n'est pas juge de la régularité du séjour de son client

La Poste ne peut refuser l'accès au compte et la délivrance d'un relevé d'identité bancaire, au seul motif que le récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié était périmé.
Com. 18 décembre 2007, FS-P+B, n° 07-12.382

Lors de l'ouverture d'un compte, l'établissement de crédit doit procéder à un certain nombre de vérifications : domicile et identité doivent être contrôlés conformément aux articles R. 312-2 et R. 563-1 du code monétaire et financier. Le postulant est alors tenu de présenter un document officiel portant ses photographie et signature. La loi n'ayant pas défini la notion de « document officiel », la jurisprudence est venue en donner une illustration au cas par cas. Ainsi a-t-il été décidé que la seule présentation d'une carte de séjour était insuffisante (Com. 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, n° 105 ; Paris, 25 avr. 1997, D. Affaires 1997. 1154), de même qu'un certificat de réfugié politique (Paris, 17 févr. 1989, Gaz. Pal. 1989, 2, p. 521, obs. Piédelièvre), ou encore une carte d'identité périmée portant une adresse différente de celle que le client déclarait être la sienne (Civ. 1re, 2 nov. 2005, D. 2006. AJ. 62, obs. Avena-Robardet ; Com. 8 nov. 2005, JCP E 2006, n° 22, p. 959, obs. Salgueiro).

En l'occurrence, La Poste avait ouvert un compte livret A à une personne ayant demandé le statut de réfugié, sur présentation d'un récépissé constatant le dépôt de sa demande, valable jusqu'au 4 octobre 2002 et renouvelable. Ce récépissé comportait la photographie et la signature de l'intéressée. À partir du mois de mai 2005, cet établissement de crédit a toutefois refusé à sa cliente l'accès à son compte au motif que ce récépissé était venu à expiration et que l'identité de la titulaire n'était justifiée par aucun document en cours de validité. Cette pratique de La Poste est connue. En règle générale, elle n'accepte pas les titres de séjour périmés et peut refuser la restitution des sommes détenues sur un livret A (V. Migrants/étrangers en situation précaire, Guide Comede, 2008, p. 146 s.). Mais, en l'espèce, loin de se laisser faire, la cliente a demandé en référé la condamnation du banquier à lui donner accès à son compte sur présentation de ce récépissé, seul document dont elle disposait, et à lui délivrer un relevé d'identité bancaire. Ce que lui a refusé la cour d'appel de Paris, au motif que La Poste était tenue, sous peine d'engager sa responsabilité, de vérifier l'identité du titulaire du compte, non seulement à son ouverture, mais également durant toute la durée de son fonctionnement (Paris, 24 févr. 2006, JCP E 2006, n° 48, p. 2030, n° 12, obs. Salgueiro). Fort heureusement une telle décision est censurée par la Cour de cassation. La justification de l'identité ne doit pas être confondue avec la régularité du séjour.

Ici il n'existait aucun doute sur l'identité de la personne en question. La Poste avait elle-même considéré le récépissé, non périmé à l'époque de la demande d'ouverture du compte, comme valant pièce officielle d'identité. Elle n'avait exigé aucun autre document et justificatif et ne pouvait dès lors opposer à sa cliente le même récépissé, fût-il expiré, pour lui dénier l'accès au compte et la délivrance d'un relevé d'identité bancaire. Du reste, dans une décision du 16 mars 2005, le tribunal administratif de Paris a jugé que la procédure du droit au compte ne pouvait être subordonnée à la régularité du séjour du demandeur en France et que la Banque de France ne pouvait opposer un refus au postulant au motif qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour en cours de validité (TA Paris, 16 mars 2005 n° 0502805/9, Rép. min. n° 65599, JOAN Q 22 nov. 2005, p. 10839 ; JCP E 2005, n° 50, p. 2147).

La Cour de cassation ne dit pas expressément qu'un tel récépissé vaut document officiel au sens des articles R. 312-2 et R. 563-1. Simplement, à partir du moment où une banque considère un document comme tel, elle ne peut plus, par la suite, lui dénier cette qualité pour lui refuser l'accès à ses comptes, l'identité ayant été préalablement établie et n'étant pas contestée.

Source : éditions Dalloz

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