dimanche, juin 10, 2012

Plus de présomption d'urgence pour les recours en référé contre les refus de séjours des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire


La décision par laquelle le préfet refuse d'admettre au séjour un demandeur d'asile et le classe en procédure prioritaire, si elle prive d'effet suspensif l'éventuel recours qu'il pourra former devant la Cour nationale du droit d'asile, n'a aucun effet propre sur son droit au séjour jusqu'à l'intervention de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides. L’article L. 742-6 du code des étrangers lui permet en effet de séjourner sur le territoire national, le temps de l’examen de sa demande par l’Office. Pour cette raison, le juge des référés estime que la décision préfectorale ne porte pas, par elle-même, une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur d'asile pour que la condition d'urgence soit, par présomption, remplie (CE réf., 20 févr. 2012, req. n° 353150, Min. Int.).

Garde à vue d'un étranger désormais impossible seulement pour séjour régulier ? A suivre...


Alors que suite à l’arrêt El Dridi de la CJUE, la possibilité d’engager des mesures de garde à vue sur le seul fondement de l’article L. 621-1 du CESEDA divise les juges du fond, la chambre criminelle indique, dans un avis, que de telles gardes à vue ne sont pas justifiées.

Crim. 5 juin 2012, avis n° 9002

Par un avis très attendu du 5 juin 2012, la chambre criminelle indique que le ressortissant d’un État tiers ne peut pas être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée seulement pour entrée ou séjour irrégulier en France. L’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) punit d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €, le fait pour un étranger de pénétrer ou séjourner en France de manière irrégulière ou de s’y maintenir au-delà de la durée autorisée par son visa.

Selon l’avis de la chambre criminelle, il résulte de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour », « telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne » (CJUE), qu’un étranger mis en cause, pour le seul délit prévu par l’article L. 621-1 du CESEDA « n’encourt pas l’emprisonnement lorsqu’il n’a pas été soumis préalablement aux mesures coercitives visées à l’article 8 » de cette directive. Or, une mesure de garde à vue ne peut être décidée que « s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement », rappelle la chambre criminelle (c. pr. pén., art. 62-2). Elle en déduit qu’un étranger « ne peut donc être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée de ce seul chef ».

La chambre criminelle précise que dans l’état du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, un étranger ne pouvait également pas être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irrégulier selon la procédure de flagrant délit. « Le même principe devait prévaloir lorsque l’enquête était menée selon d’autres formes procédurales », ajoute-t-elle. La chambre criminelle fait référence, dans cet avis, aux arrêts El Dridi (CJUE, 28 avr. 2011, n° C-61/11) et Achughbabian (CJUE, 6 déc. 2011, n° C-329/11) de la CJUE. Dans le premier, la CJUE avait jugé que la directive retour s’oppose à une réglementation nationale infligeant une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ce territoire.

Dans le second, la CJUE avait indiqué que la directive retour s’oppose à une réglementation nationale permettant l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier qui n’a pas été soumis aux mesures coercitives prévues par la directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de l’application de la procédure d’éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention. Elle avait ajouté qu’une règlementation nationale telle que l’article L. 621-1 du CESEDA est « susceptible de faire échec à l’application des normes et des procédures communes » établies par la directive retour et « de retarder le retour », portant ainsi « atteinte à l’effet utile de ladite directive ».

L’avis que vient de rendre la chambre criminelle ne lie pas la première chambre civile, à l’origine de la demande (COJ, art. L. 441-3). Cette dernière devra prochainement trancher la question. Rappelons que le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision du 3 février 2012, l’article L. 621-1 du CESEDA conforme à la Constitution (Cons. const., 3 févr. 2012, n° 2011-217 QPC).

Source : C. Fleuriot, Dalloz Actualité, 8 juin 2012