samedi, février 20, 2010

La Halde prend la défense des étrangers privés du Dalo

Le secrétariat au logement est prié de revoir un décret de 2008 imposant des conditions de résidence pour les étrangers non communautaires pour invoquer le droit au logement.


La loi sur le droit au logement opposable est «discriminatoire», juge ce mercredi la Halde. En cause : un décret de septembre 2008, complétant la loi Dalo du 5 mars 2007, et imposant des conditions de résidence pour les étrangers non communautaires pour invoquer le droit au logement.

La loi Dalo impose en effet à l'Etat l'obligation de loger «toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière» qui n'est pas en mesure d'accéder à «un logement décent et indépendant» par ses propres moyens ou de s'y maintenir.

Pour les ressortissants de l'Union européenne, la loi Dalo s'applique dans les mêmes conditions que pour les nationaux. En revanche, pour les étrangers non communautaires, le décret ajoute des conditions: soit être titulaire d'une carte de résident ou équivalent (réfugiés, personnes justifiant d'une résidence continue et régulière d'au moins 5 ans en France, etc.). Soit justifier d'au moins deux années de résidence ininterrompue en France sous couvert de certains titres de séjour, renouvelés au moins deux fois.

En pratique donc, les étrangers relevant de cette seconde catégorie ne peuvent pas se prévaloir du droit au logement pendant deux ans, et ce quels que soient l'urgence de leur situation ou le délai anormalement long fixé dans le département concerné.

Encore faut-il qu'il y ait des logements disponibles...


Dans ses attendus, la Halde estime que «la condition de résidence préalable de 2 ans (...) apparaît comme un traitement défavorable fondé sur la nationalité qui n'apparaît pas justifié et proportionné à l'objectif poursuivi par la loi Dalo qui est de garantir le droit à un logement décent pour les personnes les plus démunies».

La Halde demande au secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, «d'abroger cette restriction contraire à la Constitution et aux engagements internationaux de la France».

Jean-Baptiste Ayrault, président de l'association Droit au logement (Dal) voit là «une avancée», même si «tout être humain qu'il ait ou pas des papiers, devrait avoir droit à un toit et pas dormir dans la rue.»

Quand bien même le gouvernement se plierait à la délibération de la Halde, ce droit au logement opposable sera-t-il appliqué? Si Jean-Baptiste Ayrault se refuse à qualifier la loi Dalo «d'échec», il reconnaît que «15 000 ménages ont été relogés, autant voire plus sont toujours en attente... Faute de logement disponible.» Il conclut : «la loi a reconnu le droit au logement ; à charge au gouvernement de se donner les moyens pour la respecter.»

samedi, février 13, 2010

France : Nouvelles restrictions prévues des droits des étrangers


Le gouvernement s'apprête à restreindre, de façon sensible, les droits des étrangers sans titre de séjour, menacés d'expulsion. L'avant-projet de loi du ministre de l'immigration, accroît la latitude de l'administration pour procéder à des mesures d'éloignement. Prévu initialement pour transposer la directive européenne dite "Retour" fixant des règles communes pour organiser le départ des étrangers illégaux, le texte, qui devrait être présenté en conseil des ministres courant mars, va bien au-delà. "Ce projet de loi créé pour les étrangers un régime d'exception en matière de droits", s'alarme Stéphane Maugendre, président du Groupe d'information de soutien aux immigrés (Gisti).


Création de zones d'attente ad hoc.

A la suite de l'arrivée de 123 kurdes, le 22 janvier, sur une plage du sud de la Corse, le ministre de l'immigration, Eric Besson avait annoncé des mesures pour faire face à des "afflux massifs et inopinés" d'étrangers en situation irrégulière. L'avant-projet de loi permet donc à l'administration de décréter "zone d'attente" de façon ad hoc, le lieu où sont découvertes "un ou plusieurs étrangers" arrivés "à la frontière en dehors d'un point de passage frontalier". Cette possibilité offerte à l'administration permet de légitimer la privation immédiate de liberté des personnes ce qui est le cas en zone d'attente, aujourd'hui réservées aux principales frontières aéroportuaires.

Accélération du processus d'éloignement.

Aujourd'hui, un étranger en situation irrégulière soumis à une mesure d'expulsion – avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF) – dispose d'un délai de 30 jours pour déposer un recours, suspensif, devant le tribunal administratif. Désormais, l'autorité administrative pourra décider qu'il doit repartir "sans délai". L'étranger n'aura alors plus que 48 heures, contre un mois actuellement, pour déposer un recours.

Création d'une interdiction de retour sur le territoire français.

Comme le prévoit la directive européenne, l'administration pourra désormais assortir l'OQTF d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans. Si l'étranger se maintient sur le territoire en dépit de son avis d'expulsion, ou s'il revient prématurément sur le territoire français, cette durée sera prolongée de deux ans.

Affaiblissement du rôle du juge des libertés et de la détention.

Le projet de loi maintient deux ordres de juridictions – administrative et judiciaire – pour se prononcer sur la privation de liberté des étrangers en situation irrégulière mais il restreint fortement les prérogatives du juge judiciaire garant des libertés fondamentales. L'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit se prononcer sur le maintien en rétention des étrangers, est repoussée: il ne sera saisi que 5 jours après le placement en rétention, contre 48 heures actuellement. Il pourra prolonger la rétention de 20 jours, au lieu de 15 aujourd'hui. Au terme de ce nouvelle délai, la rétention pourra encore être prolongée de 20 autres jours.

La durée maximale de rétention passe ainsi de 32 à 45 jours, comme le permet la directive "Retour" – elle prévoit une durée maximale de 18 mois. Par ailleurs, le JLD sera tenu de prendre en compte "des circonstance particulières liées notamment au placement en rétention d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatif à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet". Cette disposition permettra à l'administration de justifier de retard pris dans la notification aux étrangers de leurs droits. Elle pourrait ainsi empêcher que les JLD remettent en liberté pour cette raison les étrangers, comme ce fut le cas pour 123 kurdes découverts en Corse.

Amélioration des droits des travailleurs sans-papiers.

Le salarié sans papier aura droit au titre de sa période d'emploi illicite, à un rappel de salaires sur trois mois minimum ainsi qu'à une indemnité de rupture du contrat de travail de trois mois, contre un mois aujourd'hui. Le donneur d'ordre pourra être tenu civilement responsable du paiement de ces indemnités s'il a été "condamné pour avoir recouru sciemment aux services d'un sous-traitant employant un étranger sans titre".

Lutte contre le travail illégal.

La responsabilité pénale de l'emploi de travailleurs illégaux n'est toujours pas imputable aux donneurs d'ordre. Cependant les sous-traitants ont désormais l'obligation d'être agréés par leurs donneurs d'ordre. Cette disposition devrait amener les donneurs d'ordre à être plus vigilants sur les conditions d'emploi de leurs sous-traitants. Si ces derniers ne sont pas agréés, ils seront punis d'une amende de 7 500 euros.

Le texte octroie aux préfets le pouvoir de fermer "par décision motivée" et "pour une durée ne pouvant excéder six mois", une entreprise qui aura eu recours au travail illégal, qu'il s'agisse de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'œuvre ou d'emploi d'étranger sans titre de travail. Le préfet pourra également ordonner l'exclusion des marchés publics, d'une entreprise commettant ces même infractions, et ce pour six mois.

Création d'une "carte bleue européenne".

Le texte veut favoriser l'immigration choisie, un thème cher au président de la République. Il crée une "carte de séjour temporaire", de trois ans maximum, renouvelable, pour les étrangers titulaires d'un diplôme supérieur à la licence ou "d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans" et d'un contrat de travail d'au moins un an.

Source : Le Monde du 12 février 2010, par Laetitia Van Eeckhout

mercredi, février 10, 2010

Italie : les étrangers auront un permis de séjour à points

Le Monde, du 07.02.10

Pour pourvoir renouveler son titre, un immigré devra avoir accumulé suffisamment de points

Le ministre de l'intérieur italien, Roberto Maroni, et son collègue des affaires sociales, Maurizio Sacconi, ont annoncé, jeudi 4 février, leur intention de publier un décret instituant un permis de séjour à points pour les étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en Italie de façon régulière.

Selon M. Maroni, membre du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord, cette disposition peut être édictée « dans les prochains jours » car elle a été adoptée avec le « paquet sécurité » voté en juin 2009 par le Parlement.

Ce nouveau permis de séjour valable deux ans devrait être crédité de trente points à la fin de cette période pour pouvoir être renouvelé. Le demandeur, en plus d'avoir un contrat de travail et un logement, devra démontrer une connaissance de la langue et des lois italiennes, apporter la preuve qu'il est inscrit auprès des services sanitaires, que ses enfants sont scolarisés et qu'il est en règle avec le fisc. Dans le cas où le seuil fatidique des trente points ne serait pas atteint malgré la bonne volonté du requérant, il se verrait offrir une année supplémentaire pour l'atteindre.

Présenté comme une « charte des valeurs de la citoyenneté et de l'intégration » par le ministère de l'intérieur, ce projet comprend également un volet répressif. Les délits commis par les étrangers leur vaudront de perdre des points, voire d'être expulsés en cas de condamnation en première instance à une peine supérieure à trois mois de prison. Le projet de décret devrait également s'appliquer aux mineurs âgés de 16 ans et plus.

« Loterie sociale »

A l'annonce de ce nouveau tour de vis sur l'immigration, la gauche a dénoncé « une loterie sociale ». Selon Livia Turco, chargée des questions d'immigration au Parti démocrate, le permis de séjour à points sera « au contraire un obstacle à l'intégration qui favorisera la clandestinité » de ceux qui échoueront à l'obtenir. Pour l'association Migrare, qui lutte pour raccourcir les délais de renouvellement du permis de séjour (actuellement de 190 jours en moyenne), il s'agit d' « une réponse xénophobe de plus au problème de l'immigration ».

Ce texte va s'ajouter à un arsenal de mesures déjà très restrictives concernant l'immigration. Chacune d'elles - comme la création d'un délit d'immigration clandestine - a été imposée au gouvernement de M. Berlusconi par la Ligue du Nord, pour qui l'insécurité est une conséquence de l'immigration.

Commentant les violences de Rosarno (Calabre) entre immigrés africains et population locale, début janvier, M. Maroni n'avait pas hésité à déclarer que ces émeutes étaient le fait « d'une trop grande tolérance vis-à-vis de l'immigration ». « Avec ce système, s'est félicité M. Maroni, je suggère à l'étranger la marche à suivre pour s'intégrer. S'il le fait, je lui donne le permis de séjour, s'il ne le fait pas, cela signifie qu'il ne veut pas s'intégrer. »

Philippe Ridet