vendredi, janvier 29, 2010

2010, l'année du droit à migrer ?

En annonçant que la centaine de boat people débarqués à Bonifacio le 22 janvier bénéficierait d'un examen individuel de situation, les autorités françaises ont laissé entendre que certains pourraient se voir reconnaître le droit d'asile. Au même moment, le ministre de l'immigration proposait pourtant "le déploiement immédiat de renforts opérationnels européens sous l'égide de l'agence européenne de surveillance des frontières (Frontex)", pour éviter "que la Corse ne devienne une destination des candidats à l'immigration comme l'île italienne de Lampedusa".


Autrement dit, d'empêcher qu'à l'avenir, d'autres personnes fuyant les persécutions ne trouvent protection en France. Une contradiction à l'image de la politique menée par l'Union européenne : en principe, elle respecte le droit d'asile, prévu par le droit international et la Charte des droits fondamentaux qu'elle a adoptée en 2000.

En pratique, elle fait tout pour repousser loin de ses frontières ceux qui pourraient en bénéficier. Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) faisait il y a peu le même constat. En déplorant le durcissement de la politique d'immigration de l'Europe, à un moment où des facteurs nouveaux grossissent les rangs de ceux qui ont besoin de quitter leur pays, il a souligné combien il est aujourd'hui difficile de distinguer "un réfugié climatique d'un migrant économique, un exode forcé d'une migration choisie". Une préoccupation à laquelle semble répondre le dernier rapport du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), qui plaide pour qu'on "lève les barrières" migratoires. Ses experts y affirment au demeurant qu' "il n'existe aucune preuve d'impacts négatifs de l'immigration sur l'économie, le marché du travail ou le budget, alors que les bénéfices ne sont plus à démontrer dans des domaines comme la diversité sociale et la capacité d'innovation".

Il est plus que temps de lever les barrières, en effet. N'a-t-on pas entendu, à l'occasion de la commémoration de la chute du mur de Berlin, qu'il faut "abattre [ceux] qui, à travers le monde, divisent encore des villes, des territoires, des peuples" (Nicolas Sarkozy) ? A ce vertueux "plus jamais ça", un paradoxal écho est pourtant renvoyé par les quelque 40 000 kilomètres de frontières fermées – dont près de 18 000 "murées" –, presque toutes édifiées depuis 1989, qui, partout, entravent la circulation des êtres humains. La plupart des lignes de démarcation entre Etats s'apparentent aujourd'hui à ces frontières-murs, qu'elles soient matérielles ou virtuelles. Voyager est un privilège de riches, tandis que pour ceux qui ne peuvent prétendre aux sésames que sont les passeports et les visas, les frontières sont des no man's land où ils risquent leur vie.

Les murs les plus connus de l'UE protègent les enclaves espagnoles en territoire marocain – les villes de Ceuta et Melilla – mais le double rideau de fer qui enserre l'Eurostar à l'approche du Channel est un autre emblème de la forteresse. Surtout, le processus s'est tout à la fois dématérialisé, militarisé et externalisé : depuis 1998, le Sive (Système intégré de vigilance extérieur) a fait du détroit de Gibraltar un des "hygiaphones dentés de l'Europe", selon l'expression de l'écrivain Salim Jay. Avec l'agence Frontex, le cordon sanitaire s'est déployé le long des côtes d'Afrique de l'Ouest, dans le canal de Sicile, entre Malte et Lampedusa, sur le canal d'Otrante, dans la mer Egée et aux frontières terrestres orientales de l'UE, augmentant le nombre de morts aux frontières : les ONG estiment – à partir des seules données recueillies dans la presse – à près de 15 000 le nombre de victimes de la "guerre aux migrants" menée depuis vingt ans par l'Europe.

Mais l'essentiel du bouclage est la remise en cause du droit à quitter son propre pays, pourtant reconnu par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Les "accords de gestion concertée des flux migratoires" conclus avec des pays d'émigration s'y emploient : l'aide au développement y est monnayée contre la participation de ces pays au contrôle de leurs nationaux, candidats au départ (via, dans certains pays comme le Maroc et l'Algérie, la criminalisation de l'émigration). Grâce à cette externalisation des contrôles, les frontières de l'UE sont aujourd'hui délocalisées au sud (Libye, Mauritanie, Sénégal) et à l'est (Turquie, Ukraine).

Le verrouillage des frontières de l'Europe, en accroissant la dangerosité des routes et le coût du voyage, favorise l'activité des trafiquants et des passeurs que les politiques prétendent combattre. Il encourage aussi le développement des camps d'étrangers, autre dispositif-clé de la mondialisation anti-migratoire. Le réseau Migreurop en recense 250 dans les 27 Etats membres de l'UE, pour une capacité dépassant 32 000 places. Les rapports s'accumulent pour dénoncer les conditions qui y sont faites aux exilés – parmi lesquels de nombreux mineurs – qui y sont enfermés, sans que l'UE remette en cause leur existence ni même leur fonctionnement. Au contraire : avec la directive "retour" adoptée fin 2008 pour rationaliser les expulsions, les camps se multiplient en Europe et autour.

Comme les nouveaux murs de la honte, les camps d'étrangers sont le symptôme d'un mal qui n'a pas disparu avec la chute du mur de Berlin : faire prévaloir la (mauvaise) raison d'Etat sur le respect des droits des personnes. Depuis des dizaines d'années, une surenchère sécuritaire caractérise les politiques migratoires imposées par les pays riches au reste du monde, accentuant les inégalités et les tensions, sans que leur efficacité économique soit démontrée. A l'instar du PNUD, ou des chercheurs rassemblés sous l'égide de l'Unesco pour imaginer, loin des fantasmes et chiffres à l'appui, ce que pourrait être un scénario "Migrations sans frontières", de plus en plus de voix réclament que le dogme de la fermeture des frontières soit révisé. A l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille, 2010 pourrait-elle être l'année du droit à migrer ?

Par Emmanuel Blanchard, Olivier Clochard et Claire Rodier sont membres du réseau euro-africain Migreurop et ont coordonné l'Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, Paris, Armand Colin, 2009.

Le Monde du 28 janvier 2010

L'immigration légale a baissé en France en 2009

Le Monde, édition du 20.01.10

La crise économique n'a eu qu'un impact limité sur l'immigration professionnelle hors Union européenne


L'immigration légale est en recul en France en 2009. Dressant, lundi 18 janvier, à l'occasion de ses voeux à la presse, le bilan de son action un an après sa nomination à la tête du ministère de l'immigration, Eric Besson s'est félicité d'une « meilleure maîtrise » des flux migratoires. 173 991 titres de long séjour ont été délivrés en 2009 soit une baisse de 3,7 % par rapport à 2008, a-t-il indiqué. Cette baisse de l'immigration légale, qu'elle soit économique ou familiale, s'explique en partie par les effets directs ou indirects de la crise économique.

Détaillant ces chiffres, M. Besson a affirmé que l'augmentation des titres délivrés aux étudiants ( 1,9 %) et aux réfugiés ( 12 %) était compensée par la poursuite de la baisse de l'immigration familiale (- 12,3 %) et par la diminution de l'immigration professionnelle (- 15,3 %). « Tous les indicateurs disponibles montrent que les flux migratoires, légaux comme illégaux, ont globalement baissé en 2009 », a insisté M. Besson, tout en soulignant que cette baisse était « liée, comme dans toute l'Union européenne, à la crise économique mondiale et à la détérioration de la situation de l'emploi ».

Selon le ministre, l'immigration professionnelle passe de 33 034 titres de séjour délivrés en 2008 à 27 966 en 2009 et enregistre ainsi une baisse sensible de - 15,3 %. « Cette diminution, a souligné le ministre, constitue une inversion de tendance par rapport à l'année précédente, qui avait connu une augmentation de 22,4 %. » Le nombre de titres de séjour délivrés à titre professionnel en 2009 reste ainsi supérieur à celui de l'année 2007.

La baisse sensible de l'immigration économique mise en avant par M. Besson doit toutefois être nuancée. Elle s'explique par le fait que les chiffres du ministère comprennent les ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne (Roumanie, Bulgarie) qui restent encore soumis, pour une période transitoire, à l'obligation de détenir une carte de séjour pour travailler.

Selon un bilan statistique précis de 2009 établi par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que s'est procuré Le Monde, le nombre de Roumains et de Bulgares venus s'installer en France pour y travailler a connu un net recul (- 25,1 %), passant de 6 040 en 2008 à 4 584 en 2009. A contrario, les entrées de travailleurs en provenance des pays hors Union européenne (UE) et hors saisonniers ne reculent que de 6,5 % (25 904 en 2008, 24 221 en 2009).

« La crise a surtout un effet sur les flux migratoires économiques au sein des espaces de libre circulation, analyse Jean-Christophe Dumont, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, plus la circulation est libre, plus l'ajustement à la conjoncture se fait de façon importante. » Hors saisonniers et hors UE, le recrutement de travailleurs étrangers se stabilise plus qu'il ne baisse, à l'exception notable des contrats temporaires dont le nombre a chuté de moitié pour s'établir à 4 374.

L'impact de la crise sur l'immigration économique hors Union européenne reste donc limité. Il semble en revanche plus marqué pour l'immigration familiale. « L'expérience des crises passées montre que le regroupement familial peut être retardé en période de crise, l'étranger présent en France craignant de ne pouvoir assumer le surcoût de la venue de son conjoint ou de sa famille », souligne M. Dumont.

Au-delà de la crise, le recul des entrées en France en 2009 s'explique plus, pour M. Dumont, « par les changements de politiques intervenus ces dernières années que par l'évolution du contexte économique ». Dans le cas de l'immigration familiale, la baisse s'explique également par les mesures des lois sur l'immigration de 2006 et 2007 qui ont durci les conditions de venue des familles (hausse du niveau de ressources autorisant le regroupement familial, allongement du délai pour un Français avant de faire venir son conjoint étranger...).

Dans le cas de l'immigration économique, la venue de travailleurs étrangers a été facilitée par des assouplissements de procédure institués par la loi Sarkozy de 2006 et mis en oeuvre fin 2007. « Il existe des besoins économiques structurels qui traversent la crise et le fait que le recrutement de salariés étrangers soit désormais facilité a sans doute permis d'y répondre », explique M. Dumont, observant que la France n'a pas, à la différence d'autres pays de l'OCDE, pris de dispositions spécifiques visant à restreindre l'immigration économique du fait de la crise. Globalement, la part des entrées pour motif économique (hors saisonniers) sur l'ensemble des flux demeure faible : de fin 2008 à fin 2009, elle s'est maintenue autour de 14 %.

Quant à l'immigration irrégulière, Eric Besson a confirmé lundi 18 janvier, que 29 288 étrangers en situation irrégulière avaient été reconduits à la frontière en 2009. Un chiffre en recul de 1,7 % à celui affiché par son prédécesseur, Brice Hortefeux, en 2008 (29 799), mais supérieur à l'objectif de 27 000 que lui avait assigné le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy.

Laetitia Van Eeckhout

dimanche, janvier 24, 2010

Le placement en rétention des Kurdes échoués en Corse est jugé illégal

Le Monde du 26.01.10

Dimanche soir, 94 des 123 exilés avaient été remis en liberté par les juges des libertés. Le ministre de l'immigration, Eric Besson, a justifié leur rétention par un souci de « protection des personnes »

Remis en liberté ou probablement en passe de l'être, les 123 exilés kurdes découverts vendredi 22 janvier sur une plage du sud de la Corse auront finalement passé peu de temps en rétention. Dimanche soir 24 janvier, les juges des libertés et de la détention de Marseille, Nîmes et Rennes ont libéré 94 d'entre eux des centres de rétention administrative (CRA) où ils avaient été transférés samedi, 24 heures à peine après leur découverte. Ces décisions de justice ont aussitôt été qualifiées par les associations d'aide aux réfugiés de « désaveu des improvisations » du ministre de l'immigration, Eric Besson. Les juges ont notamment estimé que la privation de liberté de ces migrants s'était faite hors de tout cadre juridique légal « puisqu'ils n'avaient pas été placés en garde à vue ».

Fallait-il placer en rétention ces exilés kurdes venant de Syrie, alors qu'ils sollicitent la protection de la France ? « Face à des situations d'urgence, la protection des personnes prime sur le pointillisme procédural », a fait valoir, dimanche soir, Eric Besson. Le ministre a expliqué avoir « préféré un transfert rapide » de ces personnes vers cinq centres de rétention sur le continent (Marseille, Nîmes, Lyon, Toulouse, Rennes), car c'était le « seul cadre juridique disponible pour des ressortissants étrangers en situation irrégulière ». Sans convaincre les associations d'aide aux réfugiés qui, en pleine campagne des élections régionales, ont dénoncé une grave atteinte au droit d'asile. Pour elles, la place de ces exilés, sans papiers ni visa mais demandant la protection de la France, était en centre d'accueil pour demandeurs d'asile et non en rétention.

Contacté par Le Monde samedi, le préfet de Corse, Stéphane Bouillon assurait qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de notifier à ces exilés un arrêté de reconduite à la frontière et donc leur placement en rétention « pour les garder ». Sans cela, l'Etat « n'aurait eu aucune possibilité de vérifier qui ils étaient et si parmi eux il y avait des passeurs ». « Cela ne leur interdit pas pour autant de demander l'asile », relevait-il.

En rétention cependant, les demandes d'asile sont examinées en procédure prioritaire et non en procédure normale : l'étranger dispose de cinq jours seulement (et non de 21) pour déposer son dossier. Il se voit retirer toute possibilité d'être entendu par la Cour nationale du droit d'asile en cas de rejet de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui statue dans des délais très brefs.

« Procédure normale »

Face aux critiques suscités par le transfert en rétention de ces exilés kurdes, M. Besson a justifié son choix par le souci d'assurer à ces personnes « une visite médicale, une évaluation individuelle de leur situation, un hébergement adapté notamment pour les familles et d'une assistance dans leur droit ». Selon lui, « il était impossible d'amener en quelques heures à la pointe sud de la Corse des dizaines d'interprètes, d'avocats, de médecins et de trouver sur place un local de rétention administrative respectant les normes en vigueur ».

Pressentant cependant la libération des exilés kurdes par la justice, le ministre affirmait dans le même temps que leurs demandes d'asile seraient instruites par l'Ofpra en « procédure normale et non accélérée. » Les associations continuent cependant d'exiger que soient retirés les arrêtés de reconduite à la frontière pris à leur encontre, sans attendre que les tribunaux administratifs statuent définitivement sur leur légalité. Tant qu'elles sont encore sous le coup d'une mesure d'éloignement, les personnes, bien que libérées, ne peuvent en effet exercer leur droit d'asile en bénéficiant de la procédure régulière. Dimanche soir, les 94 réfugiés kurdes libérés ont dormi à l'abri, dans des lieux d'hébergement réquisitionnés par les préfectures des Bouches-du-Rhône, du Gard et d'Ille-et-Vilaine. Le cabinet du ministre de l'immigration expliquait que les préfets avaient été mobilisés pour leur trouver des places en centres d'hébergement d'urgence.

En Corse, l'enquête du parquet d'Ajaccio sur les conditions d'arrivée des 123 réfugiés sur le territoire français se poursuit. Les recherches menées en Sardaigne pour tenter de retrouver le bateau qui les aurait déposés se sont révélées vaines. Les enquêteurs doutent de plus en plus que les migrants aient pu arriver directement par la mer. « Il est possible qu'ils soient arrivés en Corse à bord d'un camion en provenance de Sardaigne et ayant fait la traversée par ferry », expliquait samedi, le préfet de Corse.

Laetitia Van Eeckhout

samedi, janvier 23, 2010

Grèce : faciliter la naturalisation des immigrés et de leurs enfants

Le Monde du 21.01.10

Fondée sur le droit du sang, la législation actuelle fragilise l'insertion des étrangers, qui représentent 10 % de la population. Le droit de vote aux élections locales leur serait accordé

S'il avait eu le droit de voter en Grèce, Elias Tzogonas aurait donné sa voix au Pasok, le parti du nouveau premier ministre socialiste, Georges Papandréou. Pour une simple raison : dans le programme qu'il s'apprête à mettre en oeuvre, le gouvernement élu en octobre 2009 a glissé un projet de réforme du code de la nationalité qui devrait changer sa vie. Et entraîner, au-delà de son propre cas, une véritable révolution culturelle.

Elias a beau n'avoir étudié, travaillé légalement qu'en Grèce, il n'a toujours pas, à 35 ans, la nationalité grecque. De son Kenya natal qu'il a quitté avec ses parents à l'âge de 3 ans, il ne connaît rien. « Je ne suis que grec, dit-il. Mes souvenirs sont grecs, j'ai joué et je me suis blessé ici, toutes les marques sur mon corps sont grecques. »

D'année en année, il galère pour obtenir à Athènes un permis de séjour terriblement coûteux et au renouvellement incertain. Des « Elias », la Grèce en compte environ 130 000, les enfants des quelque 750 000 immigrés ayant réussi depuis vingt ans à légaliser peu ou prou leur situation. S'y ajoutent 250 000 « illégaux », arrivés après la dernière légalisation de 2005. Au total, les immigrés représentent un million de personnes, soit 10 % de la population, dont plus de la moitié venue de l'Albanie voisine.

Le projet de loi prévoit d'accorder la naturalisation à ces immigrés de la deuxième génération, nés ou scolarisés dans le pays, d'assouplir les règles de naturalisation pour la première génération et, pour les immigrés légaux, d'offrir le droit de vote et l'éligibilité limitée au poste de conseillers locaux.

Depuis vingt ans, les naturalisations sont exceptionnelles en Grèce et visent de préférence les personnes d'origine grecque et/ou de religion chrétienne orthodoxe, majoritaire dans le pays. La procédure est longue, incertaine, arbitraire. A leur majorité, les enfants d'immigrés sont soumis au régime du permis de séjour, comme s'ils venaient d'arriver la veille en Grèce. Le pays est, avec l'Autriche, le plus rigide en Europe en matière de naturalisation. « Nous voulons mettre fin à l'absurdité actuelle », note Andréas Takis, secrétaire général à l'immigration.

L'annonce du projet de loi anime les conversations dans les cafés, les débats dans les journaux et à la radio. Comme l'Irlande, l'Espagne, le Portugal ou l'Italie, la Grèce s'est transformée d'un coup de terre d'émigration en pays d'accueil, avec l'ouverture des frontières des anciens pays du bloc communiste après 1989. La Grèce a acquis une mauvaise réputation de racisme ordinaire. Les organisations internationales ont souvent dénoncé le pays pour le mauvais traitement de ses immigrés.

La réforme du code de la nationalité est un coup porté à la tradition. Dans un pays où la législation qui s'applique n'est pas le droit du sol mais le droit du sang, analyse Dimitris Christopoulos, président de la Ligue hellénique des droits de l'homme, « devenir grec c'est une notion taboue. D'une part, le mythe a été cultivé, jusque dans les programmes scolaires, d'une homogénéité ethnique et religieuse du peuple hellène, continue depuis l'Antiquité. D'autre part, pendant la dictature des colonels, le retrait de la nationalité était un instrument majeur de l'autorité ».

Pour la première fois, la question, explosive, est donc posée sur la scène politique : une personne n'ayant pas de sang grec peut-elle être grecque ? « Albanais, Albanais, jamais tu ne deviendras grec », disait un fameux slogan skinhead, longtemps populaire dans les stades ou sur les murs d'Athènes.

Le gouvernement tente de ne pas trop dramatiser la question. La droite, elle, monte au créneau : « Vous créez l'impression qu'il suffit d'entrer en Grèce pour acquérir sous peu la nationalité, ce qui va alimenter encore plus l'immigration illégale », blâme Antonis Samaras, le chef de Nouvelle Démocratie, principal parti d'opposition de droite. Il déplore que l'on renonce à la « grécité » quand les Français, eux, « découvrent aujourd'hui l'importance et l'actualité de l'identité nationale ».

L'extrême droite, représentée au Parlement par les quinze députés du parti Laos, prédit une « invasion ». Sur le site du gouvernement, des internautes réclament un référendum pour préserver « l'homogénéité ethnique » du pays. Le gouvernement propose la réforme du code de la nationalité alors qu'en Grèce, aux confins orientaux ou transite un tiers de l'immigration irrégulière en Europe, la forte pression migratoire ne se relâche pas. Des quartiers d'Athènes sont devenus des ghettos misérables où s'entassent une partie de ces migrants, notamment irakiens, afghans ou somaliens.

Le recours présumé à la délinquance pour survivre affole l'opinion publique. Les opposants à la réforme tentent de l'exploiter. Avec un succès limité : selon un sondage commandé par la chaîne de télévision Méga, 64,9 % sont pour l'octroi de la nationalité à la deuxième génération, 49,6 % sont opposés au droit de vote.

Catherine Georgoutsos et Marion Van Renterghem

jeudi, janvier 07, 2010

La France a expulsé 29.000 étrangers en 2009 et accueilli 175.000 étrangers pour installation définitive sur le territoire


La France a expulsé 29.000 étrangers en 2009

La France a expulsé 29.000 étrangers en situation irrégulière en 2009, annonce le ministre de l'Immigration, Eric Besson.Lire la suite l'article
Dans la lettre de mission d'Eric Besson, Nicolas Sarkozy avait fixé à 27.000 l'objectif annuel des reconduites à la frontière.
En 2009, "175.000 étrangers sont entrés légalement sur le territoire français au titre de ce qu'on appelle les longs séjours, 29.000 environ ont été reconduits à la frontière et 108.000 étrangers ont eu accès à la nationalité française", a déclaré le ministre sur Europe 1.
Parmi les 29.000 personnes expulsées figuraient douze Afghans, a-t-il précisé.
"Je ne fais pas du chiffre", s'est défendu Eric Besson qui a redit mener une politique migratoire "ferme et juste".
"Je crois qu'il faut réguler les flux migratoires et que pour bien accueillir les étrangers en France et bien les intégrer, cela passe par la langue, l'emploi et le logement et que donc il faut reconduire à la frontière ceux qui entrent illégalement", a-t-il souligné.