jeudi, septembre 25, 2008

Centres de rétention : du changement en vue

Centres de rétention : les associations craignent pour leur mission de contrôle


Un pan essentiel de la politique migratoire du gouvernement, l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, risque de passer dans l'ombre. C'est l'inquiétude formulée par les associations depuis la publication, le 22 août, du décret réformant le dispositif d'aide aux personnes placées dans les centres de rétention administrative (CRA), et l'appel d'offres ministériel qui a suivi, le 28 août.

Jusqu'alors, la mission d'information et d'aide juridique aux étrangers placés en rétention dans l'attente d'une expulsion était confiée à une seule association nationale, la Cimade. Celle-ci publie un rapport annuel fouillé. Le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux, agacé par les propos "toujours critiques" de cette dernière, n'a pas caché qu'en décembre, au terme de la convention triennale la liant à l'Etat, il en finirait avec cette "situation de monopole". Pour nombre d'associations, le gouvernement cherche à démanteler la mission d'aide aux étrangers sous couvert d'"introduire davantage de diversité" dans les CRA.

Mercredi 24 septembre, Amnesty International, l'Anafé, l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture, le Comité médical pour les exilés et la Ligue des droits de l'homme appellent toutes les structures concernées par ce changement à réfléchir à une réaction commune. De plus, une pétition lancée le 11 septembre pour dénoncer "une mise aux ordres des associations" a fédéré quelque quatre- vingts organisations associatives, syndicales et politiques. Le nouveau décret prévoit de répartir en huit lots la trentaine de centres de rétention répartis à travers la France. Chacun se verra confier à "un" intervenant, qui pourra être une association ou toute autre "personne morale", entreprise, organisme parapublic, national ou local. Dans son appel d'offres, le ministère a renoncé à maintenir une mission d'ensemble cohérente assurée en concertation par plusieurs associations, choisissant l'éclatement.

La mission d'intervention consistait jusqu'alors à "informer les étrangers et les aider à exercer leurs droits". Mais si le nouveau décret la mentionne encore en ces termes, l'appel d'offres, lui, réduit le rôle des futurs intervenants auprès des retenus à une fonction d'"information, en vue de l'exercice de leurs droits". L'aide juridique qui était jusqu'à présent assurée se trouve ainsi minorée.

Le ministère de l'immigration a déjà démarché plusieurs associations et organismes parapublics, tel l'Adoma (ex-Sonacotra), la Croix-Rouge, le gestionnaire de foyers Aftam... L'Adoma a décliné l'offre, estimant que "ce n'est pas (son) métier". La Croix-Rouge, comme France Terre d'asile, affirme ne pas vouloir "entrer en concurrence avec la Cimade". Autre association, Forum réfugiés a décidé de "tenter d'y aller". "La diversité d'expression ne peut que renforcer l'analyse de la situation dans les CRA", estime son directeur, Olivier Brachet, prêt à se coordonner avec les sept autres intervenants.

A l'inverse, Patrick Delouvin, d'Amnesty international, craint que "l'émiettement de la mission rende impossible toute analyse et vision d'ensemble sur la rétention". Selon lui, " d'une mission nationale cohérente, on passe à une mise en concurrence de prestataires". Il redoute que, "soumis à une stricte neutralité, certains intervenants hésitent à parler, de peur de perdre leur marché".

"CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE"

Chaque intervenant devra en effet respecter "une stricte neutralité", faute de quoi l'administration pourra résilier le marché sans indemnités. Et si chacun devra "rendre compte à l'administration de la réalisation des prestations, selon une périodicité trimestrielle", les documents ne pourront pas être communiqués "dans le cadre des rapports et communications propres à la personne morale". En d'autres termes, il en sera fini des rapports annuels que publiait jusqu'alors la Cimade, pour témoigner de la situation dans chaque centre de rétention.

Pour Michel Agier, anthropologue à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et directeur d'étude à l'EHESS, "avec cet appel d'offres, un pas important est franchi, qui vise à interdire qu'un contrôle démocratique s'exerce dans ces lieux". Selon lui, la directive européenne "Retour" autorisant la rétention jusqu'à 18 mois va dans le même sens. "Un peu partout dans le monde, on voit se multiplier de tels lieux mis à l'écart, non visibles, avec une mise au pas de l'humanitaire."

Laetitia Van Eeckhout

Chiffres


Nombre de centres.
Il existe aujourd'hui en France métropolitaine une trentaine de centres de rétention administrative (CRA), contre 16 en 2003.

Capacité d'accueil. A la faveur d'un vaste plan de "rénovation" des CRA, le nombre de places disponibles en rétention est passé de 739, en 2003, à 1 724 en 2007.

Nombre de retenus. Selon les données recueillies par la Cimade, 34 379 personnes ont été en 2007 retenues de 24 heures à 32 jours, la durée moyenne de rétention s'élevant à plus de 10 jours.

LE MONDE, 22.09.08

vendredi, septembre 12, 2008

Renforcement du droit à l'information du demandeur d'asile

Un décret n° 2008-702 du 15 juillet 2008 (JO, 17 juill.) sur le droit d'asile garantie de nouveaux droits aux demandeurs d'asile à différentes phases de l'introduction et d'instruction de sa demande ou du recours devant la CNDA.

Il s'agit en fait de transposer en droit français une Directive européenne du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (Dir. 2005/85/CE du Conseil, 1er déc. 2005 : JOUE n° L 326, 13 déc.).


- À la frontière, le demandeur d’asile doit être informé sur « la procédure de demande d’asile, les droits et obligations au cours de cette procédure, sur les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et les moyens dont il dispose pour l’aider à présenter sa demande » (C. étrangers, art. R. 213-2 et R. 213-3). Cette information doit être donnée « sans délai » mais « dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend ». Il est toutefois prévu que tant à l’entrée sur le territoire (C. étrangers, art. R. 213-2) que lors de l’instruction de sa demande sur le territoire (C. étrangers, art. R. 723-1-1) « lorsque l’audition du demandeur d’asile nécessite l’assistance d’un interprète sa rétribution est prise en charge par l’État ».

- La décision d’entrée sur le territoire(C. étrangers, art. R. 213-3, al. 2), de même que celle de l’OFPRA sur la demande d’asile (C. étrangers, art. R. 723-2, al. 3) ou sur une demande de réexamen (C. étrangers, art. R. 723-3) doivent être communiquées au demandeur « dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend ». Cette exigence s’applique aussi à l’étranger placé en rétention administrative (C. étrangers, art. R. 723-2, al. 5).

- Au moment de l’instruction de sa demande d’asile sur le territoire, l’audition du demandeur prévue par la loi (C. étrangers, art. R. 723-3) doit faire l’objet d’un rapport écrit qui, « outre les raisons justifiant l’asile », comprend « les informations relatives à son identité et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d’asile antérieures, ses documents d’identité et titres de voyage » (C. étrangers, art. R. 723-1-1, al. 1er).

- Le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ouvre droit à transmission au demandeur d’une copie du rapport d’audition ainsi que de la décision de refus du directeur général de l’OFPRA (C. étrangers, art. R. 723-1-1).

- Le demandeur d'asile bénéficie d’une garantie de confidentialité s’agissant du rapport d'audition de l'OFPRA. Aussi la collecte d’informations nécessaires à l’instruction de la demande n’ait pas « pour effet la divulgation directe, aux auteurs présumés de persécutions à l’encontre de l’étranger demandeur d’asile, d’informations concernant la demande d’asile ou le fait qu’une demande d’asile a été introduite » (C. étrangers, art. L. 723-2).

- Devant la CNDA, « le dossier du demandeur est tenu à la disposition de l’avocat » (C. étrangers, art. R. 733-10, al. 2).

Nouvel accord franco-gabonais de gestion concertée des flux migratoires

Nouvel accord franco-gabonais de gestion concertée des flux migratoires

L’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé par la France et le Gabon le 5 juillet 2007, facilite la délivrance des visas et l’admission au séjour des ressortissants gabonais qui souhaitent se rendre en France pour y suivre des études, pour motifs professionnels ou familiaux.

Mais l'accord prévoit en contrepartie une réadmission plus rapide des personnes en situation irrégulière et de lutte contre l’immigration irrégulière.


> D. n° 2008-900, 3 sept. 2008 : JO, 6 sept.

Rétention : nouvelles règles

Un décret du 22 août 2008 (Décret n° 2008-817, JO 23 août) apporte plusieurs modification au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant le contentieux de la prolongation de la rétention et l'intervention des associations dans les lieux de rétention.

Le décret modifie plusieurs dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en matière de rétention administrative.

1) Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court à compter de la notification de la décision décidant de la prolongation de la rétention (art. R. 552-12 CESEDA).

2) Appel possible de la préfecture des décisions du JLD : instauration de la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention – et non plus uniquement de former un pourvoi en cassation – devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans les 24 heures de son prononcé, par l'étranger, par le préfet de département et, à Paris, par le préfet de police. L'appel n'est pas suspensif sauf demande du ministère public (art. R. 552-20). Le premier président ou son délégué statue sans délai sur la demande visant à déclarer l'appel suspensif, en fonction des garanties de représentation dont dispose l'étranger ou de la menace grave pour l'ordre public. Sa décision est portée à la connaissance de l'étranger et communiquée au procureur de la République qui veille à son exécution et en informe l'autorité administrative (art. R. 552-22). L'ordonnance du premier président ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé la rétention et au ministère public (art. R. 552-24).

3) ouverture des centres de rétentions à d'autres associations que la CIMADE. L'article R. 553-14 du CESEDA prévoit désormais que pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, le ministre chargé de l'immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits (art. R. 553-14). L'accès aux centres de rétention administrative des représentants des personnes morales est subordonné à un agrément individuel accordé pour une durée de trois ans par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police (art. R. 553-14-1). Des dispositions semblables sont prévues pour les locaux de rétention administrative (art. R. 553-14-2 et R. 553-14-3).