dimanche, mars 23, 2008

France : Quid des contrats d'intégration

La France impose un contrat d'intégration
Source : Cyberpresse.ca

L'immigration pèse lourd en France: sur 62 millions d'habitants, 8% viennent de l'étranger. Et 200 000 personnes de plus arrivent chaque année, le double ou le triple si on compte les illégaux. Le président Sarkozy souhaite changer les règles, et favoriser l'immigration économique au détriment de la réunification des familles. Mais qu'importe le processus de sélection, tous devront signer un «contrat d'accueil et d'intégration».

Une étude européenne, parue en début de semaine, indique que la France est désormais l'un des pays ayant les politiques d'obtention de la citoyenneté les plus restrictives du continent.



Une trentaine de personnes originaires de pays aussi divers que le Mali, la Chine et le Brésil regardent, sans broncher, une courte vidéo censée leur expliquer comment les Français de toute provenance peuvent «vivre ensemble».

Le court document, projeté sur un écran adjacent à un buste de Marianne, débute sur une image de la tour Eiffel, avant de souligner l'importance des valeurs de liberté, de fraternité et d'égalité issues de la Révolution 1789. «Pour vivre ensemble, il est nécessaire de les comprendre et de les respecter», souligne d'emblée le narrateur à l'attention du public, formé d'immigrants dotés, depuis peu, d'un titre de séjour.

Réunis à Paris à l'initiative de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), ils doivent signer ce jour-là un «contrat d'accueil et d'intégration» qui lie leur maintien en sol français au respect d'un certain nombre d'engagements.

«C'est un contrat très, très, très important... En le respectant, vous trouverez votre place dans la société française», souligne l'animatrice de la séance, Bouchra el Hamdouchi, en brandissant un document de deux pages signé par le préfet de la région.

Le contrat en question, obligatoire depuis le 1er janvier 2007 pour tous les immigrants provenant de l'extérieur de l'Union européenne, précise en préambule que la France est un pays démocratique où chaque citoyen dispose de droits et de devoirs «sans distinction d'origine, de race et de religion». La femme, peut-on lire, est l'égale de l'homme ; la polygamie et les mariages forcés sont strictement interdits.

Le contrat impose au signataire de suivre une formation civique d'un après-midi. Il exige aussi l'obtention d'une maîtrise minimale du français. Au besoin, une formation linguistique est offerte aux frais de l'État. Un cours expliquant l'a b c administratif du pays peut aussi être requis. Ces engagements sont pris en compte par la préfecture au moment de remettre la carte de résident et peuvent constituer, s'ils ne sont pas respectés, un motif suffisant de refus.

100 000 contrats

Pour Hacene Chabane, immigrant d'origine algérienne de 28 ans rencontré à la mi-mars dans les locaux de l'Agence d'accueil, la signature du contrat ne pose aucun problème. «C'est très utile de savoir comment fonctionne la vie en France», dit M. Chabane, qui avoue avoir été surpris, dans un premier temps, lorsqu'il a entendu parler du contrat.

L'homme, arrivé au pays l'an dernier, maîtrise le français et se voit donc immédiatement exempté des cours de langue. Sa première préoccupation est de savoir comment il pourra caser la séance de formation civique sans empiéter sur son travail d'agent de sécurité. «Ne vous inquiétez pas. On ne va quand même pas vous demander d'abandonner votre emploi pour la suivre», le rassure Mme el Hamdouchi lors d'une rencontre individuelle.

En 2007, plus de 100 000 contrats du genre ont été signés en France. La mesure, introduite en 2003, a graduellement été élargie à l'ensemble du territoire avant de devenir obligatoire.

Selon Arlette Vialle, directrice territoriale de Paris à l'ANAEM, le pays a longtemps considéré à tort les immigrants comme des personnes qui venaient temporairement s'installer pour travailler avant de repartir. L'approche a changé au début des années 90. À l'époque, des émeutes ont mis en relief le fait qu'une fraction importante des immigrants peinaient à se trouver un travail et vivaient coupés de la société.

Le gouvernement cherche, en imposant le contrat, à encourager activement l'intégration des nouveaux arrivants, souligne Mme Vialle. «Ça permet d'éviter que des immigrants s'installent en France et s'habituent à vivre sans parler français dans un communautarisme total qui les exclut de la société.»

Sus aux illégaux

L'imposition du contrat d'intégration n'est que l'une des multiples modifications apportées au cours des dernières années aux lois françaises en matière d'immigration. Il s'agit de l'un des thèmes de prédilection du président, Nicolas Sarkozy, qui avait soulevé de vives critiques durant la campagne présidentielle de l'année dernière en annonçant son intention de créer un ministère de l'Immigration et de «l'Identité nationale».

Le ministre responsable, Brice Hortefeux, un collaborateur de longue date du président, multiple les annonces à ce sujet en insistant sur la nécessité d'en arriver à un «juste équilibre» entre flux migratoire et intégration. Il a mandaté récemment une commission qui planche sur une nouvelle politique de quotas visant à définir, au préalable, combien de titres de séjour doivent être octroyés par région, voire par pays.

Le gouvernement souhaite modifier ses politiques pour favoriser l'immigration économique au détriment de l'immigration familiale, actuellement prédominante.

Le virage en cours s'accompagne, par police interposée, d'une forte pression sur les immigrants illégaux. L'approche musclée des autorités est décriée par les organismes communautaires. «L'étranger est le bouc émissaire. On ne va pas jusqu'à dire que tout ce qui ne va pas est de sa faute, mais c'est ce qui est suggéré», dit Bernard Aubrey, du Groupe d'information et de soutien des immigrés.

Une étude européenne, parue en début de semaine, indique que la France est désormais l'un des pays ayant les politiques d'obtention de la citoyenneté les plus restrictives du continent.

La Grande-Bretagne serre la vis aux immigrants

La Grande-Bretagne serre la vis aux immigrants


Source : Cyberpresse.ca

Les beaux jours des immigrants en Grande-Bretagne sont comptés. Dans un climat où l'immigration a le dos large, le gouvernement britannique a décidé de serrer la vis. Que ce soit pour obtenir un permis de travail ou la citoyenneté, les arrivants feront bientôt face à une course à obstacles, avant même d'arriver à la ligne de départ.


C'est l'heure de la collation en ce matin de février à l'école secondaire pour filles Tolworth, dans la banlieue londonienne de Surrey. Des adolescentes trottinent, serrant contre elles leur sac, rose de préférence. Une élève d'origine indienne en tire une autre par le bras. Deux Asiatiques à lunettes discutent discrètement dans un coin.

Le visage culturel de l'école change. Et cela cause de sérieux maux de tête à la directrice, Clarissa Williams. Elle manque de moyens pour répondre aux difficultés d'apprentissage des enfants allophones. Elle reçoit 7000$ des deniers publics pour cette clientèle, alors qu'il lui en coûte 60 000$ par année.

«J'ai dû gratter à droite et à gauche pour trouver cet argent, dit-elle. La semaine dernière encore, nous avons reçu deux nouvelles élèves, une du Sri Lanka et une autre d'origine pakistanaise. On ne peut pas les renvoyer, il faut leur trouver une place. Nos dirigeants ignorent à quel point notre situation est critique.» Mme Williams est aussi vice-présidente de l'Association des directeurs d'école britanniques.

Critique certes, et pas seulement à Surrey. Car dans 1300 écoles au pays, la majorité des élèves ont une autre langue maternelle que l'anglais.

La surenchère

«Des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques», a promis le premier ministre Gordon Brown en septembre dernier. Une telle formule aurait choqué l'opinion publique il y a à peine cinq ans. Plus maintenant.

Autrefois tabou, l'immigration est devenue un sujet chaud. Ou plutôt, les problèmes qui lui sont attribués, à tort ou à raison. Pas une semaine sans que les tabloïds n'accusent les immigrants de voler des emplois ou de recevoir des allocations pour leurs enfants vivant à l'étranger. Près de 70% des Britanniques jugent le gouvernement trop mou en la matière.

Depuis 2004, l'immigration nette oscille autour de 200 000 personnes par année. Et un nombre équivalent de sans-papiers disparaissent dans la nature.

Downing Street a cédé à ce climat de surenchère. Gordon Brown a annoncé le mois dernier qu'il ajouterait quelques haies dans la course à la citoyenneté. Bientôt, il ne suffira plus pour les étrangers de travailler et payer leurs impôts pour obtenir le passeport britannique. Ils devront aussi prouver qu'ils s'intègrent bien à leur communauté, en pratiquant le bénévolat ou en faisant des dons à des oeuvres de charité.

Au pied du mur

C'est toutefois l'adoption d'un système d'immigration à points, semblable à celui du Canada, qui inquiète les défenseurs des immigrants. Les candidats seront admis au pays seulement s'ils obtiennent un nombre suffisant de points. Ceux-ci seront attribués selon l'âge, le revenu, la scolarité et la spécialisation. La première phase, qui vise les immigrants hautement qualifiés, a débuté le 29 février. Le reste du système, touchant d'autres types de travailleurs, sera introduit progressivement au cours de l'année.

L'expert Habib Rahman croit que cette politique est fondée sur des principes racistes. «Ce sont surtout les Indiens et les Africains qui écoperont puisque les Européens n'ont pas besoin de visa pour travailler ici», explique le directeur d'un groupe de pression en faveur de l'immigration, le JCWI.

Pour la majorité des 49 000 immigrants hautement qualifiés déjà au pays, la situation est catastrophique. Car le gouvernement a déjà commencé à appliquer le système de points à ceux qui renouvellent leur visa. Or, selon ses critères sévères, 90% d'entre eux devront plier bagage.

Victor Abegunde en fait partie. Le Nigérian de 37 ans avait quitté un bon poste dans une banque pour repartir à zéro en Grande-Bretagne. Pour démontrer son engagement, il avait vendu sa maison et ses actions.

Après un an au pays, il s'est vu refuser la reconduction de son permis de travail en avril 2007 chez son employeur. Motif? Son salaire de 50 000 $ et ses qualifications n'étaient pas assez élevés.

Sans le sou, le père de famille se sent acculé au mur. «Je me sens trahi par le gouvernement britannique, explique-t-il. J'ai sacrifié tant pour venir ici! Mon ancien employeur au Nigeria ne veut pas me reprendre. Je peux être déporté à tout moment.»

Il garde tout de même espoir. Un groupe de défense des droits des immigrants, le HSMP Forum, tente de démontrer que le gouvernement ne peut pas changer les règles du jeu pour les travailleurs déjà au pays.

Aux yeux de Keith Best, directeur d'un service de consultation juridique pour les immigrants, la Grande-Bretagne glisse vers la xénophobie. «Le débat sur l'immigration est devenu trop émotif, dit-il. Il faut éviter qu'une partie de la population devienne le souffre-douleur national. C'est ce qui était arrivé aux Juifs en Europe, avant l'Holocauste, au début du siècle dernier.»

dimanche, mars 16, 2008

Canada : Loi sur l'immigration: des changements «inquiétants»

Loi sur l'immigration: des changements «inquiétants»

Hugo De Granpré

La Presse, Ottawa

Un projet de loi déposé hier et qui fera l'objet d'un vote de confiance à la Chambre des communes donne un pouvoir discrétionnaire beaucoup trop grand à la ministre de l'Immigration, disent des spécialistes du domaine.

La ministre Diane Finley a introduit des amendements à la Loi sur l'immigration et le statut réfugié dans le but officiel de réduire les listes d'attente de demandeurs. Actuellement, plus de 800 000 personnes attendraient une réponse du gouvernement canadien, parfois depuis aussi longtemps que quatre, cinq ou six ans.

Si elles étaient adoptées, ces mesures donneraient à la ministre le pouvoir de donner des instructions pour le traitement des demandes. Mme Finley, ou ses successeurs, pourraient par exemple restreindre le nombre de demandes à traiter par année, ou déterminer quelles catégories seraient traitées, et dans quel ordre.

«Notre objectif principal est d'amener plus d'immigrants ici, et de les amener plus rapidement», a déclaré Mme Finley lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.

L'avocat montréalais Joseph Allen et la directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, Janet Dench, approuvent cet objectif. Ils craignent cependant que la discrétion accordée à la ministre - de fixer ses «instructions» elle-même et par règlement - ne soit dangereuse.

«La discrétion ministérielle a toujours été un aspect que les avocats n'aiment pas. On préfère faire affaire avec des critères qui sont établis et auxquels nous pouvons nous attendre qu'ils soient respectés quand nous faisons nos demandes», a déclaré Me Allen, président de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

Selon ces deux experts, l'élément le plus inquiétant est le fait que la ministre ait placé les demandes pour motifs d'ordre humanitaire sous cette nouvelle discrétion.

«Je me demande jusqu'à quel point le ministère profite de l'ouverture de cette loi pour glisser cela en même temps. Je ne vois pas vraiment le rapport avec le point principal, qui est de gérer les demandes économiques», s'est questionnée Janet Dench. Elle a ajouté qu'une fois cette discrétion introduite dans la loi, elle le serait pour tous les ministres et gouvernements à venir.

Les partis d'opposition ont eux aussi critiqué les amendements à la loi sur l'immigration. La députée néo-démocrate Olivia Chow craint que le gouvernement ne favorise dorénavant certains intérêts économiques au détriment de la réunification familiale par exemple. «La manière de réduire cette liste est d'augmenter les cibles d'immigration, d'annuler les coupes et d'engager plus de gens dans les bureaux de visas outre-mer», a-t-elle affirmé.

Le chef libéral, Stéphane Dion, a qualifié ces nouvelles mesures d'arbitraires et susceptibles d'engendrer des abus. Il a ajouté que son parti ne pourrait appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle. Mais il a refusé d'aller jusqu'à dire qu'il s'en servirait pour provoquer des élections. «Ça peut vouloir dire provoquer des élections, mais ça peut vouloir dire aussi que nous manifestons notre désaccord et que nous attendons un autre moment pour provoquer des élections», a-t-il dit.

La ministre Diane Finley, de son côté, a balayé toutes ces critiques d'un revers de main. Elle a précisé que son premier objectif serait de s'attaquer aux dossiers inactifs qui bloquent le système.

À terme, Mme Finley espère réduire l'attente à une moyenne d'un an, ce qui équivaut à réduire la liste d'attente à maximum 400 000 demandes, dit-elle. Par contre, elle est restée vague sur la manière dont elle comptait s'acquitter de ses nouveaux pouvoirs, une fois la loi adoptée.

Le projet de loi C-50, qui plus globalement vise à mettre le budget en oeuvre, fera son chemin à travers la procédure normale d'adoption des lois au Parlement. Il devrait être étudié de manière plus détaillée en comité d'ici quelques semaines.

Il faut enfin noter que ces changements toucheront le Québec de manière indirecte, puisque les demandes d'immigration sont faites par le ministère de la province. Une approbation du fédéral est toutefois nécessaire une fois l'acceptation québécoise reçue.

Par ailleurs, le Canada a accueilli 429 649 étrangers en 2007, «un nombre record», a annoncé hier le ministère canadien de l'Immigration.

Les avocats spécialisés se disent inquiets des lois immigration

Les avocats spécialisés se disent inquiets des lois immigration
Reuters

Réunis samedi à Nantes (Loire-Atlantique), une cinquantaine de militants associatifs et d'avocats spécialisés en droit des étrangers se sont déclarés inquiets des conséquences des dernières lois Sarkozy et Hortefeux en matière d'immigration.
"Avec trois lois en quatre ans, c'est un droit en perpétuelle évolution. Il faut sans cesse se remettre à jour, car la jurisprudence n'a pas le temps de se stabiliser. C'est un vrai nid à litiges." a expliqué à Reuters Marie-Cécile Rousseau, qui préside la commission sur les droits des étrangers du barreau de Nantes.

Lors de cette journée, les associations de défense des immigrés (Cimade, MRAP, Ligue des droits de l'Homme) ont fait état de "dérives" qu'elles disent avoir constaté sur le terrain.

"Les mairies doivent s'assurer de l'identité des étrangers qui viennent les voir, mais en aucun cas s'assurer de la régularité de leur séjour en France", a expliqué par exemple Pierre Jourdain, membre d'une coordination régionale Bretagne/Pays de la Loire d'aide aux immigrés.

"Pourtant, certains agents zélés feuillettent les passeports, et s'ils ne voient pas de visa, le signalent au procureur de la République", assure-t-il.

Cette réunion avait aussi pour objet de faire circuler les dernières décisions de justice entre les avocats spécialisés, qui ne sont pas légion au niveau national.

"Le droit des étrangers a longtemps été délaissé, car les litiges n'étaient pas intéressants et rémunérateurs. Mais aujourd'hui, le nombre de contentieux explose. Les étrangers sont en outre une population fragilisée, qui méconnaît ses droits", dit Marie-Cécile Rousseau.

Ces réunions annuelles existent depuis quatre ans à Nantes, et ont coïncidé avec la mise en place de la première loi CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), dite "Sarkozy I". Cette dernière a été complétée le 14 novembre 2006 par une seconde loi, dite "Sarkozy II", et renforcée par la loi Hortefeux du 20 novembre 2007.

Ce dernier texte, qui introduisait la possibilité de recours à des tests ADN pour prouver un lien de parenté dans le cas d'une demande d'immigration liée à un regroupement familial, avait provoqué une vive polémique lors du débat parlementaire.

Guillaume Frouin

dimanche, mars 09, 2008

Immigration - Filles d’Abraham mise en ligne

Source : Secours Catholique : http://www.secours-catholique.asso.fr/actualitefrance_1472.htm

À l’heure où des sans-papiers sont expulsés, des femmes maghrébines et françaises cassent les préjugés et vont à la rencontre les unes des autres. À l’image du patriarche biblique qui laissait les quatre pans de sa tente ouverts pour accueillir les visiteurs, le groupe interculturel de Toulon, la Tente d’Abraham, ouvre ses portes aux personnes en attente de régularisation. Les mots d’ordre sont partage, tolérance et culture.

Tandis que le poste de musique diffuse des airs orientaux, Fatima écrit avec application sur le glaçage du gâteau “Aïd Mabrouk et Joyeux Noël”. Deux termes qui, au premier abord, semblent étranges mis côte à côte. L’un est la commémoration de l’obéissance d’Abraham à Dieu au point de sacrifier son fils, l’une des plus importantes fêtes musulmanes, l’autre célèbre la naissance de Jésus-Christ, événement majeur pour les chrétiens. Djellabas aux couleurs chatoyantes, caftans aux tissus soyeux ou karakous aux broderies scintillantes, une quinzaine de femmes ont revêtu leurs plus beaux habits traditionnels pour l’occasion. Aujourd’hui, à Toulon, Maghrébines et Françaises célèbrent avec le même enthousiasme l’Aïd-el-kébir au sein de la Tente d’Abraham. Créée à l’initiative du Secours Catholique avec l’Union diaconale du Var (UDV), Sichem une association d’accueil de l’étranger, et avec Aviso, organisme d’insertion par l’économie, la Tente d’Abraham est « un lieu de rassemblement et de rencontre interculturelle où Français et immigrés apprennent à se connaître », explique Catherine Martinez, présidente de la délégation du Secours Catholique du Var. Inauguré en novembre 2007, ce groupe de partage culturel possède trois pôles. Le premier s’adresse aux enfants dans l’objectif de rompre leur isolement. Solid’amitié, le deuxième pôle, est un groupe de jeunes en difficulté. Les jeunes, volontaires, s’occupent en particulier de l’animation des ateliers d’enfants et organisent des activités et sorties culturelles. Le troisième groupe, Hevra, dont la signification en hébreu est “rassemblement dans un but amical”, réunit une vingtaine de femmes en situation irrégulière et des Françaises. « Sous le nom d’Abraham, père de plusieurs peuples et personnage commun au judaïsme, à l’islam et au christianisme, nous partageons ensemble et apprenons à nous connaître », explique l’une d’elles.

Intégration. Commandement numéro un de l’Aïd-el-kébir : on ne doit pas jeûner en ce jour. Et les participantes comptent bien respecter cette obligation. Les plats s’accumulent au fil des heures dans la cuisine de la Tente d’Abraham. Salade de légumes, tajine de mouton aux pruneaux et aux abricots, cornes de gazelle et toutes sortes de pâtisseries maghrébines garnissent les tables dressées pour l’occasion. Un rêve commun unit ces femmes et leur donne la force de continuer : obtenir des papiers et s’installer de façon durable en France. Venues vivre dans l’Hexagone pour des raisons familiales, financières ou de santé, elles ont quitté la Tunisie, le Maroc, l’Algérie avec l’espoir d’obtenir un statut. Pour nombre d’entre elles, l’attente de régularisation est longue et insupportable. « Ne pas avoir de papiers et attendre ainsi nous tue à petit feu », confirme Saliha, 27 ans, diplômée en droit et marocaine. Même si elle se sent parfaitement intégrée à la société française, la jeune femme ne cesse de se poser cette question : « Jusqu’à quand l’Europe va-t-elle nous supporter ? Aidez-nous à rester dans notre pays ! » Dans la peur perpétuelle d’être reconduites à la frontière, Aziza, Souad, Latifa, Slama et les autres trouvent dans le groupe Hevra une parenthèse de paix et de joie dans leur existence cachée. « Être sans papiers est une humiliation totale. C’est comme si on était sur une barque sans rame, explique Souad, Algérienne de 43 ans. C’est dans ce groupe que j’ai sorti tout ce que j’avais sur le cœur. » Et Latifa de renchérir : « Ici, nous sommes un peu comme dans une famille. » Occasion de se décharger, de décompresser, de sortir de l’exclusion, de se sentir entourés, la Tente d’Abraham est avant tout une intégration à la société française par ces femmes.

Interculturel. Avant de commencer le repas, Fatima, ancienne sans-papiers et salariée de l’association, enseigne aux trente convives la signification de l’Aïd. À son tour, Isabelle explique la symbolique de la crèche. Sur cet échange culturel, le repas débute. À chaque plat, les femmes insistent auprès de leurs invités pour les resservir une, deux, trois fois… comme le veut la tradition orientale. Tandis que certaines se laissent tenter par une pâtisserie de plus, d’autres se lèvent et dansent sur des musiques orientales. Fabienne, bénévole du Secours Catholique, tente la danse du ventre. Chaque jeudi et lundi, les femmes du groupe Hevra se réunissent pour apprendre la danse orientale avec une professionnelle. Si ce n’est pas la danse, c’est la couture ou la cuisine. « Un projet de salon esthétique est sur le point de se réaliser, où nous pourrons nous occuper de nous-mêmes. Il y aura des ateliers pour la manucure, pour s’épiler les sourcils, gommer la peau et se faire coiffer », s’enthousiasme l’une d’entre elles.
Cuisinières chevronnées, les femmes organisent également des tables ouvertes où elles vendent leur cuisine pour 8 euros. « Cet argent leur permet de financer les sorties. Dernièrement, nous avons visité Saint-Tropez, explique Catherine Martinez. Nous réfléchissons également à une piste d’insertion avec un restaurant du monde. » Toutes les femmes ont maintenant rejoint la “piste de danse” tandis que le poste de musique tente, en vain, de couvrir les youyous traditionnels. Le Maghreb n’est plus loin...

Clémence Richard

dimanche, mars 02, 2008

Une convention pour les réfugiés et demandeurs d’asile

Source : Secours Catholique

Le 6 février 2008, l’association de promotion et de protection du droit d’asile, France Terre d’Asile, et La Poste ont signé une convention en vue d’améliorer l’accueil des demandeurs d’asiles et réfugiés dans les services de Poste.

Un homme se présente au guichet de Poste de sa ville. Il est haïtien. Il sort sa carte de réfugié et demande à retirer de l’argent sur son compte qui est largement approvisionné. Le préposé refuse d’accéder à sa demande à la vue de ses papiers. Une situation qui s’est souvent répétée à La Poste. Tant et si bien qu’au mois de juillet dernier, l’association France Terre d’Asile a saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour les égalités (Halde). « La Poste ne reconnaissait pas systématiquement les titres de séjours temporaires, avec photo de l’intéressé, délivrés par les préfectures. Elle refusait parfois de remettre le courrier et d’ouvrir des livrets A pour les demandeurs d’asile », explique France Terre d’Asile dans un communiqué.

Partenariat. « La Poste est un interlocuteur privilégié pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. » Les services de la Poste sont essentiels pour ce public. Ils leur permettent de percevoir les aides versées par les autorités françaises et de recevoir leurs courriers relatifs à la procédure de demande d’asile. France Terre d’Asile et La Poste se sont engagés à leur fournir l’accès à leurs droits et à améliorer les services postaux. La convention de partenariat signée par les deux organismes, le 6 février, permet au public concerné d’accéder librement aux services bancaires et postaux. Pour que le maximum de personnes concernées puisse en bénéficier, France Terre d’Asile a associé à cette convention d’autres organismes qui travaillent avec ce public.

Engagements. « Dorénavant les demandeurs d’asile pourront retirer leur courrier et leur argent que leur récépissé de demande d’asile soit valide ou pas, dès lors que l’identification du demandeur est possible », explique France Terre d’Asile. L’identification sera rendue possible grâce à l’accompagnement d’une personne accréditée par l’une des associations partenaires qui pourra attester de l’identité du demandeur. Ces derniers bénéficieront également d’une ouverture temporaire de livret A sur présentation d’un récépissé de demande d’asile en cours de validité ou d’une convocation Dublin avec photos. Le contact entre les bénéficiaires et la Poste sera également facilité par la désignation d’un bureau de poste référent. Des formations à destinations des personnes de la Poste sur les questions relatives aux demandeurs d’asile et aux réfugiés seront animées par France Terre d’Asile.

samedi, mars 01, 2008

Les Beurs : Des Français à part entière ou entièrement à part ?

«Je veux dire à ces enfants qui sont Français et qui croient souvent à tort, et quelquefois à raison, qu´une partie de la France les aime moins, je veux leur dire que personne ne sera jugé sur la couleur de sa peau ou l´adresse de son quartier». Nicolas Sarkozy, le 8 février 2008

par Professeur Chems Eddine Chitour

Le chef de l´Etat français a présenté, vendredi 8 février, son plan «Espoir Banlieue», axé sur l´insertion par le travail, la lutte contre l´échec scolaire et le désenclavement. Nicolas Sarkozy a également promis des renforts de police. Initialement, cette présentation aurait dû être faite depuis Vaux-en-Velin, aux côtés de la secrétaire d´Etat à la Ville, Fadéla Amara. Mais cette dernière s´est rendue seule dans le Rhône, le 22 janvier, se contentant d´en présenter les grandes lignes au risque d´accentuer l´impression d´impréparation. Surtout, la secrétaire d´Etat a été publiquement désavouée par sa ministre de tutelle, Christine Boutin, qui a déclaré ne pas croire en un "énième plan banlieue". Le plan «Espoir Banlieue» dévoilé par Nicolas Sarkozy s´ajoute, en effet, à une longue liste. Depuis le lancement du programme "Habitat et vie sociale", en 1977, ou la création de la politique de Développement social des quartiers (DSQ) et des zones d´éducation prioritaires (ZEP) en 1981, la politique de la ville en France a compté pas moins de 13 plans successifs. Le chef de l´Etat a souhaité un plan d´action concentré sur une centaine de quartiers prioritaires, autour de trois axes: l´insertion par le travail, la lutte contre l´échec scolaire et le désenclavement.

Nicolas Sarkozy a d´abord annoncé un toilettage du pilotage de la politique de la ville. Un conseil interministériel sera créé sous l´autorité du Premier ministre, et devra être "le lieu de suivi des décisions". Le chef de l´Etat a également appelé à "clarifier la chaîne des responsabilités". Il s´est engagé à ce qu´un représentant de l´Etat soit présent dans chaque quartier visé et a promis de conduire avec les élus locaux une réflexion sur la répartition des dotations aux collectivités. Nicolas Sarkozy s´est fait le chantre de la promotion de la diversité. A ce titre, il a rappelé avoir confié à l´ancienne garde des Sceaux, Simone Veil, la mission d´inscrire la garantie de ce principe dans le préambule de la Constitution. Le chef de l´Etat a également appelé la fonction publique à faire des propositions pour permettre la diversité, "à tous les niveaux".(1)

«J'assume!»
L´ancien ministre de l´Intérieur a aussi abordé la question de la sécurité. Nicolas Sarkozy a annoncé le déploiement de 4000 policiers supplémentaires dans les banlieues d´ici trois ans, plaidant pour "une police au plus près des habitants des quartiers". "Il y a dans ces quartiers un sang neuf pour la France". Pour ne pas le laisser dépérir, Nicolas Sarkozy a promis l´insertion par le travail. Le chef de l´Etat a ainsi annoncé la création d´un nouveau dispositif, baptisé "Contrat autonomie", pour accompagner vers l´emploi dans les trois prochaines années plus de "100.000 jeunes". "Chaque jeune qui le voudra aura ce contrat qui débouchera sur une formation, sur un contrat d´apprentissage ou sur un emploi", a-t-il affirmé. Le chef de l´Etat entend également favoriser la création d´entreprises dans les banlieues. Enfin, pour lutter contre l´échec scolaire, Nicolas Sarkozy a souhaité que les jeunes sortis sans diplôme du système "soient accueillis par une école de la deuxième chance". Le chef de l´Etat n´a pas craint de décréter cette proposition "priorité" de son quinquennat. Il s´agit donc de généraliser ces établissements qui ne sont actuellement qu´une petite poignée par académies, en leur permettant de bénéficier de la taxe d´apprentissage.(1)

Nicolas Sarkozy fait des banlieues un "enjeu de civilisation": "Nous allons réinventer la ville". Il convient enfin, qu´"il y a des quartiers dans notre pays où l´on a moins de droits et moins de chances que d´autres". "J´assume tout ce que j´ai dit et fait par le passé sur le sujet", a-t-il dit en référence à ses propos polémiques sur le "Kärcher" et la "racaille" avant les émeutes de 2005. De quoi s´agit-il? Voilà des jeunes Français en pleine errance identitaire qui peinent à s´en sortir. Ils vivent dans des ghettos appelés banlieues et de temps à autre en réponse à des contrôles fréquents ciblés- délit de faciès- et itératifs, qui finissent mal, du fait que souvent la police se sentant pousser du zèle -surtout ces dernières années- ils rentrent en éruption et flambent tout sur leur passage. On parle alors d´intifada des banlieues. Cette malvie touche même ceux qui font l´immense effort de s´en sortir. Même avec leur diplôme, leur nom de famille est un véritable calvaire qui plombe leur avenir.

Un petit coup d´oeil dans le rétroviseur pour nous rendre compte de la façon dont les ancêtres de ces Beurs sont traités chez eux. Etrange discours, en effet, la rhétorique sur la politique de civilisation bien ciselée et agréable à entendre sans plus. Nous avons des difficultés à comprendre cette hauteur de vue toute gaullienne et les positions pour le moins "colonialistes" du président Sarkozy à Dakar en juillet 2007: "Le drame de l´Afrique, c´est que l´homme africain n´est pas assez entré dans l´Histoire (...). Jamais il ne s´élance vers l´avenir (...). Dans cet univers où la nature commande tout (...), il n´y a de place ni pour l´aventure humaine ni pour l´idée de progrès.". Avec habileté, le président Sarkozy, écrit Prao Yao Séraphin, insulte la mémoire de nos ancêtres, en justifiant son refus de repentance. Pour lui, "le colonisateur est venu, il a pris, il s´est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail. Il a pris mais je veux dire avec respect qu´il a aussi donné". Prao Yao Séraphin poursuit son plaidoyer en écrivant: L´heure est venue de repenser l´Afrique autrement qu´avec des rapports condescendants. Le locataire de l´Elysée gagnerait à lire Paul Bairock, pour qui le sous-développement est un phénomène historique, car "jusqu´à la fin du XVIIe siècle, les écarts dans les niveaux de développement économiques et techniques des divers pays étaient peu importants". C´est la colonisation qui a désarticulé et retardé notre développement".(2)

Ce colonisé n´en est pas pour autant sorti indemne des méfaits de la colonisation. La France a eu besoin des bras et du sang de ces "bougnoules" - René Naba pense que ce mot vient du mot "Abou Gnole", il semblerait que pour affirmer la bravoure des soldats indigènes, on leur donnait de la gnole et on les envoyait à l´assaut pratiquement ivres. C´est avec leur sang que les indigènes ont défendu Wissembourg en 1870, Verdun et le Chemin des Dames en 1917 et, plus tard, ils se distinguèrent sur les théâtres pendant la Seconde Guerre mondiale, Monte Cassino fut pris grâce au sacrifice des RTA et des Tabors marocains (Régiments des Tirailleurs algériens). Le colonisé n´en est pas pour autant quitte. Après 1945 et sous l´impulsion du Plan Marshall, il fallait reconstruire la France. Ces mêmes tirailleurs algériens et marocains, voire sénégalais, devinrent des tirailleurs béton, ils construisirent l´essentiel des infrastructures de la période des Trente Glorieuses. Ce sont justement les descendants de ces pionniers - naturellement analphabètes, la colonisation y ayant veillé - qui vont tenter de s´intégrer - en se désintégrant - dans une société qui leur ordonne de se dissoudre et de gommer leurs aspérités identitaires ou religieuses. Il vient que les discriminations subies par les descendants des colonisés, sont une triste et injuste réalité. Un rapport du Conseil économique et social en France révèle que, loin d´avoir disparu, les pratiques discriminatoires à l´égard des jeunes issus de l´immigration sur le marché du travail sont récurrentes et qu´"il existe une réalité extra-économique, non rationnelle".(3).

Les jeunes issus de l´immigration continuent d´être confrontés à des pratiques discriminatoires. L´exclusion du marché du travail reste la question la plus douloureuse. Une inégalité d´autant plus mal vécue qu´ils ont cru dans l´école et investi dans leurs études. Les discriminations à l´emploi se font, en effet, de plus en plus pesantes en France. Le "plafond de verre", bloque l´ascension sociale des jeunes Beurs, et se fait de plus en plus présent. "Les pratiques discriminatoires sont récurrentes et ont tendance à s´accroître". La transition professionnelle, définie comme le passage du système scolaire vers l´emploi stable, diffère selon la nationalité ou l´origine des jeunes, relève la chercheuse. "Pourtant, ces jeunes ont de meilleurs atouts pour l´accès à l´emploi que leurs parents, en raison de leur formation, des normes sociales acquises, et d´une manière générale, de leur meilleure intégration sociale dans la société. " Mais "il existe une réalité extra-économique, donc non rationnelle, au regard des exigences du marché du travail": à côté des critères utilisés pour tous les demandeurs d´emploi, entrent en jeu des "exclusions formelles" tacites et non reconnues, liées à l´origine ethnique des candidats. Cette réalité douloureuse est difficile à mettre en évidence. Il en ressort qu´à tous les niveaux, les enfants nés de parents immigrés sont handicapés dans leur accès à l´emploi. Mais surtout, les études n´ouvrent pas plus de perspective d´insertion. "L´analyse du taux de chômage par niveau d´études montre que le diplôme n´est pas aussi déterminant pour tous", insiste le rapport. Le taux de chômage des jeunes diplômés issus de l´immigration est le double de celui des jeunes nés de parents français. La discrimination repose plus sur un "faisceau informel d´apriorismes" que sur une orientation idéologique clairement formulée: les chefs d´entreprise, les chargés du recrutement affichent rarement une "préférence nationale". La sociologue Mouna Viprey détaille ainsi le processus classique de cette mise à l´écart: la forme "la plus commune consiste dès le premier stade pour l´employeur, à éviter tout contact avec le postulant d´origine étrangère réelle ou supposée, en lui déclarant que l´emploi est déjà occupé, alors qu´un candidat autochtone est convié à un entretien." Dans une deuxième phase, lors de l´entretien, il est "fréquent" qu´on exige d´eux des qualifications supplémentaires non demandées aux autres. Enfin, même quand un emploi est proposé à des jeunes issus de l´immigration, c´est "souvent"à des conditions moins intéressantes que celles offertes aux autres candidats. "Plus qu´au sein du monde professionnel, la discrimination semble s´exercer à son seuil", conclut la chercheuse.
Cette discrimination directe aboutit enfin à une autre, indirecte et masquée: celle, invisible, qui est pratiquée par les dispositifs d´accueil et d´aide à la recherche à l´emploi (ANPE, mission locale, CIO), qui poussent les jeunes Beurs à déployer des stratégies de contournement. Dans une étude effectuée en 1999 dans le bassin d´emploi de Roubaix sur les jeunes diplômés issus de l´immigration, qui a mis en évidence "une discrimination au faciès, permanente à l´embauche", le sociologue Saïd Bouamama explique que plus de la moitié des jeunes rencontrés se sont vu proposer de modifier leur prénom dans leurs démarches de recherche d´emploi. "Cette expérience est encore plus douloureuse car elle exige une autonégation identitaire", explique le chercheur. Enfin, le taux de chômage des cadres immigrés est deux fois plus élevé que celui de la moyenne de la population active nationale. Le problème de fond réside dans l´image que se fait le Français de souche de l´immigré africain ou arabe, surtout s´il est de confession musulmane. Frantz Fanon dans "Les Damnés de la Terre" avait raison d´écrire que le colonisateur utilisait un "langage zoologique" pour désigner l´indigène. Toujours comparé à un animal sauvage, sournois et dangereux, l´"Arabe" doit être pourchassé et souvent repoussé vers les confins pour assurer le triomphe des Français. C´est une "hyène" ou une "bête féroce" qu´il faut "refouler au loin" et rejeter "pour toujours dans les sables du Zahara (sic)", affirme Hain, fervent défenseur d´une politique brutale de déplacements massifs et forcés des populations d´Algérie. (...) Selon Sauclières, l´"indigène" est un "rapace" dont il faut se méfier, car ses attaques sont à la fois rapides et meurtrières. Sous la plume du capitaine Lapasset, il est un "animal" qui, "comme le chacal", ne s´apprivoise jamais. Pour le général Bugeaud, "les "indigènes" sont des "renards" que l´on doit "fumer à outrance" lorsqu´ils fuient dans des cavernes pour échapper aux armées françaises lancées à leur poursuite. (...)Face aux barbares qui font peser sur la civilisation une menace mortelle, tout est permis, puisqu´ils ne laissent d´autre alternative que de les détruire ou d´être détruits par eux". Bien plus tard, il s´est trouvé un ministre de "Gauche", pour traiter les descendants de ces indigènes de "sauvageons".

L'Autre
Les Beurs des banlieues fondent comme un essaim, qu´ils appartiennent à leurs tribus, qu´ils sont de zoulous, voire des apaches, bref tout un langage forgé par l´homme blanc pour désigner l´Autre qui lui est, par essence, inférieur et qu´il a mission de civiliser portant ainsi sa croix et son fardeau en tant qu´homme blanc ´The white man burden" de Kipling. Pourquoi ne rend-on pas justice à ces Français entièrement à part qui rêvent d´être des Français à part entière. La malvie actuelle des jeunes des banlieues plonge ses racines dans la nuit coloniale. Ce n´est pas, le croyons-nous, des mesures conjoncturelles et quelques saupoudrages loin d´un réel Plan Marshall qui, décidées d´en haut, règleront structurellement le problème de l´intégration de Français issus de l´immigration maghrébine ou d´Afrique noire. Le problème est justement un problème de civilisation: l´Homme blanc pense qu´il est seul producteur de sens. Pour cela, il a la posture du Shérif gardien de "l´ordre". Il est maître chez lui-même si les Beurs sont là depuis mille ans, on leur collera toujours le vocable, devenu péjoratif, celui d´être issus de l´immigration. Un Italien, un Portugais, voire un Hongrois, est rapidement intégré. Pourquoi? Une tentative de réponse consisterait à postuler qu´en définitive, c´est finalement un problème de civilisation qui fait que le corps social français n´absorbe pas des éléments allogènes à sa civilisation, sa culture et en définitive sa religion. Ceux qu´on prétend être "intégrés" seraient en fait, en pleine errance, ayant largué les amarres avec leur identité originelle, on leur impose une identité de rechange où ils seront toujours tenus en suspicion, malgré une allégeance douloureuse et des signes extérieurs d´acculturation.



1.Hugo Lattard. Sarkozy tente de redonner l´espoir aux banlieues. L´Expansion.com - 08/02/2008.
2.Prao Yao Séraphin: Quand Sarkozy déclare la guerre à l´Afrique: Président du Mlan [www.mlan.fr]url:www.mlan.fr Vendredi 14 Septembre 2007.
3.Rapport du Conseil Economie et Social. Le Monde 3.06. 2002.

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger
Ecole d'Ingénieurs de Toulouse



Mardi 19 Février 2008
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