lundi, février 26, 2007

Canada : Les yeux du monde rivés sur la Cour suprême

de Laura-Julie Perreault
Source : Cyberpresse, La Presse

La Cour suprême du Canada rendra ce matin une des décisions les plus attendues de l'année. Et pas seulement au pays. À Washington et à Londres, tout comme à Sydney et à Copenhague, on surveillera de près le verdict du plus haut tribunal du pays sur les certificats de sécurité.

>>>>La décision: les certificats de sécurité sont inconstitutionnels

Après huit mois de délibérations, la Cour déterminera ce matin si la mesure utilisée par le gouvernement pour détenir et expulser de présumés terroristes est compatible avec les droits de la personne et les obligations internationales du Canada.

«Tous les pays occidentaux ont adopté à peu près les mêmes mesures pour faire face au terrorisme et là, une de ces mesures passe le test d'un tribunal important. La décision va faire le tour de la planète en quelques minutes», affirme François Crépeau, professeur de droit à l'Université de Montréal.

La décision canadienne, qui sera disponible sur Internet dès 9 h 45, enrichira la jurisprudence internationale et pourrait influencer les parlements occidentaux dans l'élaboration de nouvelles lois liées à la lutte contre le terrorisme, soutient M. Crépeau.

Selon l'organisation Human Rights Watch, qui surveille de près la contestation des certificats de sécurité devant la Cour suprême depuis plus d'un an, le verdict canadien tombe à point. «Il y a une tendance mondiale à utiliser le droit de l'immigration pour mener la guerre au terrorisme, car ce droit offre moins de garanties de protection. La Norvège, la Suède et les Pays-Bas essaient de rendre le renvoi d'étrangers plus facile», explique Julia Hall, de Human Rights Watch, jointe à New York cette semaine.

Mesure exceptionnelle

Julia Hall rappelle que les certificats de sécurité n'existent que dans la loi canadienne sur l'immigration et la protection des réfugiés et ne touchent que les individus qui ne détiennent pas la citoyenneté. Selon la loi, le gouvernement peut délivrer ces certificats afin d'interdire l'accès au territoire à des personnes jugées dangereuses pour la sécurité nationale.

Le gouvernement n'a pas à porter d'accusations contre les individus ni à leur intenter de procès. Il doit cependant prouver que le certificat, basé sur des soupçons, est raisonnable. Pour ce faire, les autorités exposent à un juge de la cour fédérale l'ensemble de la preuve amassée au sujet de l'individu. Si certaines informations sont jugées «sensibles», elles sont présentées à huis clos, sans la présence de la personne soupçonnée. À la suite de cet examen, si le juge détermine que le certificat est raisonnable, la personne peut être expulsée.

Pendant l'étude du certificat, l'individu peut être détenu. Une personne visée par un certificat peut quitter le pays à tout moment.

Pour l'instant, cinq hommes musulmans, soupçonnés d'entretenir des liens avec des organisations terroristes, font l'objet de certificats de sécurité au Canada. Trois d'entre eux sont détenus. Les deux autres ont été mis en liberté, mais doivent respecter des conditions sévères. Tous affirment qu'ils seront torturés s'ils sont retournés dans leur pays d'origine.

Vies en jeu

Ces cinq hommes seront les premiers touchés par la décision de la Cour suprême. «La décision m'angoisse tellement que j'en ai perdu l'appétit. C'est mon avenir qui se joue», a dit mercredi à La Presse Adil Charkaoui, un Montréalais d'origine marocaine visé par un certificat depuis 2003.

M. Charkaoui est à l'origine de la contestation des certificats de sécurité devant la Cour suprême. Il espère que la loi dans sa forme actuelle sera abolie et qu'il retrouvera son entière liberté.

Mais la plupart des avocats impliqués dans la cause croient que la Cour suprême en décidera autrement. Lors des audiences en juin dernier, le gouvernement canadien a demandé aux juges du plus haut tribunal du pays de lui accorder un délai d'un an pour ajuster le tir si les magistrats concluent que des parties de la loi sont inconstitutionnelles.

Le gouvernement canadien souligne qu'il n'utilise les certificats que très rarement, et en cas de nécessité absolue.

Depuis 1978, il n'en a délivré que 27.



La Cour suprême donne un an au gouvernement fédéral pour réécrire sa loi sur les certificats de sécurité parce qu'elle juge certaines de leurs dispositions inconstitutionnelles.

Ces certificats permettent la détention ou l'expulsion d'étrangers et de résidents permanents considérés comme dangereux, sur la base de simples soupçons raisonnables.

Dans une décision unanime, le plus haut tribunal du pays a conclu que les personnes visées par des certificats de sécurité n'avaient pas suffisamment accès à la preuve contre elles et que cela constituait une violation de leurs droits fondamentaux.

>>> Pour lire le jugement

D'après la juge en chef Beverley McLachlin, pour respecter la Charte canadienne des droits et libertés, «il faut soit communiquer les renseignements nécessaires à la personne visée, soit trouver une autre façon de l'informer pour l'essentiel. Ni l'un ni l'autre n'a été fait en l'espèce».

La Cour considère par ailleurs que les juges ne disposent pas des informations nécessaires pour rendre des décisions équitables quand ils sont appelés à décider du caractère raisonnable des certificats.

De l'avis des magistrats, le Canada pourrait trouver une meilleure manière d'assurer sa sécurité tout en respectant les droits de la personne sur son territoire. La Cour laisse toutefois au parlement le soin de décider de la méthode à privilégier.

«C'est au législateur qu'il appartient de déterminer précisément quels correctifs doivent être apportés, mais il est évident qu'il doit faire davantage pour satisfaire aux exigences d'une société libre et démocratique», peut-on lire dans le jugement de 77 pages.

Fait à noter: la Cour a jugé que la détention prolongée de personnes soupçonnées de terrorisme ne constituait pas un châtiment cruel et inusité à condition qu'elle soit réexaminée périodiquement par un juge.

Réactions

La constitutionnalité des certificats de sécurité a été questionnée en cour par le Montréalais d'origine marocaine Adil Charkaoui, ainsi que par l'Algérien Mohammed Harkat et le Syrien Hassan Almrei, tous trois considérés comme des suspects terroristes.

Aucun des trois hommes n'était présent à la Cour suprême vendredi. MM. Charkaoui et Harkat sont en liberté surveillée tandis que M. Almrei est toujours incarcéré à Kingston, en Ontario.

Me Johanne Doyon, qui représentait Adil Charkaoui, a décrit le jugement de vendredi comme «une victoire presque totale». «Ce ne sont pas tous nos points de droits qui ont été acceptés par la Cour mais c'est correct, a-t-elle confié. Le principal, c'est celui que la Cour a retenu, celui de l'équité.»

La femme de Mohammed Harkat, Sophie, a confié que la décision allait au-delà de ses espérances. «C'est la meilleure décision qu'on pouvait imaginer, a-t-elle déclaré aux journalistes. Je ne m'attendais pas à ce que la loi soit déclarée inconstitutionnelle.»

Le jugement n'entraînera cependant pas de changements immédiats dans la vie de son mari ni dans celles des cinq autres hommes visés par des certificats de sécurité au pays.

Ainsi, ceux qui sont détenus le demeureront, tandis que ceux qui ont été libérés devront continuer à respecter leurs conditions. Tous ont cependant la certitude que les certificats émis contre eux seront annulés dans un an.

Si le gouvernement souhaite limiter leur liberté à nouveau, il devra le faire en usant un nouveau processus.

En théorie, MM. Charkaoui, Harkat et Almrei pourraient être expulsés du pays d'ici là. Mais d'après leurs avocats, un tel geste de la part du gouvernement serait renversant, compte tenu de la décision de la Cour suprême.

Le ministre de la Sécurité publique Stockwell Day a assuré que le gouvernement étudierait la décision et qu'il y répondrait avec «célérité et détermination». Il a ajouté dans un communiqué que le gouvernement demeurait «inébranlable dans sa volonté de protéger la sécurité nationale».

Pour sa part, l'opposition a indiqué qu'elle avait l'intention de faire pression sur le gouvernement pour qu'il agisse plus rapidement que ce que demande la Cour suprême.

Le Bloc québécois et les libéraux parlent principalement de trouver des solutions acceptables, telles que la désignation d'avocats spéciaux ou la tenue d'audiences exceptionnelles.

De son côté, le Nouveau parti démocratique va même jusqu'à demander l'annulation des certificats de sécurité parce qu'il juge que le Code criminel contient déjà toutes les mesures nécessaires à la lutte contre le terrorisme.

Aller plus loin :

- Un seul jugement, plusieurs enjeux
- Les certificats de sécurité inconstitutionnels

jeudi, février 22, 2007

Droit d'asile : Précisions sur les conditions d'application de l'asile interne

Les Sections réunies de la Commission de recours des réfugiés statuent sur les conditions d’application de l’asile interne

Dans leur décision du 16 février 2007, les Sections réunies de la Commission ont considéré que la protection exigée, lorsque l’application des dispositions relatives à l’asile interne est envisagée, doit être « le fait des autorités de l’Etat, d’organisations internationales ou d’organisations régionales ayant la volonté et la capacité de prendre les mesures nécessaires pour empêcher, dans la partie concernée du territoire, toute persécution ou atteinte grave à la personne humaine. »

En outre, pour estimer si le demandeur peut raisonnablement rester dans cette partie du territoire, sa situation personnelle doit être appréciée au regard des conditions générales d’existence de la population dans cette zone.

Faisant application de ces principes à la situation prévalant en Côte d’Ivoire les Sections réunies ont considéré que le gouvernement de M. Charles Konan Banny n’exerçait plus d’autorité dans la partie nord de son territoire, contrôlée militairement par l’Alliance des forces nouvelles et que dès lors, les autorités gouvernementales ivoiriennes n’étaient plus en mesure d’y exercer leur mission de protection. Elles ont précisé que « même si, dans le cadre des négociations engagées entre les belligérants, plusieurs membres de l’Alliance des Forces nouvelles participent au gouvernement en place à Abidjan, le remplacement dans la partie nord du pays des anciennes autorités administratives, militaires et judiciaires par la coalition des chefs de guerre qui composent cette alliance ainsi que le caractère très embryonnaire de l’organisation administrative et judiciaire qu’elle tente de mettre en place, ne permettent pas de regarder l’Alliance des forces nouvelles comme une autorité étatique ou une organisation régionale en mesure d’offrir une protection. »

mercredi, février 21, 2007

Le cas de trois étrangers malades renvoyés dans leur pays d'origine malgré l'avis du Misp provoque la colère de plusieurs associations

PARIS, 16 février 2007 (APM) - Trois étrangers malades, un Comorien et deux Géorgiens, ont été expulsés malgré l'avis du médecin inspecteur de santé publique (Misp) depuis le début de l'année 2007, suscitant l'indignation de plusieurs associations contre le ministère de l'Intérieur, a-t-on appris jeudi.

La loi Chevènement du 11 mai 1998 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire (CST) pour un étranger résidant en France et "dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement dans le pays dont il est originaire", rappelle-t-on.

Dans ce cadre, c'est le préfet qui décide de l'octroi de la CST, après avis du médecin inspecteur de santé publique (Misp) qui se prononce à partir d'un rapport médical relatif à l'état de santé de l'étranger requérant, établi par un praticien hospitalier ou un médecin agréé. Outre l'évaluation des besoins thérapeutiques du patient, l'avis doit préciser s'il peut ou non bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine.

Dans un communiqué, l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), collectif regroupant plusieurs associations (Aides, Act Up-Paris, Médecins du Monde...), détaille le parcours de deux Géorgiens et d'un Comorien expulsés depuis le début de l'année. Seule la pathologie d'un seul d'entre eux, l'hépatite C de Monsieur J, géorgien, est indiquée.

Dans aucun des cas, l'avis des Misp, qui selon l'ODSE faisait part "des conséquences exceptionnellement graves d'une expulsion", n'a été suivi par les préfectures (Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Ain), ce que le directeur du Comité médical pour les exilés (Comede, membre de l'ODSE), le Dr Arnaud Veïsse, interprète comme un signe "extrêmement inquiétant".

"Ce sont des situations franchement nouvelles", considère Marie Hénocq de la Cimade (association membre de l'ODSE). Elle reconnait qu'il y a déjà eu des expulsions d'étrangers malades, mais avant même que les Misp aient pu être saisis. Ces trois décisions, prises malgré l'avis du médecin inspecteur, seraient "des premières".

Contactée par l'APM, la préfecture de Seine-Maritime, qui a décidé de l'expulsion de Monsieur J, considère que "l'hépatite C se soigne en Géorgie, donc l'éloignement n'est pas contre-indiqué".

Pour Marie Hénocq, la question n'est pas tant celle de "l'existence du traitement" dans le pays d'origine que de "l'accès effectif" aux soins, qui selon les associations demeure en Géorgie plus réduit qu'en France.

"D'un point de vue formel, le préfet a le dernier mot", indique Arnaud Veïsse, l'avis étant consultatif. Mais il est toutefois "motivé par des éléments médicaux dont le préfet ne dispose pas", celui-ci n'ayant en effet pas accès au dossier médical, explique Marie Hénocq.

Dans son communiqué, l'ODSE estime que "le ministère doit organiser sans délai le retour en France de ces malades illégalement éloignés".

Contacté par l'APM, le ministère de l'Intérieur n'a pas souhaité réagir, indiquant que la décision d'expulser était du ressort des seules préfectures, lesquelles sont sous sa tutelle, rappelle-t-on. Le ministère ne se charge que de "l'exécution de décisions administratives", en l'occurrence la reconduite dans le pays d'origine.

En novembre 2006, une circulaire du ministère de l'Intérieur avait déjà redéfini certaines des règles du maintien des étrangers malades, durcissant les modalités de maintien de ces personnes (cf dépêche APM RLJK9004).

Au vu de ces expulsions, ce texte, finalement abandonné sous la pression des associations, serait "appliqué de manière officieuse", considère Arnaud Veïsse.

dimanche, février 18, 2007

Légalité de l'interpellation en préfecture des étrangers en situation irrégulière


Divergence de vues entre la Cour de Cassation et le Conseil d‘Etat sur la légalité des interpellations en préfecture


Le paragraphe I.A/1.2 et l’annexe 1 de la circulaire du 21 février 2006 précisent les conditions d’interpellation en préfecture des étrangers qui se sont vus notifier un refus de séjour ou un arrêté de reconduite à la frontière.

Si l’hypothèse d’une interpellation faisant suite à une présentation spontanée de l’intéressé en préfecture ne semble pas poser de problème majeur, la question de la légalité de l’arrestation consécutive à la convocation de l’étranger pour réexamen de sa situation administrative fait débat.

Dans l’arrêt du 6 février 2007, la Cour de cassation examine la situation d’un ressortissant algérien, visé par un arrêté de reconduite à la frontière devenu définitif, interpellé et placé en rétention à la suite d’une convocation en préfecture.

La cour juge que la convocation d’un étranger au motif d’un réexamen de sa situation, en vue de l’interpeller, est une « pratique déloyale », contraire à l’article 5 § 1 de la convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit à la liberté et à la sûreté.

Ce faisant, elle revient sur une jurisprudence du 12 novembre 1997 qui admettait la légalité d’une telle pratique dès lors que les motifs de la convocation n’étaient pas ambigus et que l’effectivité de l’examen de situation était démontrée, notamment par la durée de l’entretien avec l’étranger.

Le Conseil d’État, saisi d’une requête en annulation de la circulaire susvisée, retient une solution inverse, dans un arrêt rendu le 7 février 2007. Il juge que si la convocation ne contient ni « termes trompeurs » ni « indication mensongère » quant à sa finalité réelle, aucune violation de l’article 5 § 1 n’est encourue.

Il convient de rappeler que seul le juge des libertés et de la détention est compétent pour connaître des litiges nés de ces « convocations pièges », lors de l’examen des demandes de prorogation de rétention administrative.

Références :
> Circ. intermin. CRIM. 06.5/E, 21 févr. 2006, NOR : JUSD0630020C
> Cass. 1ère civ., 6 févr. 2007, n° 05-10.880, Benhamoudi
> CE, 7 févr. 2007, n° 292607, 292609, 292647, 292656, 292749, 293271, Ligue des droits de l'homme et a.
> Cass. 2ème civ., 12 nov. 1997, n°96-50.091, Ben Korich

Source : Editions législatives , dictionnaire permanent droit des étrangers

Rétention administrative : les droits des étrangers insuffisamment respectés pour la Cour des comptes

Voir le rapport de la Cour des comptes sur la rétention administrative (pdf

La Cour des comptes relève dans son rapport que "la relance de la politique d'éloignement du territoire" a été engagée "avant même que l'adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée".

La Cour des comptes indique dans un rapport sur la rétention des étrangers en situation irrégulière que "la relance de la politique d'éloignement du territoire" a été engagée "avant même que l'adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée".

La Cour estime également que "le respect de l'exercice des droits des étrangers retenus reste incomplet".
Expliquant que les conditions sanitaires et d'hygiène infligées aux étrangers dans plusieurs des 19 centres de rétention administrative (CRA) avaient été "dénoncées par maints rapports dont celui du Conseil de l'Europe de février 2006", la Cour précise que le problème n'a été résolu que "tardivement".

"Retenus sur leurs droits"

"La relance de la politique d'éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière (...), souligne le rapport de la Cour, a été engagée avant même que l'adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée".
La Cour des comptes estime aussi que "l'information des étrangers retenus sur leurs droits ainsi que les conditions d'exercice des ces derniers sont restées insuffisantes". Le rapport indique, par ailleurs, que le recours à un interprète prévu par la loi "est resté purement formel, de même que l'assistance d'un conseil".
La Cour relève enfin que "le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d'un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres (....) sans que l'ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé".


La Cour des comptes estime entre autre que l'information des étrangers retenus dans les centres de rétention administrative sur leurs droits ainsi que sur les conditions d'exercice de ces derniers est insuffisante.

Dans son rapport annuel rendu public le 8 février 2007, la Cour des comptes relève que le droit de recourir à un interprète pendant toute la durée de la rétention « est resté purement formel », ce qui rend particulièrement difficiles les demandes d’asile qui doivent être rédigées en français. Elle souligne aussi des dysfonctionnements en ce qui concerne l’obligation faite au responsable du lieu de rétention d’informer l’étranger de toutes les prévisions de déplacement le concernant.

S’agissant des conditions matérielles de la rétention administrative, dénoncées par de nombreux rapports dont, en dernier lieu, celui du Conseil de l’Europe de février 2006 sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, la cour souligne le décalage entre la relance de la politique d’éloignement des étrangers et l’adaptation des capacités d’accueil et des conditions matérielles des centres de rétention. Dès 2003, le ministre de l’intérieur décidait de doubler le nombre d’étrangers éloignés du territoire national pour le faire passer de 10 à 20 000.

Cette décision, couplée avec l’allongement de la durée maximale de la rétention portée de 12 à 32 jours par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, est à l’origine de l’accroissement du taux d’occupation des centres de rétention administrative (CRA) et à leur saturation pour certains (Paris, Bobigny et Marseille). Les conditions de vie en CRA se sont ainsi fortement dégradées entre 2002 et 2005, le taux d’occupation des centres étant passé de 55 % à 83 %. Malgré les plans successifs annoncés par le ministre de l’intérieur, l’adaptation de la capacité d’accueil des CRA aux nouveaux objectifs quantitatifs n’a été effective qu’en fin d’année 2006.

La cour déplore aussi le recours accru aux placements dans des locaux de rétention administrative (LRA), alors qu’ils n’offrent pas « les mêmes conditions d’accueil ni les mêmes garanties des droits des étrangers » que les CRA. Elle pointe, enfin, l’absence d’évaluation du coût global de la politique d’éloignement.



> Rapport annuel de la Cour des comptes au Président de la République, févr.

vendredi, février 16, 2007

Conditions d’application de l’aide juridictionnelle dans le cadre des nouvelles procédures d’éloignement des étrangers

Conditions d’application de l’aide juridictionnelle dans le cadre des nouvelles procédures d’éloignement des étrangers

L’Assemblée générale du Conseil National des Barreaux vient de demander que la Chancellerie soit officiellement saisie des conditions d’application de l’aide juridictionnelle dans le cadre des nouvelles procédures d’éloignement des étrangers en vigueur depuis le 1 er janvier 2007 en application des dispositions de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

La loi portant réforme de l’assurance de protection juridique permet dorénavant à une personne contestant une mesure de refus de titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français de bénéficier de l’aide juridictionnelle sans condition de résidence habituelle et régulière sur le territoire national, condition qui, déjà, n’est pas exigée des personnes exerçant un recours contre un arrêté de reconduite à la frontière.

En l’état, l'avocat assistant un étranger faisant l’objet d'un refus de séjour perçoit
20 UV pour la requête en annulation (comme pour toute requête en annulation devant le tribunal administratif), puis 6 UV pour la requête en annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière présentée devant le Président du Tribunal administratif, soit au total 26 UV (soit environ 624 € pour une UV à environ 24 €).

Il serait envisagé dans un projet de décret de limiter à 8 ou 10 UV le montant de l'indemnité versée à l'avocat pour la requête unique contre le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination (soit 240 €).

L’indemnité de l’avocat diminuerait alors que ses diligences et ses actes s’accroissent. Il devra rédiger en urgence une requête motivée, en droit et en fait, tant sur le refus de séjour que sur l’obligation de quitter le territoire français, accompagnée des pièces en quatre exemplaires (les frais de photocopies absorbant la plus grande partie de l’indemnité d’aide juridictionnelle).

Une telle diminution du nombre d’UV de plus des deux tiers serait d'autant plus inacceptable que le gouvernement déciderait ainsi de réduire de manière drastique l’indemnisation des avocats intervenant pour la défense des droits fondamentaux des étrangers quelques jours à peine après les assises de l’aide juridictionnelle et alors que la profession d'avocat est mobilisée pour une réforme de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle qui garantisse un accès à la justice pour les plus démunis et une rémunération décente pour les avocats intervenant à ce titre.

Ce projet de décret préciserait également que la demande d'aide juridictionnelle ne suspendrait pas le délai de recours d'un mois imparti à l'étranger pour contester la décision de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, ce recours devant être lui-même jugé par le Tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

On introduirait ainsi une exception non justifiée au principe de l’effet suspensif de la demande d’aide juridictionnelle posé par l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Au regard de ces éléments, l’Assemblée générale du Conseil National a rappelé la position légitime de la profession en matière d'accès au droit et à l'aide juridictionnelle et a demandé en particulier, s'agissant de la défense des étrangers :

  • d'une part, que le nombre d'UV servant de base à l'indemnisation de l'avocat représentant un étranger dans le cadre du contentieux du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français soit fixé à 26 UV ;
  • d'autre part, que les étrangers soient éligibles à l'aide juridictionnelle en toutes matières sans condition de régularité de séjour ;
  • enfin, que le principe du caractère interruptif du délai de saisine de la juridiction de première instance par une demande d'aide juridictionnelle soit maintenu dans le contentieux du refus de séjour des étrangers.

samedi, février 10, 2007

APRF sur des refus de séjour antérieurq au 29 décembre 2006 ne vaut !

Le préfet qui se fonde sur les dispositions abrogées de l’article L. 511-1 pour prendre un arrêté de reconduite à la frontière entache sa décision d’une erreur de droit et d’un défaut de base légale.

Depuis le 1er janvier 2007 et l'entrée en vigueur des OQTF (Obligation de quitter le territoire français), les préfectures sont dans l'impossibilité de prononcer une mesure de reconduite à la frontière suite à un refus de séjour notifié avant le 1er janvier 2007.

En effet, les préfectures sont devant un vide juridique : Ainsi, depuis le 29 décembre 2006, les 3° et 6° de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ont été abrogés. Depuis, les décisions de refus de séjour peuvent être assorties d’une OQTF, mais les préfets ne peuvent plus prononcer d’arrêté de reconduite à la frontière à la suite d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour.

Or le problème se pose pour les décisions de refus de séjour prises avant le 29 décembre 2006 insusceptibles d’être accompagnées d’une OQTF ni d’être sanctionnées par un arrêté de reconduite postérieurement à cette date, la base légale ayant disparu.

Plusieurs tribunaux administratifs récemment saisis, ont tous statué dans le même sens : le préfet qui se fonde sur les dispositions abrogées de l’article L. 511-1 pour prendre un arrêté de reconduite à la frontière entache sa décision d’une erreur de droit et d’un défaut de base légale.

Il a par ailleurs été refusé de procéder à une substitution de base légale qui aurait permis de justifier la reconduite en la fondant sur un des autres motifs prévus à l’article L. 511-1. Selon le tribunal administratif de Rennes, cette substitution aurait pour conséquence de priver l’étranger « des garanties procédurales dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée », c’est-à-dire la procédure liée à l’OQTF, qui offre un délai suspensif d’un mois à compter de la notification pour contester la mesure.

Rappelons que pour une récente circulaire du ministère de l’intérieur les étrangers qui ont fait l’objet d’un refus de séjour notifié avant le 1er janvier 2007 « ont objectivement rejoint, du fait de leur maintien en France, la situation d’irrégularité de séjour prévue aux 1° et 2° du II de l’article L. 511-1 nouveau du Ceseda » et pourront, « en cas d’interpellation, faire l’objet sur l’un ou l’autre de ces fondements d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ».

Aller plus loin :

- TA Limoges, 15 janv. 2007, n° 0700067, Arthur Kwadwo Prempeh
- TA Nantes, 23 janv. 2007, n° 07435, Bouzida
- TA Rennes, 30 janv. 2007, n° 07167, Traore

- Circ. Ministère intérieur, 22 déc. 2006, NOR : INTD0600114C

Que faire après une OQTF ?

Que faire après une OQTF (Obligation à quitter le territoire français)?

Les associations ADDE, CIMADE, FASTI, GISTI, LDH, MRAP répondent à cette question dans un récent ouvrage qui fait le point sur la réforme des décisions de retrait et refus de séjour assorties d’une obligation de quitter le territoire français

La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a opéré une réforme importante des mesures d'éloignement. Un décret devait adapter le code de justice administrative pour l'entrée en vigueur de ce texte. C'est chose faite depuis la parution (JO du 29 décembre) du décret du 23 décembre 2006.

La réforme restreint considérablement les droits des intéressés en ne leur permettant plus de faire un recours au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus de séjour et de l'OQTF.

Passé ce délai, si l'étranger n'a pas saisi le tribunal, il pourra être éloigné du territoire français à tout moment sans possibilité juridique de s'y opposer.

Le fait d'avoir saisi le tribunal dans le délai d'un mois n'empêche pas non plus le placement de l'étranger en rétention. Toutefois, un juge devra se prononcer avant son éloignement effectif.

Cette publication analyse la nouvelle réglementation, détaille les recours possibles et est complétée par un exemple de requête permettant de contester devant le tribunal administratif à la fois la décision de refus de séjour et l'OQTF qui l'accompagne.

Janvier 2007, ADDE, Cimade, Fasti, Gisti, LDH et Mrap, 38 pages, téléchargement gratuit sur le site du GISTI.

Droit d'asile: Recueil des décisions de la commission des recours des réfugiés (2005)

La commission des recours des réfugiés (CRR) vient de publier un recueil des décisions relatives au droit de l'asile pour l'année 2005.

Le document est disponible en ligne à l'adresse suivante: http://www.commission-refugies.fr/centre_recherche_18/jurisprudence_25/recueil_2005_2055

mercredi, février 07, 2007

Droit d'asile : Réforme envisagée de la CRR

Un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme du 28 novembre 2006 a estimé que la dépendance administrative et financière de la Commission des Recours des Réfugiés (CRR) à l'OFPRA " est parfaitement contraire au principe d'indépendance de la juridiction administrative vis-à-vis de l'administration et pourrait conduire à la condamnation de la France par les juridictions européennes ".

Un rapport de mission établi en octobre 2006 et rendu public en janvier 2007 par M. Anicet Le Pors envisage plusieurs réformes pour remédier à cette situation :
- transfert du contentieux de l'asile aux tribunaux administratifs ;
- création d'une juridiction unique pour l'ensemble du contentieux des étrangers ;
- rattachement de la Commission au Conseil d'Etat (Le Monde du 21 déc. 2006).

Le rapport privilégie cette dernière voie qui permettrait " d'affirmer la nécessité d'une juridiction administrative spécialisée sur l'asile, tout en assurant son indépendance vis-à-vis de l'administration dont elle contrôle les décisions ".

Le rapport intégral est disponible sur le site de la Commission

jeudi, février 01, 2007

Instructions sur l’accueil des demandeurs d’asile en préfecture


Le ministre de l’intérieur a envoyé récemment aux préfet une note sur l’accueil des demandeurs d’asile à la suite du dernier CICI (Comité interministériel de contrôle de l’immigration). A la suite d’une étude des délais de traitement des demandes d’asile depuis la première présentation jusqu’à la remise d’une APS, les préfectures trop lentes, c’est à dire en dessous de 15 jours se font taper sur les doigts ! Un rappel à l’ordre sur les vérifications Dublin est fait (vérification des empreintes digitales des demandeurs pour voir s’ils sont passés par un autre pays de l’UE avant). Il devra maintenant y avoir une prise des empreintes immédiate lors de la première présentation du demandeur.

Le CICI demande aussi que « les préfectures engagent sans délai les procédures d’éloignement après le premier rejet définitif de la demande d’asile » (invitation à quitter le territoire puis arrêté préfectoral de reconduite à la frontière). Un tableau des procédures et de leurs durées dans toutes les préfectures avec le nombre de dossier de demande traités est annexé à cette note.

Circulaire/note NOR INTA0600012C du 19 janvier 2006 sur l’accueil des demandeurs d’asile,

Recueil de jurisprudences de la CRR sur les persécutions spécifiques aux femmes

La FASTI, Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés (www.fasti.org), sort son nouveau recueil de jurisprudences de la CRR sur les persécutions spécifiques aux femmes .

Il comprend une sélection de 25 décisions rendues par la CRR entre le 1er octobre et le 31 décembre 2005.

Le Juge des libertés et de la détention doit vérifier concrètement si les droits des personnes en rétention ont été respectés

Le JLD doit vérifier concrètement si les droits des personnes en rétention ont été respectés (assistance d’un interprète, d’un avocat, d’un médecin, accès au consulat et à une personne de son choix). Cela a été réaffirmé dans 3 affaires qui avaient été jointes. Les ordonnances des JLD estimaient que l’étranger aurait du fournir lui-même les preuves du non respect de ses droits.

« Attendu, que le juge, gardien de la liberté individuelle, s’assure par tous moyens et notamment d’après les mentions figurant au registre prévu à cet effet à l’article 35 bis -devenu l’article L. 553-1 du Code susvisé-, émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir ; (...) Alors que M. X... soutenait avoir été maintenu en rétention administrative pendant trois heures dans une cellule de garde à vue, le premier président qui ne s’est pas assuré que l’intéressé avait été au moment de la notification de la décision de placement en rétention mis en mesure d’exercer effectivement les droits qui lui sont reconnus, n’a pas satisfait aux exigences des textes »

Cass, civ 1ere, 31 janvier 2006, N° 04-50128 (publié) ; N° 04-50157 ; N° 04-50112

La présence des enfants doit être régulière pour l’octroi des prestations familiales

La présence des enfants doit être régulière pour l’octroi des prestations familiales
C’est aussi issu de la loi de finances pour la sécurité sociale 2006, et cela vient régler son compte à la jurisprudence de la Cour de Cassation (cass, plen, 16 avril 2004, Lingouala) qui estimait que seuls les parents étaient tenus d’être en situation régulière pour pouvoir obtenir des prestations familiales au titre de leurs enfants.

L’entrée et la situation des enfants n’avaient pas à être régulières. Devant cette jurisprudence un peu gênante, qu’à cela ne tienne, on passe les modifications dans une grande loi fourre-tout. Finalement, le décret d’application est sorti, et fixe la liste des justificatifs valables.
Pour justifier de l’entrée régulière de l’enfant, en plus de l’extrait d’acte de naissance en France ou du certificat OMI/ANAEM, peuvent aussi être produits : attestations du préfet précisant l’entrée en France en même temps qu’un parent titulaire d’un titre vie privée et familiale, livret de famille OFPRA.... Les titres acceptés pour prouver la régularité des parents sont : cartes de résident, de séjour temporaire, récépissés de renouvellement, récépissé de 6 mois délivré aux réfugiés, APS de plus de 3 mois, récépissé de demande de titre délivré aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Décret n° 2006-234 du 27 février 2006, JO du 28 février 2006 ; Voir aussi Code de la sécurité sociale, art L512-2 et art 89

Recueil de jurisprudences sur le droit au séjour des malades et des accompagnants de malades a été compilé par l’ODSE

Un recueil de jurisprudences sur le droit au séjour des malades et des accompagnants de malades a été compilé par l’ODSE (Observatoire du droit à la santé pour les étrangers).

Toutes ces décisions peuvent s’avérer très utiles lorsque l’on travaille avec une personne qui présente une pathologie et une situation analogues à celles d’une décision positive existante !