lundi, octobre 31, 2005

La Cité de l'immigration devrait ouvrir en avril 2007

La Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI), longtemps voeu pieux, puis projet de papier, semble se concrétiser. Une équipe est réunie, sous la direction d'un responsable, Jacques Toubon. Des fonds ont été dégagés. Un bâtiment a été investi : le Palais de la Porte-Dorée, d'abord pavillon d'accueil pour l'Exposition coloniale de 1931, devenu Musée des colonies, puis Musée des arts d'Afrique et d'Océanie. Un calendrier serré a été fixé : la Cité devrait être ouverte au public en avril 2007, à quelques semaines de l'élection présidentielle.


L'idée d'un centre dédié à l'immigration a été lancée voilà quinze ans. Dès le début des années 1990, une Association pour un musée de l'immigration était créée à l'initiative d'historiens comme Gérard Noiriel et Pierre Milza et de représentants des milieux associatifs issus de l'immigration. Le petit groupe estime qu'à l'instar du Musée de l'immigration d'Ellis Island, situé sur un îlot en face de New York, il faut un lieu pour combler le trou de mémoire français. Il s'agit pour eux de relancer le modèle français d'intégration qui semble en panne tandis que prospèrent les thèses du Front National. Un rapport est remis en 1991. Sans résultat : la gauche au pouvoir estime que le projet est prématuré ; pour la droite, qui va gagner Matignon puis l'Elysée, il est impensable.

En 1998, après la victoire en Coupe du monde de football par une équipe française métissée et la brève euphorie black-blanc-beur, Philippe Bernard, journaliste au Monde alors chargé de l'immigration, et Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, estiment que c'est le moment de relancer les démarches. Ils écrivent à Lionel Jospin, nouveau premier ministre.

Celui-ci est plutôt séduit, son cabinet est partagé. L'administration culturelle, notamment celle des musées, est plus que réticente. M. Jospin commande pourtant un nouveau rapport, rédigé par Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, et Driss El Yazami, délégué général de l'association Génériques et vice-président de la Ligue des droits de l'homme. La rédaction de ce document est précédée par une vaste consultation, notamment auprès des associations d'immigrés. Il en ressort que la demande est très forte. Pourtant le rapport, remis en 2001, sera relégué à son tour dans un tiroir. M. Jospin, préoccupé par l'élection présidentielle, saisit mal le sens politique de ses propositions.


UNE SORTE DE CONSENSUS


Après le coup de tonnerre qui accompagne l'élection présidentielle de 2002, l'élu, Jacques Chirac, comprend qu'il y a là une partie à jouer. Il confie une mission à Jacques Toubon, qui n'a plus de mandat électoral. En avril 2004, l'ancien ministre de la culture remet un nouveau rapport, largement nourri des précédents. Dans la foulée, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin crée une mission de préfiguration. L'un des rédacteurs du rapport est Luc Gruson, responsable de l'Agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI), aujourd'hui directeur du Groupement d'intérêt privé (GIP) de la Cité de l'immigration. "Il y avait une fenêtre de tir étroite, explique-t-il aujourd'hui. Jacques Toubon a su accélérer le processus et obtenir le Palais de la Porte-Dorée."

L'historienne Marie-Claude Blanc-Chaléard, pour qui la Cité vient bien tard, estime que "Jacques Toubon a fait sauter un grand nombre de verrous grâce à ses réseaux, ses appuis et son dynamisme personnel. Il donne le sentiment d'être convaincu par le projet, et il faut saluer sa capacité d'écoute." L'ancien ministre comprend très vite l'enjeu politique de la Cité : le métissage des racines françaises, l'histoire conflictuelle de la colonisation, sans parler de ce que la droite pourrait récupérer sur le plan électoral. Dans la classe politique, la Cité suscite désormais une sorte de consensus, que rompt Pascal Blanchard, chercheur associé au CNRS de Marseille, président de l'Association pour la connaissance de l'histoire de l'Afrique, en lui reprochant vertement le choix de son siège. "La Porte-Dorée n'est pas un bâtiment neutre, indique-t-il. L'occuper au nom de l'immigration, c'est évacuer la mémoire coloniale, celle qui est au centre du débat." La polémique va monter d'un cran le 11 octobre, quand M. Blanchard, au cours d'un forum, accuse les historiens liés à la Cité de soutenir la loi du 23 février 2005 destinée à présenter la colonisation comme positive. Alors que ces historiens, à commencer par M. Noiriel, pétitionnent contre ce texte.

M. Gruson souligne que le premier colloque organisé par la future Cité doit être consacrée, en 2006, à ce fameux passé colonial : "Mais l'immigration n'est pas réductible à la seule colonisation, même si elle en est une composante très importante. L'immigration des Italiens, des Espagnols, des Polonais, des Juifs d'Europe de l'Est ou des Arméniens n'a rien à voir avec l'Empire français."

En dépit d'une définition encore imprécise de l'immigré ­ - faut-il évoquer l'immigration intérieure des Auvergnats, Corses, Bretons..., celle des Antillais, des rapatriés ­ - le concept de la Cité s'articule autour de deux pôles. Le musée, confié à Hélène Lafont-Couturier, ancienne responsable du Musée d'Aquitaine à Bordeaux, doit rendre lisible l'histoire de l'immigration. Destiné à un large public, il sera conçu sur un mode évolutif, avec des révisions permanentes tous les dix-huit mois. Il doit répondre à trois problématiques. Celle de l'immigré lui-même, son trajet personnel ; celle de la France, pays d'immigration, et de la place des immigrés dans la nation, xénophobie comprise ; celle d'une identité française façonnée par la diversité. Des expositions temporaires aborderont des thèmes plus précis. Le musée doit être accompagné d'une médiathèque.

Le deuxième pôle est immatériel. Il s'agit de créer un réseau avec les associations, mais aussi avec d'autres institutions (universités, archives, musées, centres de documentations, sites Internet) et d'élaborer une politique de production, (livres, films, exposition). La Porte-Dorée doit enfin être un lieu public de rencontres et d'échanges. Le forum de toutes les immigrations.

Des questions subsistent. Le ministère de la culture pourra-t-il supporter seul cette charge supplémentaire (20 millions d'euros d'investissement, 7 millions de fonctionnement annuel) ? Et comment le tissu associatif va-t-il réagir à l'existence de cette Cité ? Sans lui, la CHNI ne sera qu'une coquille vide.



Emmanuel de Roux
Article paru dans l'édition du 01.11.05, Le Monde

dimanche, octobre 30, 2005

Sans-papiers : la fermeté demandée aux préfets

Atteindre 23 000 reconduites à la frontière « effectives » d'étrangers sans papiers contre 15 000 en 2004 : le ministre de l'intérieur n'a de cesse de rappeler ses objectifs, souhaitant que « personne ne doute de -sa- fermeté en la matière ». « Plus encore qu'une obligation de moyens, c'est une obligation de résultats qui vous est fixée », avait insisté Nicolas Sarkozy, le 9 septembre, devant le corps préfectoral réuni place Beauvau, invitant les préfets « à ne pas hésiter à utiliser toutes les marges de manoeuvre de la loi », à agir « quelles que soient les sollicitations locales », à « savoir résister aux pressions de tels ou tels collectifs ou coordinations qui ne représentent qu'eux-mêmes ». Il les a appelés à « combattre certaines idées reçues », affirmant que « la Cour européenne des droits de l'homme n'a jamais reconnu un quelconque droit de chacun à mener sa vie familiale où bon lui semble », ou encore que « les ressortissants roumains et bulgares en situation irrégulière ne bénéficient d'aucune protection juridique particulière contre l'éloignement », la candidature de leur pays à l'Union européenne « n'y changeant rien ».

mercredi, octobre 19, 2005

Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France

Alexis Spire
Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France
Paris, Paris, Grasset, 2005

Cet ouvrage est tiré d’une thèse de sociologie soutenue à l’université de Nantes. Le cœur en est l’étude de la mise en œuvre des textes - lois, décrets et ordonnances- relatifs à l’immigration entre 1945 et 1975, à travers l’observation de l’activité des hauts fonctionnaires et des services de la préfecture de police chargés de celle-ci. Alexis Spire, fidèle à son sous-titre, nous offre donc une tranche de sociohistoire de l’administration des étrangers en France et non une histoire de plus des politiques de l’immigration.

Le compte-rendu de cette exploration s’organise en trois temps. Après un bref rappel des dispositions adoptées en 1945 et de leur genèse, il étudie les logiques d’action et les modes d’intervention des trois principaux ministères qui sont partie prenante de la gestion des populations immigrées. À l’intérieur revient la logique de police, c’est à dire, l’identification, la surveillance et le contrôle d’une population étrangère dont les membres sont régulièrement suspectés de pouvoir porter atteinte à l’ordre public. Aux divers avatars du ministère du travail échoit la logique de main d’œuvre, comprise ici comme le point d’équilibre fluctuant entre les intérêts des employeurs et ceux des organisations ouvrières dont les mandants pourraient souffrir de la concurrence des travailleurs étrangers. Le dernier pôle du tripode institué par les ordonnances de 1945 est le ministère de la population, chargée de la défense d’une logique démographique, aux contours ambigus, puisqu’il s’agit selon les cas, de favoriser le repeuplement de la France ou de favoriser l’entrée de migrants capables de s’enter sur la souche française. Une fois ces logiques cernées, à travers l’étude des circulaires et des débats internes à la haute fonction publique, l’auteur change d’échelle et nous entraîne à sa suite dans les bureaux de la préfecture de police. Les sources de cette institution, les dossiers des fonctionnaires qui y furent en poste durant la période, de nombreux entretiens, permettent à la fois de reconstituer l’organisation du travail et l’éthos préfectoral, soit l’ensemble des normes et des jugements pratiques incorporés et mis en œuvre par ces agents, et ses variations selon les périodes et les populations traitées par eux. Tous les migrants en effet ne sont pas logés à la même enseigne. Les migrants coloniaux, en particulier Algériens, constituent tout au long de la période un cas à part. Ils sont soumis, avant comme après la colonisation, à un régime juridique spécifique, qui est en termes juridiques plus avantageux que le régime commun des étrangers. Les instances administratives cependant, au premier rang desquelles les services de la préfecture de police vont parvenir, souvent en enfreignant la loi, à mettre en place des institutions spécifiques de contrôle et de surveillance qui, la guerre d’Algérie aidant, importent ou prolongent des formes de gestion des populations inspirées des pratiques coloniales, conduites souvent par d’anciens administrateurs et officiers coloniaux. Cela aboutit à la fois à l’inscription de pratiques et de modes de perception coloniaux au cœur de l’appareil de traitement de l’immigration et à ce paradoxe qui fait des Algériens, les plus protégés par le droit en même temps que les plus surveillés et les suspects de tous aux yeux de l’administration, ce qui leur vaudra, l’indépendance venue, de fournir longtemps les plus gros contingents d’expulsés.
L’organisation administrative matérialise ici des préférences que la loi ne saurait dire et permet leur effectuation. De la même façon, nous dit l’auteur, insistant sur la plasticité du cadre décrit qui permet selon les périodes la poursuite d’objectifs différents, la conversion de la haute fonction publique à un objectif de maîtrise de l’immigration, dès la fin des années soixante, se traduit par des circulaires proposant de nouvelles normes d’interprétation des textes en vigueur, et un aménagement des procédures administratives, avant même que le pouvoir politique n’ait officiellement fait sien l’objectif de maîtrise des flux.
La dernière partie de l’ouvrage examine les dossiers traités par ces agents bureaucratiques, armés des circulaires produites par les hauts fonctionnaires qui incarnent les logiques d’action de chaque ministère. Leur exploration utilise l’outil statistique, seul à même de mettre à jour, les logiques de décisions effectivement mises en œuvre. En un premier temps nous sommes conviés à l’examen des dossiers de demande de cartes de séjour déposés à la préfecture de police en 1956 et en 1975. Cela permet à Alexis Spire de montrer d’abord que l’organisation du travail bureaucratique a entre les deux dates radicalement changé. Nous sommes passés d’enquêtes minutieuses permettant de statuer sur des cas individuels à une gestion de dossier constitués essentiellement de pièces fournies par l’étranger en réponses aux requêtes d’une administration soucieuse de disposer des informations permettant de le classer en fonction de critères objectivés.
Dans les deux cas cependant, l’objectivation statistique permet de mettre en valeur des systèmes de préférences fonction de critères que les textes juridiques ne prévoyaient pas, quand ils ne les excluaient pas explicitement. Les Italiens apparaissent nettement favorisés au début de la période, les Portugais à la fin de celle-ci. Ces systèmes de préférence apparaissent de plus dynamiques et fonction du contexte. Si les bureaucrates de 1956 préfèrent les manœuvres et se méfient de ceux qui pourraient prétendre concurrencer les cadres moyens français, À l’inverse, à la fin de la période, l’administration est d’autant plus conciliante qu’elle a affaire à des individus dotés d’un capital culturel conséquent. Et des constats similaires peuvent être faits tout au long des « carrières de papier » de immigrants, Alexis Spire en retrouvant l’effet lorsqu’il examine le traitement des demandes de naturalisation.
Revenant en conclusion sur ce parcours qui l’a mené de la circulaire au dossier en passant par le guichet, Alexis Spire insiste sur les enjeux d’une telle étude, et tout en proposant une reformulation théorique du rôle et du fonctionnement de l’instance bureaucratique, insiste sur le fait que l’étude d’une politique publique ne peut se limiter à celle de la sphère politique ou du droit, sauf à se désintéresser des effets de celle-ci.
Le lecteur ne peut que donner à l’auteur quitus de sa démonstration. Cette très riche étude, outre qu’elle parvient à nous présenter sous un jour neuf une période pourtant déjà souvent étudiée de l’histoire de l’immigration en France, offre de très précieux enseignements sur le fonctionnement concret de l’état durant les trente glorieuses, d’autant plus qu’Alexis Spire allie toujours le souci de proposer une modélisation cohérente des processus décrits et une attention extrême au concret et aux variations dans le temps, ce dont les pages consacrées aux modes d’inculcation de l’éthos préfectoral aux agents de la préfecture de police fournissent un très bel exemple. De plus, plusieurs des pistes, ou des intuitions suggérées par l’auteur apparaissent susceptibles d’être tout à fait fécondes, ainsi de la réflexion ébauchée sur les usages bureaucratiques du temps (temps d’attente, de mise à l’épreuve pour l’administré), du guichet, et les moyens de repérer et d’étudier ceux-ci.
Cela n’empêche pas bien sûr que certaines conclusions prêtent à discussion. Il est possible ainsi de se demander si le constat d’une grande uniformité de vue entre hauts fonctionnaires et bureaucrates dépendants d’un même ministère, ces derniers allant, ce que permet leur « éthos préfectoral » jusqu’à « anticiper ce que l’autorité hiérarchique n’a pas pu ou n’a pas voulu dire explicitement » (page 358) n’est pas pour partie un effet de sources ou de lieu, et s’il résisterait tout à fait à la comparaison systématique d’usages administratifs similaires menés en des lieux différents. Mary Lewis a ainsi montré récemment, mais il est vrai étudiant une période un peu plus ancienne, ce que les modalités de mise en œuvre du droit et des circulaires du ministère de l’intérieur devaient parfois au contexte local.
De même, si l’objectivation statistique met très nettement en valeur les préférences des fonctionnaires de la préfecture de police, qui sont aussi, et la démonstration sur ce point est tout à fait convaincante, celle des hauts fonctionnaires qui produisent les circulaires qu’ils mettent en application, les effets de celles-ci apparaissent en certains cas modestes. Ainsi s’il a bien dans les années 50 une hiérarchie des nationalités désirées, l’avantage conféré aux Italiens, les plus favorisés à l’époque, apparaît assez mince. Ils mettent en moyenne deux mois de moins que les autres étrangers à obtenir un statut stable. Les formes de traitement spécifiques mises en place en direction des immigrés algériens apparaissent, par comparaison, beaucoup plus discriminatrices et d’une toute autre nature. Peut-être le lecteur souhaitera-t-il parfois qu’aient été plus fermement distinguées celles des pratiques de classements qui se révèlent fondamentales pour le traitement des immigrés – c’est à la lecture clairement le cas de la distinction entre migrants coloniaux puis post-coloniaux et migrants européens – et celles dont on pourrait dire qu’elles jouent plus à la marge, particulièrement lorsque sont étudiés les dossiers de naturalisation, d’autant que le solide outillage statistique mis en œuvre ici le permettait.
Enfin, si Alexis Spire insiste sur l’originalité de la période étudiée, marquée selon lui par un huis-clos entre administration et immigré, qui laisse quasiment à cette dernière le monopole du traitement des populations immigrées, et auquel met fin la politisation de la question durant les années soixante-dix, la question de savoir ce qu’un tel huis-clos a d’original par rapport aux périodes antérieures me semble quelque peu absente. À l’habitué des archives de l’avant 45 en effet, la lecture donne parfois l’impression de très profondes continuités, dont l’inventaire mériterait d’être mené.

Ces remarques, qui sont plus amorces de discussions que critiques d’ailleurs, n’enlèvent rien à l’intérêt de ce travail très dense dont les lecteurs devraient se recruter bien au delà des rangs des spécialistes de l’histoire de l’immigration.

Avril 2005, par Philippe Rygiel

jeudi, octobre 13, 2005

Précisions sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France

Le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 a été de nouveau modifié.

Les nouvelles dispositions issues du décret n° 2005-1051 du 23 août 2005 ne font souvent que reprendre, avec parfois quelques précisions complémentaires, les dispositions de la loi du 26 novembre 2003. Certaines dis­positions sont par ailleurs sans rapport avec la loi nouvelle : les unes visent à offi­cialiser des pratiques apparues en marge des textes, voire condamnées par le Conseil d’État – c’est le cas des dispositions concernant les conditions du dépôt de la demande de titre de séjour, les autres à transposer la directive communau­taire du 27 janvier 2003 sur l’accueil des demandeurs d’asile (information et accès au travail des demandeurs d’asile).

> D. n° 46-1574, 30 juin 1946 mod. par D. n° 2005-1051, 23 août 2005 : JO, 30 août

vendredi, octobre 07, 2005

L'afflux d'immigrés force l'Europe à revoir sa relation à l'Afrique

LE MONDE | 07.10.05

L'afflux croissant de candidats à l'immigration aux frontières méditerranéennes de trois pays de l'Union européenne ­ – l'Espagne, l'Italie et Malte – ­ oblige les Vingt-Cinq à réexaminer leur politique sur l'immigration.

Les nombreux naufrages d'immigrés clandestins qui essaient de gagner la Sicile ont conduit l'Italie à se tourner vers la Libye, principal pays de transit vers l'Europe dans cette partie de la Méditerranée, pour tenter de freiner le mouvement migratoire. Les graves incidents survenus au Maroc au seuil des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, qui, jeudi 6 octobre, ont fait six morts, appellent également une collaboration accrue entre Madrid et Rabat. Mais au-delà des nécessaires accords bilatéraux entre les Etats européens et les pays voisins par lesquels transitent les migrants, issus le plus souvent de l'Afrique subsaharienne, l'Union est appelée à l'aide pour harmoniser les législations et coordonner les actions.


Le ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a ainsi invité l'Europe à se mobiliser pour faire face à la crise. "Il est urgent, a-t-il déclaré à Strasbourg, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, que l'Union européenne joue un rôle de premier plan dans ce domaine tant en ce qui concerne les politiques de migrations que pour l'élaboration d'un ambitieux plan de coopération avec l'Afrique". Selon M. Moratinos, "il s'agit d'une priorité pour l'Europe, et pas seulement pour l'Espagne" . Le ministre demande aux Vingt-Cinq de "gérer ensemble ce phénomène qui risque sinon de nous dépasser et nous entraîner dans des effets dévastateurs".

Le commissaire européen à la liberté, la justice et la sécurité, Franco Frattini, a répondu positivement à la demande du gouvernement espagnol en annonçant notamment qu'une mission technique, issue de la nouvelle agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, en cours d'installation, allait se rendre sur place. Il a également indiqué qu'une aide de 40 millions d'euros serait débloquée pour aider le Maroc à contrôler ses frontières et qu'un accord de réadmission des immigrants clandestins, en négociation depuis un an et demi, pourrait être conclu avant la fin de l'année avec Rabat. "L'Europe est prête à s'engager rapidement sur le terrain , a-t-il déclaré, mais elle exige aussi du Maroc un engagement fort et clair à lutter contre l'immigration clandestine."

Dans un entretien au quotidien italien La Stampa, M. Frattini, qui lorsqu'il était ministre des affaires étrangères de M. Berlusconi a dû faire face, à ce titre, aux pressions migratoires, affirme que "personne en Europe ne peut se sentir protégé à l'intérieur d'une forteresse parce que la forteresse s'est écroulée". Les images de Ceuta et Melilla, ajoute-t-il, montrent que "la force du désespoir est vraiment grande" et que "l'Europe ne peut plus penser s'y opposer par des fils de fer barbelés" .

Invité à commenter des propos du ministre italien de l'intérieur, Giuseppe Pisanu, qui s'est plaint, dans une lettre au même quotidien, de la "somnolence" de l'Europe sur cette question, le commissaire européen lui donne raison en jugeant que certains pays d'Europe, parce qu'ils sont "géographiquement éloignés" des lieux où se rencontrent le désespoir et le trafic d'êtres humains, manifestent peu d'empressement à affronter ce problème. Il souhaite que les Vingt-Cinq donnent à la Commission "des pouvoirs effectifs de coordination". Il se dit également d'accord avec l'idée lancée par M. Pisanu d'un "plan Marshall" pour aider l'Afrique subsaharienne.


"UN PACTE EURO-AFRICAIN"


La Commission, qui adoptera mercredi 12 octobre, à l'initiative du commissaire au développement, Louis Michel, une communication définissant "une stratégie pour l'Afrique" et proposant "un pacte euro-africain pour accélérer le développement de l'Afrique" , considère qu'au-delà de la lutte contre l'immigration illégale, du contrôle des frontières et du rapatriement des clandestins le principal moyen de freiner les flux migratoires est de mener une politique de développement plus ambitieuse dans les pays d'où proviennent les immigrés. L'UE a notamment engagé, en juin 2005, un dialogue avec la Libye sur ces questions.

En se prononçant, à cette occasion, pour "une approche globale et intégrée de l'immigration dans la région méditerranéenne" , les ministres de l'intérieur des Vingt-Cinq ont souligné la nécessité d'"intensifier la coopération avec les pays situés aux frontières méridionales de l'Union européenne, de même qu'avec un certain nombre de pays d'origine et de transit importants du continent africain" . Il s'agit, expliquaient-ils, de "renforcer la capacité de ces pays" pour leur permettre de "mieux gérer l'immigration" et d'"offrir une protection aux réfugiés". Dans le cas de la Libye, la "portée" et l'"évolution" d'une telle coopération devait dépendre des engagements de Tripoli en matière d'asile et de droits fondamentaux.



Thomas Ferenczi

jeudi, octobre 06, 2005

Discriminations à l'embauche, quelles solutions ?

Chat LEMONDE.FR : Article publié le 22.09.05
L'intégralité du débat avec Roger Fauroux, auteur du rapport "La lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi"
Babaaurhum : Ne s'occupe-t-on pas d'avantage de faciliter l'entrée des Français "d'origine immigrée" dans les discothèques que de s'atteler à leur assurer une intégration dans le monde du travail ?

Roger Fauroux : Les deux sont éminemment souhaitables, c'est l'intégration dans l'ensemble de la vie sociale. Moi, je me suis intéressé, à la demande du gouvernement, à l'intégration dans le monde du travail. Et les discriminations à ce stade sont très importantes. Le problème des discothèques est insignifiant par rapport à celui des discriminations dans le monde du travail. La tâche est infiniment plus compliquée, mais les choses se font.

Chambi : Pourquoi le CV anonyme n'a-t-il pas été retenu par nos chers députés ?

Roger Fauroux : Parce que l'obligation du CV anonyme est inapplicable. On peut voter n'importe quel texte, mais quand il s'agit de PME, les principaux employeurs et recruteurs, il est impossible techniquement d'imposer le CV anonyme. Celui-ci ne peut être expérimenté que dans les très grandes entreprises. Ce n'est donc pas la solution des problèmes.

Benjamin_H : Pour lutter contre la discrimination ethnique à l'embauche, ne faudrait-il pas, dans un premier temps, quantifier ou tout au moins identifier les critères d'égalité face à l'emploi ?

Roger Fauroux : Tout à fait. Je suis de votre avis. Je pense que ce qu'il faut absolument obtenir, c'est de connaître l'absence ou la présence des immigrés dans les organisations françaises publiques ou privées. C'est une chose importante, d'abord du point de vue pédagogique. Et puis on pourra mesurer d'une année sur l'autre le recul des discriminations et l'efficacité des mesures.

Pixie : Supprimer l'interdiction de recenser les origines ethniques des citoyens français vous parait-il une des solutions ?

Roger Fauroux : Oui, je crois qu'il faut absolument faire ce qu'on fait dans d'autres pays : connaître la situation exacte des immigrés dans les activités françaises. L'interdiction d'identifier les personnes est vraiment une espèce de tabou et aussi un alibi pour se cacher l'existence d'un problème. Beaucoup de gens disent : mais il n'y a pas de problème, nous considérons les immigrés comme le reste des Français. Il faut donc leur démontrer que dans leur entreprise il n'y a pas d'immigré, ou que les immigrés n'y sont pas considérés du point de vue hiérarchique, comme les Français de souche.

Mourad : Bonjour. Je m'appelle Mourad, 24 ans, diplômé ingénieur en France et actuellement aux Etats-Unis depuis deux ans, où je suis également diplômé de master (bac +6 aux Etats-Unis). Cependant, étant aujourd'hui décidé à retourner chez moi, en France, quelle ne fut pas ma surprise de voir que mon CV est indésirable. Ecartant d'entrée la piste de la discrimination, j'ai envoyé à ce jour, un total d'environ 250 candidatures en bonne et due forme, dont l'immense majorité n'a même pas fait l'objet d'une réponse ou d'un accusé de réception. Y a-t-il aujourd'hui de la discrimination au niveau de postes qualifiés tels que ceux d'ingénieur ? Que pouvez-vous faire pour régler un problème ayant plus trait à un problème social à très large échelle, tel que celui de la discrimination ?

Roger Fauroux : Votre cas illustre de manière éclatante ce que je suis en train de dire. La discrimination en France est d'autant plus forte que le niveau de qualification est élevé. J'ai deux conseils à vous adresser : le premier, c'est d'écrire à Louis Schweitzer, président de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité). Il faut que vous le saisissiez de votre cas, très illustratif et très scandaleux. D'autre part, il faut écrire personnellement à Claude Bébéar, président d'AXA, en citant mon nom si vous le voulez, pour lui raconter votre histoire. Car il a pris l'initiative de former un groupement d'entreprises pour la diversité.

"JE NE SUIS PAS POUR LA DISCRIMINATION POSITIVE"

Bertein : Bonjour. Quid de la discrimination positive à l'heure où le principe méritocratique ne fonctionne pas ?

Roger Fauroux : Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Car le principe méritocratique fonctionne au profit d'une élite qui se reproduit. Donc je ne suis pas pour la discrimination positive – et d'ailleurs les immigrés qui ont réussi sont contre, car cela laisse entendre qu'ils doivent leur promotion sociale à la couleur de leur peau. Mais il faut introduire réellement l'égalité entre les immigrés et les Français de souche, car cette égalité, en fait, n'existe pas.

Pixie : La mise en place d'un système de quotas par origine ethnique semble découler logiquement d'un recensement ethnique. Après l'étude, l'action. Y êtes-vous favorable ?

Roger Fauroux : Ce système se retourne toujours contre les personnes que l'on prétend aider. Cela s'est vérifié aux Etats-Unis. C'est un système trop facile qui introduit en fait une fausse égalité, car les gens vont dire que les immigrés bénéficient de conditions plus favorables, alors qu'il s'agit de les mettre sur le même pied que les Français de souche. Il faut donc inventer autre chose que le systèmes des quotas.

Jim : Observe-t-on autant de discriminations à l'embauche lorsque l'on a un diplôme "reconnu" ? Un diplômé, d'origine étrangère, de Sciences-Po, de l'Essec ou de HEC rencontre-t-il autant de difficultés pour être embauché qu'un individu postulant pour un poste moins prestigieux socialement ?

Roger Fauroux : Quand on dit étranger, bien sûr, il s'agit d'étrangers venus du Maghreb ou d'Afrique. Le problème, malheureusement, concerne la couleur de peau. Jim a raison : plus l'individu est qualifié, plus il aura de difficultés à s'intégrer. Sur un chantier de travaux publics, on trouve beaucoup de ressortissants de l'Europe du Sud. On en trouve beaucoup moins dans les grandes écoles. Il faut prendre le problème à la base, à l'école : les enfants de familles immigrées doivent recevoir des bourses, soient conseillés, pour que les meilleurs puissent s'engager dans des études longues. Ensuite, il faut veiller à ce que, à leur entrée dans l'emploi, ils soient mis à égalité avec les jeunes Français de souche.

LA NÉCESSITÉ DU RECENSEMENT ET DE LA PUBLICITÉ

Hamid : "Inventer autre chose", oui, mais que proposez-vous M. Fauroux ?

Roger Fauroux : J'ai fait un rapport pour M. Borloo dans lequel je fais un certain nombre de propositions. La première, qui me paraît essentielle, est le recensement. Il faut montrer du doigt aux responsables que notre système ne marche pas, ne favorise pas l'intégration. D'autre part, il faut faire de la publicité. Il faut que le gouvernement finance une campagne de publicité, comme une entreprise de recrutement l'avait fait, montrant que les immigrés sont des gens qui doivent et peuvent remplir de très grands services aux entreprises. Que la diversité est un enrichissement, et la discrimination, un gaspillage. Il faut aussi expérimenter le CV anonyme dans les grandes entreprises. Il faut également que dans chaque bassin d'emploi, les chambres de commerce, les unions patronales, les syndicats, les responsables d'entreprises, les fonctionnaires se rassemblent pour mettre en œuvre des mesures anti-discrimination. Cela existe dans un petit nombre de régions de France, et cela marche.
C'est au niveau territorial, décentralisé, que les choses ont le plus de chances de fonctionner. Et de manière générale, il faut perfectionner les procédures d'embauche. Il faut évaluer les compétences, l'expérience, la motivation d'un candidat à l'emploi plutôt que recruter à la tête du client. Il y a une tendance beaucoup trop grande de la part des recruteurs à faire jouer des facteurs subjectifs. Il y a un effort qui est en train de se développer pour que ce soit les "habiletés", c'est-à-dire les compétences réelles, qui soient évaluées, et non le nom ou la couleur de la peau. Le rapport que nous avons remis à M. Borloo est sur Internet et peut donc être consulté facilement.

Faseyo : Comment dépister efficacement les discriminations en vue de les sanctionner ?

Roger Fauroux : Il faut que la Halde, qui a été instituée pour cela, ait des moyens et les exerce. C'est-à-dire qu'elle doit faire des enquêtes chaque fois qu'elle est saisie d'un cas de discrimination et, si elle le juge nécessaire, faire appel aux juges. Et il faut que les magistrats, qui, jusqu'à maintenan,t n'ont pas manifesté beaucoup de zèle dans la poursuite des délinquants, considèrent que c'est l'une de leurs priorités, au même titre que les autres délinquances.

Elo : La Halde dispose-t-elle de moyens suffisants pour lutter contre les discriminations à l'embauche ?

Roger Fauroux : La Halde débute. Elle doit avoir un mois d'existence. Et j'espère qu'on va lui donner des moyens. On peut considérer comme un bon signe que le président de la République ait tenu à mettre en place personnellement la Halde et à présenter son président, Louis Schweitzer, ancien président de Renault.

Babybarn : Aux discriminations ethniques se surajoutent tout un ensemble de filtres tout aussi insidieux (apparence physique, sexe, âge, comme l'a montré Jean-François Amadieu). Est-ce un mal typiquement français ?

Roger Fauroux : Malheureusement non. C'est un phénomène qui existe dans tous les pays et qui s'appelle la peur de l'étranger. Et l'expérience montre qu'aucun pays européen ne mérite vraiment d'être cité en exemple. Je pense d'ailleurs que quoi qu'on puisse dire, les Américains, à leur manière, ont mieux réussi que nous. Il est symptomatique que le deuxième personnage de l'Etat, Condoleezza Rice, soit noire, et que le précédent secrétaire d'Etat, Colin Powell, était un général également issu de la communauté noire. Nous n'avons aucun représentant des communautés d'immigrés qui, en France, ait atteint ce niveau de responsabilité. Et quand on regarde la télévision américaine, ou même anglaise, on voit beaucoup plus de visages"exotiques" qu'à la télévision française. Je crains malheureusement que nous soyons un peu plus mauvais que les autres...

LES DIFFICULTÉS DE L'ÉTAT FACE À CE PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ

Pixie : Votre plan propose beaucoup d'études et de communication, mais peu d'action. Et de préférence décentralisée. L'Etat ne peut-il pas prendre lui aussi ses responsabilités ? Non pas seul mais en tant qu'acteur parmi d'autres. En étant aussi un exemple en tant qu'employeur ?

Roger Fauroux : Ce que nous avons voulu dire, c'est que les discriminations sont un phénomène de société fondé sur des représentations, des tabous, des angoisses, des soupçons, bref, toute une série de phénomènes sociaux, psychologiques, sur lesquels l'Etat n'a pas beaucoup de prise. La preuve, c'est que nous avons un arsenal législatif et réglementaire très étoffé, mais il ne fonctionne pas. Il y a deux secteurs sur lesquels l'Etat a une prise, donc une responsabilité : le premier concerne le recensement, dont nous avons parlé. Je pense que le gouvernement doit négocier avec la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) des procédures qui permettent à la fois de savoir quelle est la situation réelle en France, de manière chiffrée, et d'autre part, bien sûr, de préserver les libertés individuelles.
Et il y aussi un aspect des choses sur lequel l'Etat pourrait agir, ce sont ses propres salariés, les fonctionnaires. Or il suffit de pénétrer dans un ministère ou une préfecture pour se rendre compte que les immigrés, quand il y en a, remplissent les fonctions les plus subalternes et sont peu nombreux dans les étages supérieurs. Donc l'Etat, pour donner l'exemple, doit installer dans des postes de responsabilité à l'intérieur de l'administration des gens issus de l'immigration. Je dois dire qu'il a commencé à le faire en ce qui concerne le gouvernement lui-même, puisque nous avons aujourd'hui deux ministres issus de l'immigration nord-africaine, M. Azouz Begag et M. Mekachera, et c'est un phénomène que malheureusement on n'avait pas vu depuis le général de Gaulle, soit depuis une bonne quarantaine d'années.

Mourad : Quels sont aujourd'hui le rôle et les moyens d'action du ministre délégué à l'égalité des chances (Azouz Begag), quant à ce problème de la discrimination à l'embauche ?

Roger Fauroux : Il est membre du gouvernement, ministre délégué auprès du premier ministre ou auprès de M. Borloo, il a donc tous les pouvoirs. Il a en particulier le pouvoir de veiller à ce que la Halde assume ses responsabilités.

Guimbarde : Et les médias, où sont-ils ? Ne participent-ils pas à la formation de ces angoisses, ces inquiétudes, voire indirectement au refus de régler ce problème d'embauche ?

Roger Fauroux : Je crois que c'est une bonne remarque. C'est vrai que les médias jouent un rôle très important dans la formation de l'opinion. Un rôle plus important que celui que peut jouer le gouvernement, dont les moyens sont limités et qui, jusqu'ici, ne s'est pas beaucoup intéressé à ce problème. Certains médias préfèrent mettre l'accent sur les incidents violents qui ont lieu dans les banlieues. Je préside un jury alimenté par des fonds privés et qui décerne chaque année quarante bourses d'enseignement supérieur à des jeunes issus des banlieues, élevés dans des familles très démunies, pour une large part de familles immigrées, et qui ont eu une mention"très bien" ou "bien" au bac. Les médias ne parlent pas beaucoup de ces jeunes immigrés. Les médias pourraient donner l'exemple en recrutant également parmi les journalistes, en particulier ceux qui apparaissent sur les écrans de télévision, des personnes issues de l'immigration. Or tout le monde constate qu'ils sont vraiment rarissimes.

Pkoipa : Les clients des entreprises sont souvent cités par les managers ou autres pour justifier la discrimination à l'embauche. Ne devrait-on pas agir envers ces fameux clients ?

Roger Fauroux : Je crois que ce sont des alibis. C'est plutôt l'inverse qui serait vrai. Je connais des responsables de grandes surfaces installées dans des banlieues et qui jugent plus astucieux d'avoir des personnes originaires du Maghreb à leurs caisses, précisément parce qu'une bonne proportion de leur clientèle vient du Maghreb. Une entreprise proche des clients a intérêt à avoir un personnel identique à ses clients.

Elo : Quelle population est touchée par ces discriminations ? Comment réagit-elle ?

Roger Fauroux : Il y a deux manières de réagir : ceux qui avalent les affronts et redoublent d'efforts. Ce sont les jeunes que je citais tout à l'heure et qui obtiennent de bons résultats au bac. Et il y a ceux qui réagissent très violemment à cette exclusion et qui cherchent au contraire à se ré enraciner dans un islam fondamentaliste, en rejetant la société occidentale.

Hamid : Maintenant que vous avez remis votre rapport, quel va être votre rôle sur ce dossier à l'avenir ?

Roger Fauroux : Personnellement, j'ai remis mon rapport, mais je considère que c'est un combat qu'il faut poursuivre. C'est-à-dire que je suis tout à fait décidé à utiliser le réseau que je peux avoir, la connaissance que j'ai acquise du dossier, pour essayer de faire avancer la solution du problème. Mais j'insiste sur le fait que je ne peux pas le faire seul. Il faut que tout le monde – les immigrés eux-mêmes, les patrons, les ministres et les médias – s'y mette. C'est d'ailleurs ce que nous sommes en train de faire en ce moment même.
Nous sommes à un moment très important. Pendant des années, des dizaines d'années, on a ignoré ce problème, et maintenant il est devenu énorme. Et je crois que pour la première fois, l'opinion se rend compte qu'il faut trouver une solution. Et nous n'avons pas beaucoup de temps. L'Histoire avance vite, les hommes et les femmes sont très impatients, et je me félicite que le gouvernement ait enfin considéré le problème des discriminations comme une priorité nationale.

Chat modéré par Constance Baudry et Fanny Le Gloanic

Les ratés de l'intégration

Mais c'est quoi, au fait, le « modèle social français » ?

Article paru dans l'édition du Monde du 04.10.05

Les politiques menées depuis une vingtaine d'années ont montré leurs limites
ancinante question des politiques : le modèle d'intégration à la française a-t-il vécu ? En novembre 2004, dans un rapport sur « L'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration », la Cour des comptes dressait un constat alarmiste sur la machine à intégrer française. Elle y décrivait une « situation de crise » qui n'est pas le produit de l'immigration mais « le résultat de la manière dont l'immigration a été traitée (...). L'Etat se limite à superposer des dispositifs, avec des allers-retours en matière d'accès et de séjour, en laissant l'intégration se faire elle-même ».

Les ratés de l'intégration touchent tous les domaines de la vie sociale. Spatialement déjà, avec la concentration des populations issues de l'immigration dans certains quartiers. A l'école ensuite : pour un enfant de famille étrangère entrant au collège, la probabilité de sortir du système éducatif sans qualification est deux fois plus élevée que pour un enfant de parents français (15,1 % contre 8,7 %).

Une récente étude du ministère de l'éducation nationale tempère ce constat, en montrant qu' « à situation sociale et familiale comparable », les enfants d'origine étrangère « ont des chances au moins égales à celles des autres élèves de préparer un baccalauréat général et présentent un risque moins élevé de sortie précoce du système éducatif ». Mais ces situations ne sont pas, justement, comparables. Le taux de chômage des immigrés - y compris pour les cadres - demeure près de deux fois plus élevé (16,4 %) que pour les nationaux. Comme le soulignait la Cour des comptes, « l'emploi des immigrés ne figure -dans les politiques publiques- que sous l'aspect de la lutte contre les exclusions et les discriminations », qui a pris peu à peu le pas sur les politiques d'intégration. En témoigne le débat autour de la discrimination positive qui anime aujourd'hui la classe politique.

Cette notion n'est pas neuve en France. Elle fonde depuis une vingtaine d'années un certain nombre de politiques publiques d'équité à vocation sociale, telles que les zones d'éducation prioritaires, la politique de la ville, la réglementation du marché du travail. Mais les dénonciations des discriminations ethno-raciales ont contribué à porter sur le devant de la scène une autre conception de la discrimination positive désignant, à l'instar de l' affirmative action américaine, le fait d'accorder des avantages compensatoires spécifiques à des individus considérés comme membres de groupes défavorisés. Une conception qui, en heurtant le principe d'égalité des chances, bouscule les fondements du modèle républicain.

« Le problème n'est pas de savoir si on est pour l'égalité, mais comment on y arrive », fait valoir Nicolas Sarkozy qui s'est fait le chantre de la discrimination positive. « Dans la société française, l'égalité des chances consiste à donner la même chose à chacun. Or ce n'est pas ainsi que l'on atteint l'objectif. Assurer l'égalité des chances, c'est être capable de discriminer les moyens en fonction des mérites et en fonction des handicaps », soutient le ministre de l'intérieur. A ces arguments, les défenseurs du modèle républicain répondent que les politiques de discrimination positive entraînent une stigmatisation des populations ciblées.

Dans le premier rapport du Conseil d'analyse de la société (CAS), rendu public le 27 septembre, Luc Ferry, son président, reconnaît que « la tradition républicaine ne suffit plus à réparer un certain nombre d'injustices. Les tenants de la discrimination positive posent une vraie question ». Mais plutôt que la discrimination positive, le président du CAS préfère défendre le concept de « société de la nouvelle chance » pour « redonner à ceux qui sont dans une impasse les moyens de reprendre en main leur destin ».

Pour Jeannette Bougrab, universitaire et membre du Haut Conseil à l'intégration (HCI), il faudrait, avant de parler d'échec du modèle républicain, se poser la question de la réalité de sa mise en oeuvre : « Parler de discrimination positive, relève-t-elle, permet en réalité d'éviter un certain nombre de questions, notamment celle des moyens. »

Laetitia Van Eeckhout

Opinion : le droit du sol n'a jamais été automatique, sauf avant et pendant la Révolution

Par PATRICK WEIL, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l'immigration et des questions de nationalité

« Il faut rappeler que le droit du sol n'a jamais été automatique, sauf avant et pendant la Révolution »

Article paru dans l'édition du Monde du 20.09.05

Selon le chercheur, « la règle doit être la même dans tous les départements de France »

Quelle est votre réaction aux déclarations de François Baroin envisageant une remise en question du droit du sol dans certaines collectivités d'outre-mer ?

François Baroin connaît-il son sujet ? Il faut rappeler que le droit du sol n'a jamais été automatique en France, sauf avant et pendant la Révolution. Depuis 1803, un enfant né en France de parents étrangers n'acquiert jamais automatiquement la nationalité française dès sa naissance. Aujourd'hui, il ne peut l'obtenir qu'à partir de 13 ans, s'il vit encore en France. Et, pour cela, il faut une démarche des parents avec l'accord de l'enfant. Pour que l'acquisition de la nationalité française soit automatique dès la naissance, il faut que l'un des deux parents soit lui-même déjà né en France.

Une réforme du droit du sol aurait-elle dès lors un impact en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ?

Non, car l'immigration irrégulière n'est pas liée aux principes régissant l'acquisition de la nationalité française. Si les problèmes décrits par M. Baroin sont réels, ils doivent être traités comme tels : application de la législation contre le séjour illégal ou répression de la fraude au code civil s'il s'agit de paternité fictive.

Aujourd'hui, l'acquisition de la nationalité française par le droit du sol n'est pas un moyen de contourner la réglementation en matière d'immigration, puisqu'un enfant doit attendre l'âge de 13 ans pour faire enregistrer sa demande. Entre-temps, il aura pu être reconduit à la frontière avec ses parents. Et vouloir poser la règle de la régularité du séjour des parents comme condition pour l'accès ultérieur des enfants à la nationalité française, c'est exiger l'impossible. Cela supposerait que les parents conservent treize ans les papiers justifiant leur présence régulière en France. Cela mettrait leurs enfants en situation d'instabilité juridique inacceptable, préjudiciable à leur bonne intégration dans la société française, à leur sentiment d'appartenance à la France.

Entre la métropole et l'outre-mer, pourrait-on avoir une application différente du droit du sol ?

Dans ce domaine, la règle doit être la même dans tous les départements de France. Si l'on modifiait pour l'outre-mer les règles relatives à l'acquisition de la nationalité française, il y aurait violation de l'unité de la République et du principe d'égalité des citoyens devant la loi. Violation que le Conseil constitutionnel ne manquerait certainement pas de censurer. Il est tout de même paradoxal de voir un ministre gaulliste de l'outre-mer proposer des mesures qui mettent en cause l'unité de la République, souvent contestée par ailleurs dans ces départements !

Propos recueillis par Laetitia Van Eeckhout

Mayotte, la République et le droit du sol

Point de vue par Paul Kramer
LE MONDE | 05.10.05


Les propos du ministre de l'outre-mer, François Baroin, appelant à une remise en cause du droit du sol ont été largement salués à Mayotte, du moins dans les rangs de la classe politique mahoraise.

Le député Mansour Kamardine a exprimé sa satisfaction, soulignant au passage que "le droit du sol est d'extension récente à Mayotte et n'a pu acquérir la force d'une tradition républicaine" . Une telle déclaration a de quoi surprendre tout citoyen attaché à notre tradition républicaine française.


Il n'est pas inutile de rappeler les principes applicables en matière de droit du sol pour savoir si un durcissement législatif aurait une chance d'être efficace dans la lutte contre l'immigration clandestine, objectif légitime en soi.

Que dit la loi en substance ?

Tout d'abord, les enfants de parents étrangers qui naissent à Mayotte n'acquièrent pas la nationalité française d'un coup de baguette magique, comme semble le laisser entendre le ministre, il s'en faut. Aujourd'hui, M. Baroin n'ignore pas qu'un enfant né en France métropolitaine, comme à Mayotte, de parents étrangers, ne peut obtenir la nationalité française qu'à partir de l'âge de 13 ans, à la condition expresse qu'il vive en France sans interruption et que ses parents effectuent les démarches appropriées. Cette volonté doit, de plus, être réitérée à sa majorité.

A cela s'ajoute la difficulté des démarches à accomplir et des preuves à apporter auprès du tribunal d'instance pour se voir reconnaître la nationalité française, et nombre de Mahorais en font quotidiennement la douloureuse expérience. Aussi, pour lutter contre l'acquisition de la nationalité par le droit du sol, l'arsenal législatif en vigueur a déjà de quoi dissuader les plus courageux.

On ne saurait faire grief au ministre et aux élus mahorais de s'attaquer à un vrai problème : l'émigration massive de Comoriens à destination de Mayotte – ­ seule île de l'archipel demeurée française après le référendum de 1974 sur l'indépendance des Comores. Nul doute que ce petit territoire de 374 km2, confronté à une situation économique et sociale préoccupante, n'est pas en mesure d'accueillir tous les candidats comoriens à l'immigration.

Pour autant, les mesures proposées par le ministre de l'outre-mer seront-elles efficaces pour atteindre l'objectif affiché de lutte contre l'immigration clandestine ?

Interrogé sur l'incidence d'une réforme du droit du sol, Patrick Weil, spécialiste des questions de nationalité et d'immigration (Le Monde du 20 septembre), estime que "l'immigration irrégulière n'est pas liée aux principes régissant l'acquisition de la nationalité française" .

On ne saurait sérieusement contester que les causes de l'immigration vers Mayotte soient à chercher du côté d'une extrême misère sociale aux Comores plutôt que dans la volonté d'"usurper" la nationalité française. Les habitants de Mayotte les moins fortunés ne sont-ils pas les premiers candidats au départ vers la Réunion ou la métropole, plus attractives en raison des avantages sociaux qui y sont accordés à un citoyen français ?

Renforcer les conditions d'accès à la nationalité française en modifiant le droit du sol ne dissuadera jamais les candidats à l'émigration de tenter, même au péril de leur vie, d'échapper à leur sort.

L'aménagement du droit à la nationalité française par filiation est-il sérieusement envisageable ? M. Baroin évoque la possibilité d'aller encore plus loin en limitant "à un délai d'un an après la naissance de l'enfant la période pendant laquelle un Français peut reconnaître un enfant naturel dont la mère est étrangère" .

Cette remise en cause serait motivée par la lutte contre la fraude, pourtant déjà sévèrement réprimée par le droit pénal. Il est à craindre que les conséquences néfastes de la loi n'outrepassent les avantages escomptés. Des enfants seraient privés de la nationalité française à laquelle ils pourraient légitimement prétendre. Des pères français mettraient au monde des enfants "étrangers" sur le territoire français, par le simple fait d'avoir choisi une femme étrangère. A l'heure où le premier ministre s'efforce d'encourager la natalité chez les métropolitains, les enfants de familles mahoraises connaissent les pires difficultés à faire valoir leur identité française. C'est bien la preuve d'une discrimination flagrante qui tend à éloigner Mayotte du giron de la République.

Et, précisément, l'un des dangers de la remise en cause du droit du sol pour les Mahorais, c'est qu'elle reviendrait à écarter la collectivité de Mayotte du chemin de la départementalisation. Il paraît paradoxal de revendiquer des droits sociaux équivalents à ceux accordés en métropole tout en réclamant par ailleurs un régime dérogatoire en matière de droit de la nationalité. Le risque serait grand de voir l'Etat français opposer à Mayotte ses "particularités" pour lui refuser demain un rattrapage du smic, des prestations sociales équivalentes, un droit à une assurance-chômage etc.

Si Mayotte veut appartenir à la République à part entière, elle ne saurait se contenter de nouvelles "adaptations" qui perpétuent déjà tant de handicaps et d'inégalités avec d'autres départements français.

Les mesures proposées par le ministre de l'outre-mer seraient au mieux inefficaces, au pis dangereuses pour les Mahorais. Pour sortir de l'impasse de l'immigration clandestine, il faut explorer d'autres solutions. Par exemple, améliorer l'efficacité de la coopération régionale, afin de favoriser un développement réel des Comores.

Mais rejeter sélectivement l'héritage républicain, c'est risquer de compromettre l'intégration pleine et entière de Mayotte à la France et par là même priver son peuple de l'accès à des droits économiques et sociaux indispensables à son développement.


--------------------------------------------------------------------------------

Paul Kramer est avocat au barreau de Mayotte.

En Guyane, le dossier explosif de l'immigration clandestine

Article paru dans l'édition du Monde 20.09.05

Le président socialiste de la région, Antoine Karam, a proposé de « refermer les frontières »
Nous sommes au bord de la rupture de l'équilibre sociologique de la population guyanaise. » Comme la plupart des élus locaux, Antoine Karam, président du conseil régional et secrétaire général du Parti socialiste guyanais (PSG), devient alarmiste dès qu'il évoque le problème de l'immigration clandestine.

Département français situé entre le Suriname et le Brésil, la Guyane attire de nombreux immigrants venus des pays voisins et de la zone caraïbe. Sur les 180 000 personnes vivant en Guyane, d'après l'Insee, 30 % sont étrangères, sans compter plusieurs dizaines de milliers de clandestins, « une population très importante et difficilement chiffrable », selon un document interne du tribunal de Cayenne. Les estimations varient, selon les sources, de 25 000 à 50 000 clandestins, dont 8 000 à 10 000 orpailleurs clandestins vivant en forêt.

Avec une croissance démographique record, au niveau national, de 3,5 % par an, alimentée par l'immigration et une forte natalité, la population guyanaise devrait doubler avant vingt ans. De nombreux Guyanais craignent à terme d'être marginalisés sur leur territoire. « La Guyane ne peut pas continuer à subir ce que j'appelle le génocide par substitution du peuple guyanais », indiquait le sénateur Georges Othily, en février 2004, à l'occasion de la campagne des régionales.

A la pression de l'immigration clandestine s'ajoute une insécurité grandissante. Figurant parmi les premiers départements français pour le taux de criminalité, la Guyane a enregistré 84 homicides en 2004 (le tiers de ces homicides ont un lien direct ou indirect avec l'orpaillage illégal), soit autant qu'aux Antilles pour une population quatre fois moins nombreuse. En juillet, des dizaines de personnes se sont regroupées dans un collectif, dont la première action a consisté à expulser des squatters d'un immeuble de Cayenne, pour la plupart des étrangers sans papiers.

Aujourd'hui, tout en se défendant publiquement de faire un lien direct entre insécurité et immigration, la plupart des élus demandent une pause dans l'immigration. « On a une inondation dans un appartement, on veut réparer pour éponger, donc on demande que le robinet soit fermé momentanément », explique Jean-Claude Lafontaine, le maire de Cayenne. L'Association des maires dénonce le poids de l'immigration sur les budgets des communes, qui peinent à suivre la croissance démographique, notamment en matière d'infrastructures scolaires. Peu après la rentrée, le rectorat a estimé le nombre d'enfants non scolarisés entre 2 500 et 5 000.

« PRATIQUE SCANDALEUSE »

Dans ce contexte, la proposition de François Baroin de remettre en cause le droit du sol est accueillie plutôt favorablement, même si elle n'est pas jugée suffisante. « C'est une partie de la solution, confie M. Karam, mais cela ne réglera pas le problème , car la différence de niveau de vie est trop importante avec les pays voisins, et il y aurait des moyens de contourner l'absence de droit du sol, notamment les mariages blancs. »

« Il n'y a jamais eu de véritable politique d'immigration concertée entre les élus et l'Etat », regrette le président de la région, qui appelait, le 19 mai, dans les colonnes du quotidien France-Guyane à « refermer les frontières » puis à « régulariser tous les étrangers présents depuis plus de cinq ans en Guyane ». Pour Jean-Pierre Roumillac, le président de l'Association des maires, « François Baroin a eu l'audace et le courage de poser le problème ». « Les gens viennent pour les avantages soci aux, ne faut-il pas aussi limiter l'accès à ces avantages ? », s'interroge-t-il.

Favorable à la proposition du ministre de l'outre-mer, le secrétaire départemental de l'UMP et conseiller régional Rémy-Louis Budoc rappelle la revendication déjà ancienne de Léon Bertrand, le ministre du tourisme et maire de Saint-Laurent-du-Maroni, de classer l'hôpital de la ville frontière avec le Suriname en « hôpital international ». « Il s'agit de faire cesser cette pratique scandaleuse qui consiste pour des clandestins à venir accoucher à Saint-Laurent pour avoir des enfants en situation régulière et bénéficier des aides sociales, explique M. Budoc. Nous ne sommes plus dans une logique humanitaire, mais dans un système mafieux, fait de trafics en tout genre. »

Des trafics qui bénéficient parfois de complicités locales : en 2004, plusieurs fonctionnaires de la préfecture de Guyane ont été mis en examen dans le cadre d'une affaire de délivrance présumée frauduleuse de cartes de séjour.

« En entendant les propos de François Baroin, on a tous mal à la tête, lâche un élu, membre du PSG, parti majoritaire sur les bancs de la région. Nombre d'entre nous, nés de parents étrangers, ont bénéficié du droit du sol pour devenir français. En même temps, le système est au bord de la rupture... »

Députée (PRG) de Guyane, Christiane Taubira fustige quant à elle la remise en cause de ce droit. « Si l'outre-mer est hors du territoire de la République, alors il faut le dire, aller au bout du raisonnement, et sortir du droit commun. Sinon, on applique le droit », analyse l'ancienne candidate à la présidentielle.

Laurent Marot